
Scrophulaire, remarquable par ses fleurs vertes, est l’herbe la plus commune
autour des champs.
Le Pavot, blanc, pour lequel sont toutes les préférences dans les soins d e là
culture, mûrit ses têtes. C’est l’époque où se recueille l’opium. On fait à
chaque tête, trois ou quatre incisions parallèles, obliques, très-peu profondes ;
et le lendemain on :recueille sur la large lame dun couteau de bois, les gouttelettes
épaissies du suc laiteux qui en a exsudé: il a déjà 1 odeur de 1 opium, mais
retient encore celle du suc frais et liquide. Sa consistance et sa couleur ne sont
aussi qu une transition de l’un à l’autre. On-1 expose par petites masses au soleil,
où il s’épaissit et brunit davantage.
Lés habitants de cette vallée semblent avoir bien plus de communication
avec les plaines. Ils n ont pas sans exception le costume uniforme des autres
parties des montagnes-. Il y a'parmi eux des pauvres et des riches, C est-à-dire,
des pauvres et des moins pauvres. Ceux-ci sont vêtus à peu près comme dans
les plaines, d’étoffes de coton. Ils ne portentpoint de barbe. L’Hindoustani qu ils
parlent, est bien moins corrompu. Leurs traits sont plus réguliers et plus beaux.
C’est une autre race d’hommes évidemment que les malheureux en majorité qui
labourent, sèment, moissonnent, vont au bois; nul doute qu il n y ait eu ici
des conquérants.
Le 8 juin i8 3 o .— A Deohra, 4 ^ h .d e marche de. Hardébi.
Deohra est un assez grand village, mais dont les habitations sont éparses au
milieu des cultures et dispersées. Je ne puis obtenir d’autre nom pour le torrent
qui y coule; que Bischnou-Ganga ou Deohra-Ganga, ou LÎsfjhi-. Quoi qu il
en soit, le vallon remonte vers le S . O .; le’ torrent coule donc presque à contresens
du Pâbeur, dans lequel il se jette un peu au-dessus de Hardébi ; il est
peu considérable. Les pentes des montagnes entre lesquelles s’ouvre son vallon
sont extrêmement dôucès; je n’en ai vu encore dans,1 Himalaya aucunes
aussi peu inclinées. Là culture les a couvertes presque entièrement de riches gradins,
dont les plus bas produisent du riz , jusqu’à près de 2000“ d élévation
absolue. Une multitude de petits hameaux sont épars'sur ces amphithéâtres,
où s’élèvent çà et là des bouquets de cèdres qui forment sur les cimes d’épaisses
forêts. Mais le torrent coule comme à l’ordinaire dans une ravine sauvage.
Ce vallon peut avoir un myriamètre de longueur; il ne laisse pas que de s’élever
rapidement, puisqu’à moins de 8ooom du Pâbeur, et à moins de ioom sur les
pentes au-dessus du Bischnou-Ganga, le baromètre indique environ 1997"
(6552p ) de hauteur absolue,- c’est-à-dire, pour le torrent lui-même, plus
de 4oom au-dessus du Pâbeur.
Un peu au-dessus de Deohra, sur une médiocre protubérance de la base des
montagnes, s’élève la demeure du Rana de Djouboeul, Pl.XLVII, roi,princeou
seigneur de cette vallée et de quelques déserts d’alentour,—s'élève est ici obligé,
car c e f amas singulier de baraques à cinq ou six étages, avec un doubletoit
sur le faite de chacune, ne le cède' en hauteur qu’aux maisons de Bénarès
Leur construction diffère peu de celle des demeures des plus pauvres montagnards;
les murailles de chaque maison sont faites; également de pièces de
bois équarries grossièrement qui alternent avec des ■ cordons de-pierre; les
dimensions de leur base sont .également petites. Mais au lieu de ne porter
qu une seule galerie en bois au dernier étage, elles en ont deux ou trois
extrêmement larges : c’est proprement là l’habitation ; les quatre murailles et
ce qu’il y a d’étages ■ au-dessous, ce- n’est qu’une base pour la supporter. Je ne
puis deviner le motif de ces constructions, qui donnent tant de, prise au vent.
Au reste, elles doivent ici lui résister par leur masse., car, séparées et notablement
distinctes à leur base, elles s’unissent par leurs galeries, deux à
deux, trois à trois, et sans nul doute plusieurs communiquent ensemble; il
peut y en avoir une quinzaine associées de la sorte. L ’ensemble de ce palais occupe
à peu près l’emplacement d’une de ces grandes maisons que l’on construit
a Paris dans les quartiers où le terrain est très-précieux. Aucune muraille
a lentour, rien absolument pour la défense.
^ C’est une grande merveille pour les montagnards. Mais aussi c’est le palais
d un roi, c’est-à-dire de ce qu’étaient les seigneurs féodauxau moyen âge enEu-
rope, peut être moins quecela. Il y a ici quelque système équivalent à la dîme et
aux corvées , qui fait engranger au Rana le meilleur des moissons d’alentour
et s il y a un des produits de la terre qui puisse s’exporter, il s’en empare presque
entièrement, pour faire, par sa vente, de l’argent liquide ; c’est le cas pour l’o-
pmm, peut-être pour leriz. Le palais de ce monarque des anciens jours a son aire
a battre le g ram, où les vilains viennent fouler avec leurs boeufs partie de leurs
gerbes, dont ils auront encore la peine de monter le grain dans les greniers du
Rana, qui le leur vendra l’an qui vient, quand ils auront consommé ce qu’il leur
laisse actuellement. J’ignore au reste si cemisérable gentilhomme règne pour son
compte ou s’il ne doit pas quelque hommage et quelque tribut à un plus grand
roi que lui.
Sa grandeur est en décadence. On voit autour de sa demeure quelques
ruines qui déposent de l ’existence d’édifices tout autres que ces misérables