
d’une trentaine de mètres : c’est plus que la moitié de la largeur du G ange, mais
sa profondeur est moindre.
Malgré sa furie, une ligne peu interrompue d’arbres énormes se déploie le
long de ses bords sur la rive gauche : ce sont des Aunes ( Catalogue de la
vallée du Godwelgâd). D e distance en distance, entre le pied des montagnes et les
amas de roches roulées amoncelés sur ses bords, sont de petits espaces
o ù , dans les crues du torrent, ses eaux limoneuses s’épanchent, et où elles ont
déposé un sable fin et fertile : des gazons, du vert le plus tendre, émaillés d’or,
s’en sont emparés : c’est l’Oxalis corniculata :V) qui les constitue, sans le mélange
d’aucune autre herbe.
La saison des pluies est celle des hautes eaux, même pour ces torrents issus
des glaciers et si voisins de leur source. Elles sont assez basses actuellement et
assez limpides. Souvent le torrent se divise en deux branches que séparent de
tristes îlots de blocs et de quartiers de roches amoncelées, qu’il déplace ou
nivelle avant que la végétation ait pu s’y établir pour les orner et les défendre.
A u n mille ( f l . ) au-dessus du débouché de la vallée du Birréka dans pelle
delà Jumna, est le pont, Sanga~, de Xahnao, dont l’esquisse Pl. X X V I , fi g. 7
représente la construction. Il me semble que rien ne doit être si coûteux et si peu
durable ; une pièce de bois qui vient à pourrir ne peut être remplacée; 1 empierrement
qu'elle supporte et qui la retient s’éboule, et bientôt toutes les parties
disjointes doivent céder. Le croquis représente mal les proportions de cette
stupide construction. Les pièces de sa charpente sont beaucoup plus relevées.
Le tablier du pont, suffisamment large pour le passage d’un boeuf, a 36“ de longueur,
et n’est pas élevé a plus de 8“ au-dessus des eaux moyennes. Je comprends
mal la convenance d’une voie si coûteuse, car je n’ai pas encore rencontré une
seule bête de somme dans les sentiers des montagnes. Tout s’y porte à dos
d’homme, et les hommes les plus chargés passent, sans y penser, sur un arbre
équarri, jeté d’un bord à l’autre du torrent, là où il se rétrécit assez pour cela.
Chaque hameau a quelques boeufs et quelques buffles pour le labour, quelques
vaches dont le lait serf à faire du Ghy que l’on exporte. Je n’ai vu d ailleurs sur
le Sanga de Tahnao aucune trace du passage du bétail.
Le sentier Sur la rive droite, parmi les éboulements des collines d atterrissement,
est exécrable; il monte et descend sur des blocs mal assurés, obstrué
souvent par des arbrisseaux épineux, des ronces, des rosiers, des épines-vmettes
et VEuphorbta J!9- [Sourou-)^ qui reparaît ici en abondance, avec les plantes
du Dhoun qui l’accompagnent partout dans les vallées inférieures. L élévation
de. célle-ei n’est du reste encore qu’assez médiocre.Sous le pont de Tahnao, je
trouve le niveau des eaux du torrent de ia 66“ -(4 i 5 2 r.ang.)i
A un mille ( f il) , environ, au-dessus de ce pont, le Buddiar, torrent qui
descend du massif élevé dont Kédar-Kanta est le sommet, débouche dans
la vallée de la Jumna. Il est aussi large qu’elle, mais moins profond; son lit
s’étale, s'élargit en entrant dans la vallée, et on le traverse à gué sans danger.
Quelque prudence cependant est nécesssaire, car là où l ’eau dépasse le «enou
on résisterait difficilement à son impétuosité sans le secours d’un bâton. Les
hommes chargés passent deux à deux, se tenant par la main, et s’appuyant sur le
court bâton qu’ils portent tous. Pour moi,,je me trouvai fort bien de l’appui du
\plus adroit de mes montagnards, car le froid faillit à m’engourdir complètement.
Malgré ces difficultés, et d’autres plus grandes vers le sommet de la vallée,,
une dame anglaise, avec ses deux enfants en bas â g e , visita l'an passé Jumnou-
tn. Pour elle et ses enfants, la fatigue, la peine de ce voyage furent nulles.
L ’imprudence fut légère, la dépense seule dut être grande. Nous admirons
souvent l’esprit d’entreprise des Anglais, alors que nous devrions seulement
les féliciter de leur richesse, qui leur permet d’aplanir des obstacles, que nous
autres nous devons surmonter sans adoucissement. La femme d’un officier anglais,
qui suit son mari au bout du monde, subit peut-être moins de dérangements
aux habitudes de sa vie matérielle, que la femme d’un riche Parisien dans
les jours d’un déménagement.
Le vallon du Buddiar est d’un aspect sauvage et désolé. Les montagnes qui
le bordent sont, très-roides et très-élevées, leurs pentes presque nues. Sur
un de leurs gradins inférieurs, au niveau de l’ancienne vallée de la Jumna, alors
qu elle était entièrement obstruée de ces amas de blocs roulés qui n’y forment
plus aujourdhui que des plateaux adossés aux pentes de sa rive droite on voit
un gros village, appelé Nagouânne. Son territoire cultivable est assez étendu,
et adossé à un dé ces.plateaux élevés au-dessus de la Jumna, celui sur lequel
est bâti le temple et le hameau de Tahnao. Il n’a pas moins d’une soixantaine
d hectares passablement nivelés et couverts d’une assez belle récolte de blé.
Tahnao et Nagouânne, par la forme de leurs maisons, m’ont rappelé les villages
des hautes Alpes, autour des cimes du Saint-Gothard. Qùoiqu’ejles ne
soient élevées que d’un étage, leur hauteur dépasse leurs autres dimensions-
ce sont les mêmes toits, peu inclinés, couverts de larges pièces de schiste la
meme couleur sombre, le même aspect lugubre : sans doute un ciel chargé de
nuages et de pluie ne contribua point médiocrement à me les faire voir ainsi; car
tandis que je leur trouvais cette apparence alpine, je cueillais dans les haies
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