
Qui iii produit? C e s t, dit-on, labsencé ou la rareté des lacs et des grandes
rivières. Mais est-ce là autre chose qu’une de ses conséquences ? Il faut le reconnaître
: quelques grands problèmes de météorologie ont été résolus, qui
expliquent avec bonheur plusieurs des phénomènes généraux de l'atmosphère
terrestre, ou qui rendent compte, jusque dans ses détails, du climat de quelques
localités; mais il en est un bien plus grand nombre qui restent encore à résoudre.
Ainsi, par exemple, les lacs ne manquent pas dans le N.!.. et dans
le N. des Etats-Unis; nulle part sur la terre on ne voit en pareil nombre, dé
si grands amas‘d’eaux. Cependant les vents du N. et du N.O., qui ont balayé
leur surface, ne versent sur les côtes orientales de ce continent qu’une atmosphère
desséchée, tandis que le vent d u S .O ., qui souffle du nouveau Mexique
sans rencontrer un seul lac sur son passage, est loin d’avoir ce caractère de
sécheresse.
Je reviens au col de Kioubrong. La chaîne méridionale de FHimalaya se
confond entièrement dans le cercle des sommets neigés qui bornent l’horizon
de toutes parts; excepté vers l'E.N.E., où s’ouvre un arc de quelques degrés
qui interrompt cette continuité de glaces éternelles. Toutefois, la hauteur de
la zone qu’occupent celles-ci est médiocre, car les plus hautes montagnes
visibles à 1 oeil n u , approximativement mesurées par des procédés trigonomé-
triques, n’excèdent pas 7,000“ , et il y ën a peu de cette élévation; mais aussi
loin que s étend la vue, aidée d’une lunette, on aperçoit des chaînes nouvelles
qui s élèvent les unes derrière les autres, dans toutes sortes de directions, et
les plus éloignées au N.N.E., vers les bords de l’Indus, sont probablement les
plus hautes de toutes. D’après une computation judicieuse de sa distance et
1 angle qu elle.fait au-dessus de 1 horizon de diverses cimes accessibles et nivelées
soigneusement, une de ces cimes voisines de l’Indus est estimée par M. Gérard,
à 8000" environ au-dessus de la mer.
Malgré la température douce de l’air, je n’aurais pu faire aucun usage de
mes mains; si je n’avais imaginé de les réchauffer contre les pierres rendues
brûlantes par 1 ardeur du soleil Ar- A 2 heures, je descendis du col, non le
long de pentes ouvertes, comme celles par où j ’y étais monté, mais dans une
ravine assez étroite qui est le sommet du vallon du Taglakar, torrent qui Sè
jette dans le Setludje près de Nissong. Les premières plantes que jè rencontrai
a 200“ ou 3oom sous la cime, fc’est-à-dire à 5;3oo” ou 5,200“ dé hauteur
absolue, étaient d’autres espèces que celles qui s’en approchent autant sur
le versant opposé : Corydalis parviflora; Poa....... Le sentier, dë ce côté,
passe sur quelques grands amas de neige, tombés des montagnes voisines.
Celles-ci offrent les formes les plus étranges ; leurs sommets , au lieu des déchirures
irrégulières des cimes qui dominent le vallon oriental du col de Kioubrong,
sont découpés en forme de tours et de fortifications ruinées, Planche X LI
près desquelles est bien grossière la ressemblance de certains lambeaux basaltiques
avec des ruines humaines. Les montagnards attribuent aux divinités
des Kylas (Kaïlas) ces monuments bizarres du temps. La crainte rend partout
l’homme superstitieux. C’est en proportion de leur hauteur et des dangers où
l’on y est exposé , lorsqu’on en tente le passage dans de mauvais temps , que
les cols de l’Himalaya sont bâtis de chougars, ou de ces piles de pierres élevées
sur leur crête par les voyageurs. Hindous et Bouddhistes, tous les: montagnards
sans distinction y ajoutent leur pierre en passant. Les gens de la
plaine, Hindous et Musulmans,/ qui ne fréquentent ces lieux que dans les
beaux jours, et qui ne soupçonnent pas les dangers dont ils y seraient menacés
dans d autres jours, ont peine à croire à ces génies des montagnes, ou qu’il
soit prudent de leur faire son offrande.
Ceux des montagnards qui ont vu plus souvent des Européens et qui savent
que nous ne partageons pas les croyances de leur superstition , mettent généralement
assez de soin à nous les cacher. La seule raison que s’obstinèrent à
me donner plusieurs de mes gens pour l’érection des chougars qu’ils bâtissaient,
c’est, me dirent-ils, pour marquer que nous avons passé ici; mais ce
n’est là qu’une fausse confession d’orgueil. Pressé vivement de s’expliquer,
un d’eux, brahmane de ' Nahan en Sirmour, s’écria d’un ton inspiré : Les
divinités des montagnes !
Le Taglakar, à un millier de mètres (en hauteur verticale) sous le col, entre
dans un vallon verdoyant et reçoit un affluent du N .E .; il coule de là vers
l’O .Ni O , C’est à tort que M. Gérard place sa source dans les montagnes de la
Tartarie; elle est en Kanawer. A partir de ce point, le chemin s’éloigne graduellement
de ses bords, et s’élève doucement sur les pentes des montagnes
qui dominent sa rive droite, vers le massif de montagnes dont le Gantong-
ghauti est la plus forte dépression.
Tchamoulé, où je campai, comme en allant à Békoeur, est un espace assez
bien arrosé et herbeux, que cette circonstance recommande pour halter ; outre
de l'herbe et de l’eau, on trouve aussi à l’entour des tapis de Crtisus nibes-
cens pour faire du feu.
Le 17 août 183o. — De Tchamoulé à Yurpo. = [Passé le col de Gantong.] —
Le grand nombre des objets d’étude que j ’avais recueillis depuis plusieurs jours,