
cette contrée ; nul doute qu’un officier européen né sût les rendre tout à
fait inexpugnables. Rendjit paraît craindre que la tentation de se faire roi de
Cachemir ne vienne à quelqu’un de ses Français; c’est toujours dans les
plaines qu’il les emploie.
Le Gouvernement anglais a , dit-on, un double motif pour fermer les yeux
sur l’infraction des traités que commet le Rajah de Lahor, en entretenant des
Européens à son service. D’abord, c’est un prétexte permanent qu’il se réserve
pour une déclaration de guerre , quand il lui conviendra de porter des troupes
au delà du Setludje; ensuite, et cette prévision me semblerait faire plus d’honneur
à la bonne foi et à l’habileté du cabinet de Calcutta, le Gouvernement
ne voit dans l’ébauche d’une discipline européenne importée par des Français
dans le Pendjab, qu’un premier pas de cette contrée vers une domination entièrement
européenne qui ne peut manquer d’être la domination anglaise. Cette discipline
que Rendjit-Sing introduit dans son armée, la suprématie qu’il a su acquérir
sur tous les petits prinees du Pendjab, qui n’avaient aucun contrôle sur leurs
sujets et ne pouvaient prévenir leurs bandes armées de traverser le Setludje
pour commettre des déprédations sur le territoire des Sikes protégés des
Anglais, font de lui un voisin commode dans le présent ; et s i, dans l’avenir,
une guerre avait lieu, la discipline européenne de l’armée du Pendjab n’aurait
d’autre effet que de livrer en un moment, sur un petit espace, toutes les
ressourcés militaires de Rendjit à la supériorité numérique de l’armée anglaise.
Pour paraître devant Rendjit avec une supériorité de nombre accablante, le
général en chef de l’armée hindou-anglaise n’aurait aucun grand mouvement
de troupes à effectuer dans l’intérieur de l’Inde; il lui suffirait de jeter tout
à coup sur le Setludje les forces stationnées à peu de distance sur la frontière
du Nord-Ouest , à Agra, Muttrah , Déhli, Alligh ur, Mirout, K u rn a l,
Loudhiana, et peut-être Caunpour ; une seule bataille terminerait la guerre.
Les débris de l’armée vaincue s’apercevraient à peine du changement de la
discipline française à la discipliné anglaise, et le peuple des campagnes se
soumettrait avec empressement à des collecteurs moins avares. Gar c’est encore
un des effets favorables aux projets futurs de l’Angleterre sur le Pendjab,
que l’excessive cherté du système européen de Rendjit, qui l’oblige à écraser
son peuple de taxes ruineuses. :
La mort de Rendjit sera probablement le signal d’une invasion anglaise;
il a deux fils rivaux , qui ne manqueront pas de se disputer l’héritage paternel.
Du côté de l’un ou de l’autre, sinon de tous deux, il se trouvera des Européens.
Le prétexte ne manquera, donc pas aux Anglais, qui n’auront sans doute
qu à se montrer, et ne rencontreront aucune résistance, pour porter léur frontière
du Setludje à l’Indus. Cette conquête est désirable pour eux. L ’Indus est
une forte ligne de défense militaire; e t sous un autre point de vue, le Gouvernement
a besoin du Pendjab pour l’indemniser des pertes que lui font souffrir
chaque année toutes les conquêtes qu’il a faites depuis 3o ans ; car aucune des provinces
qu’il a ajoutées à son empire, durant cette,période, ne paye ses frais d’administration.
La fertilité de maintes parties du Pendjâb promet au contraire
d immenses revenus, et son occupation militaire, derrière une barrière aussi
forte ¡que 1 Indus, exigera à peine quelque augmentation dans l’armée.
La marche bizarre des événements qui a fait passer successivement au
pouvoir des Anglais l’Inde tout entière jusqu’au Setludje, fait actuellement
une anomalie politique de ce pouvoir indien indépendant, entre le Setludje
et le Sind ou Indus; car le Pendjâb a toujours fait partie de l’Inde, et ce
n’est que depuis l’invasion de Nadir-Schâh, en i 7 38, qu’il a été démembré de
l’empire du Grand-Mogol.
Le capitaine Kennedy a plusieurs officiers européens dans son régiment de
Gorkhas; mais comme ju g e , comme magistrat, comme collecteur, il n’a aucun
assistant. Cependant les devoirs multipliés de sa place ne l’occupent
que i ou 3 heures chaque jour. Trente commis pâlissant toute la journée sur
les écritures, ne suffiraient pas à cette besogne sous un système d’administration
française.
L intendant général de l ’armée j connaissance de Calcutta que je retrouve
ic i, sir Robert Cunliffe, avec une demi-douzaine de scribes tout au plus, expédie
sans embarras l’immense train d’affaires de son important emploi. Faut-
il n’admettre ici qu’un système plus simple e t meilleur de comptabilité, d’administration
? N’est-il pas permis de soupçonner, chez les individus, ïplus
d’habileté dans l’expédition des affaires ?
Un des chapelains de la Compagnie, que son nom prédestinait pour l’Église,
M. Parish, habitant de Simla pour cause de santé, a reçu pour cette saison
la charge des âmes des'autres malades. Un de ceux-ci, médecin, a
la charge de leurs corps ; c’est le docteur Gowan, le botaniste de la première
expédition anglaise qui pénétra dans ces montagnes; Écossais rigide,
homme de bien , mais médiocre botaniste.
A propos de corps, on vint rapporter un jour au capitaine Kennedy,
que la tombe d’un enfant en bas âge, enterré l ’an passé dans le cimetière
naissant de la station, avait été renversée, et que le cadavre avait été exhumé.
Les Anglais ne plaisantent pas avec les morts. Cette nouvelle répandit