
aloi, pour jouer, fumer, chasser avec lu i, et le soir dîner ensemble, s’ils
sont de la même caste. Ils me font sincèrement pitié. Je ne doute pas que
l’absence de toute convivialité parmi les Indiens ne soit une des causes de
leur servitude. Voisins, égaux en rang, unis par des intérêts communs, ils
demeurent toute leur vie étrangers les uns aux autres, se jalousant réciproquement,
se soupçonnant, et ne se donnant jamais 1 occasion de se connaître
et d’éloigner ces sçupçons.
Le Ranah de Djouboeul paye un tribut annuel de 1,000 roupies (2,5oof)
au Rajah de Sirmour ou de Nahan. Il lui en reste 5,ooo à 6,000 ( i i , 5oof a
15,ooo'), me dit-on. J’ignore s’il a beaucoup de femmes. Ce doit être là son
unique objet de dépense, avec les réparations de sou vaste durbar. Il était
vêtu de mousseline blanche assez commune, et coiffé d’un turban violet de
même étoffe. Son vakil, façon de paysan très-intelligent, avec une physionomie
singulièrement respectable, douce et bonne, était vetu à peu près
comme les autres villageois.
Le Ranab se retira quand je me levai, et avec les m'êmes honneurs qu à
son arrivée, très-satisfait suivant toute apparence. Le voyage projeté de lord
William Bentinck à Simla semblait l’inquiéter beaucoup, comme annonçant
la guerre dans quelque province voisine. Ces malheureux chefs montagnards
ont tellement perdu aux derniers événements de ce genre, qu’ils en redoutent
singulièrement le retour.
Les cultures et les habitations sont moins dispersées sur les pentes des
montagnes qui bordent la rive gauche de cette vallée que sur les montagnes
opposées. Les habitations sont agglomérées en trois villages distincts, tous
fort élevés, et dont le plus considérable s’appelle Djouboeul. Il donne son
nom au pays. Le Ranah a d’autres possessions encore dans des vallons situés
à l’O . et au S . O . de celui-ci. Il en faut beaucoup pour produire un revenu
de 6,000 roupies ( i 5,ooor.)
Il était venu avec sou orchestre, qu’il me laissa pour me gratifier du concert
et du ballet. Ne pouvant réussir à congédier ses artistes sans les entendre,
je les fis entrer dans ma baraque : trois hommes, dont un raclait
d’une mauvaise guitare (le coffre fait dune calebasse), et les deux autres
battaient du tambour; deux nautch-girlsj un enfant de 11 à 12 ans, criant
avec elles, et un autre à peine en âge de parler. La troupe s accroupit sur
deux rangs, les femmes occupant le premier, et chanta en choeur, assez
juste et en mesure, mais des airs à porter le diable en terre. Ennuyé de
cette monotonie, je fis lever l’une des deux femmes, qui pouvait n’avoir que
3o ans. et qui n’était pas laide, afin qu’elle dansât. Nous n’avons pas de
mots dans les langues européennes pour exprimer ce genre de représentation
qui nous est inconnue. Danser est inexact, puisqu’il y a nautch sans
bouger de place. Ce peut n’être qu’une sorte de balancement du corps sur les
hanches, ou sur les jarrets, avec des mouvements variés des bras et des
mains, écartant ou ramenant devant la figure un trèsrgrand voile de mousseline
claire.
Cette petite pantomime n’est qu’une suite de grimaces ridicules, exécutée
par le vulgaire des nautch-girls. Mais à Dehli, où j ’ai vu les plus célèbres,
ces t 1 agacerie la plus séduisante et la plus voluptueuse; c’est ce que doit
être la danse. Il vâ sans dire que la troupe du Ranah de Djouboeul n’est
ni des plus habiles, ni des plus soignées. Les montagnards paraissent se
complaire dans la malpropreté. A Deohra, et dans la plupart des villages
bien plus élevés encore, l’eau, exposée tout le jour au poleil, s’échauffe
assez pour donner dans l’après-midi une douche agréable ; mais chaude ou
froide, hommes et femmes semblent avoir également peur d’y toucher.
Le 11 octobre i8 3 o .— Au camp près du Durbar du Ranah de Ghound.
L e 9 octobre i83o. — De Deohra au camp sur une crête à a mil. /. ) des sources du Guirri.
L e 10 octobre i83o.— Du camp du 9 , à Dussouli.
L e 11 octobre i83o. — De Dussouli au camp près du Durbar du Ranah de Ghound.
Le Ranah de Djouboeul m’envoya un de ses gardes (dont il n’a pas plus
dune demi-douzaine) pour me servir de guide; et suivant un bon chemin
semblable à celui qui mène à Khôtikaye, mais tracé au sud de celui-ci, je
montai au sommet de la vallée, e t , de là , sur les montagnes couvertes de
forets qui dominent au sud le col de Deohra. Mes gens, partis à l’aVance,
avaient ordre de planter les tentes aux sources du Guirri; mais l’élévation et
1 humidité de ce site, d’ailleurs pittoresque, leur firent oublier, je pense,
1 ordre que j ’avais donné, et ce n’est qu’à 2 milles 1.) plus loin que je
trouvai le camp établi sur une crête médiocrement boisée, fort élevée encore,
battue de tous les vents, mais sèche. On traverse, dans la région élevée des
forêts, deux ruisseaux assez considérables; ce sont les sources du Guirri.
Elles sont élevées de io,ooop a* ( 3o48m), suivant M. Ewer, et doivent excéder
très-notablement cette hauteur, suivant mon nivellement du col de Deohra.
Le chemin s’élève plus haut encore, et, plus au sud, les montagnes atteignent
peut-être 5oopa- à 6oop a- ( i 52m à i 83m) de plus. Ces forêts, composées des