2S6 GÉOGRAPHI E PHYSIQUE.
Méandre la description suivante 1 : « Un vaste volume
d'eau que vomissent une fou|e de sources situées dans
les fissures des rochers et au pied des montagnes, se
répand d'abord comme une w,er dans les champs voisins,
puis se concentre dans un lac, d'où il se précipite dans
une fente profonde pour en ressortir ensuite sous la forme
d'une rivière. »
Là précision avec laquelle les écrivains d'époques si
différentes s'expriment à l'égard du Méandre, ne rend que
plus inexcusable le langage vague et erroné que le géographe
Plutarque ' tient relativement à cette rivière. Plutarque
dit que le Méandre « est le seul fleuve connu qui
remonte à sa propre source. » Sans doute, le géographe voulait
signaler par là les nombreuses et très-considérables
anfractuosités que décrit cette rivière; mais en faisant ressortir
cette particularité d'une manière si exagérée, comme
exclusivement caractéristique pour le Méandre, il prouve
qu'il ignorait complétèment que, sans aller plus loin que
l'Asie Mineure, il y aurait trouvé des rivières qui, comme
le Sangarius, íe Halys, le Kalbis, etc., présentent ce
phénomène sur une échelle beaucoup plus étendue , ainsi
qu'on peut s'en assurer par les évaluations comparatives
que nous avons données, pour ces rivières, de la dislande
en ligne directe entre leurs embouchures et leurs sources
et du développement réel de leur cours. Il est vrai que
beaucoup d'auteurs anciens, et nommément Strabon, Pline
et Vibius Sequester3, avaient été frappés des circuits Iaby-
1. Joannis Cinnami Epitome, 1. h, p. 63, éd. de Bonn.
2. De Fl. et Mont, nom.; ap. Hnds., Vet. Geogr. script, gr. min., vol. II.
3. De Flum., Font., Lac. . etc., p. 14, éd. d'OËrlimiE. Cet auteur paraît avoir
copié Plutarque, car il dit avec la même exagération , e n parlant du Méandre :
« Hic tara fleamosus ut in sese recurrat, »
CHAPITRE V.
rinthiques que décrit le Méandre ce qui a même donné
lieu à la locution d'anfractuosités méandrines, mais le géographe
en question est te seul qui ait osé énoncer dans un
sens non figuré, ce que les poètes comme Ovide », Sénèque.
3 et plusieurs autres ont pu se permettre de dire à titre
de métaphore ou de licence poétique.
Plutarque, en parlant du Marsyasparait ignorer que
ce n'est qu'un des affluents du Haut Méandre, car il ne le
dit pas , quoiqu'il place les sources du Marsyasprès de la
ville de Celtoie. Il observe que le Marsyas s'appelait jadis
Midas, et il signale sur ses bords des roseaux nommés
Aulus5 qui, agités par les vents, exhalaient des sons harmonieux
; c'était sans doute le retentissement de la célèbre
fable relative au joueur de flûte Marsyas qui périt ici de
la main d'Apollon.
Selon le géographe Plutarque6 , le Méandre s'appela
jadis Anaboenon, et il dut son nouveau nom an roi Méandre,
qui, au moment où il se mettait en route avec son
armée pour combattre les Pessiuontiens, fit voeu de sacrifier
à la mère des dieux, en cas de succès, les premiers
individus qui viendraient l'en féliciter. Or, il se trouva que
ca furent son fils et sa soeur, et le prince fanatique s'empressa
de les immoler à la déesse; acte barbare qui ne
1. Pline, 1. v,'c. 39, eh signalant ces anfractuosités, observe qu'elles sont •telles,
que souvent on croirait voir la. rivière revenir sur ses pas , « ut soepe credatw
rèverti; m ce qui est vrai pour quelques localités, mais nonpour l'ensemble de la
rivière.
2. ilélamorph., 1. vin, vers 162.
S. Ilerc. fur.. Vers. 683.
5. Pline, 1. v, 29 , dit que le Méandre sort d'un lac situé dans le mont Aulocréne.
6, Loc. cit.
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