
Les orages sont fréquents dans le Dhoun, et les ravages de la foudre n'y
sont pas rares ( i) v > *#■ ‘ *
La superstition des Indiens ne paraît pas s’être tournée particulièrement
vers la frayeur de ces météores. Les Musulmans les saluent de l'exclamation
Allah', qui répond exactement par le ton dont ils la prononcent et par les idées
qu'ils y attachent, ou plutôt par celles qu’ils n’y attachent pas, à celle-ci des
Français : « Ah! mon Dieu ! » expression vulgaire de la surprise ou de la peur,
que l ’habitude a faite automatique! Un de mes domestiques, qui n’était pas
plus voisin que moi de l’arbre foudroyé, persista, après le premier moment
de la peur passé, à dire qu’il souffrait dans la tête d'une douleur aiguë. Il
dit aussi qu’il avait ressenti dans l’épaule gauche une commotibn qui lui avait
paralysé le bras. Deux des sipahis, qui n’avaient rien éprouvé dans la tête,
se crurent également paralysés dans le côté gauche ; je les fis sortir et marcher
à la pluie, gesticulant du bras gauche aussi bien que du bras droit, et il n y
eut personne de malade au bout de quelques minutes.
Le 20 avril. — La plupart de ceux qui passent ici sont presque au terme de
leur voyag e , dont les sommets voisins de Mossouri et de Landaor sont le
but. En 4 heures ils y sont portés, partie à cheval, partie à dos d homme;
ce n’est au contraire pour moi qu’un lieu de départ, non darrivée. Je dois
| i j e profite de ce coup de tonnerre pour rappeler une observation que je ne me souviens
pas devoir écrite, et que je retrouve encore avec tous ses détails dans ma mémoire ou elle
pourrait s’effacer. , _
Dans les derniers jdurs du mois de juillet 1819, allant à Paray avec madame de Tracy, nous
essuyâmes, le soir, un orage terrible qui nous força de coucher à la Commodité, la poste au delà
de Monlareis. Le même lien et ceux d’alentour, à plusieurs milles vers le sud, avaient ete
ravagés une quinzaine de jours auparavant, le 8 juillet, si je m’en souviens, par un orage bien autrement
effroyable : la grêle, d’une grosseur inaccoutumée, lancée avec une force extraordinaire,
avait tué une multitude d’oiseaux, des lièvres et des moutons dans la campagne. Les forets,
t5 jours après le désastre, offraient, au milieu de l’été, l’apparence de l’hiver; pas une feuille,
tout le menu bois avait été haché. Les arbres isolés dans la campagne, ceux qui bordent la route
(c’étaient des châtaigniers, pour la plupart bas de tige, de o-,3 ou o",4 de diamètre au moins,
de 60 à 80 ans d’âge, dans toute leur force enfin )I étaient presque tous rompus a l ” ,o au-dessus
de terre. Us avaient été tordus par le vent avant de se briser. La foudre n’avait-elle pas aidé f a c tion
du vent? Leurs éclats étaient tous noircis et comme charbonnés. Cette coloration pénétrait
profondément. Cependant leur tissu n’était pas altéré; leur force n’était pas moindre , et une carbonisation
poussée assez loin pour les noircir ainsi les eiit rendus friables ; aucun n avait été enflammé
par la foudre. La foudre d’ailleurs tombe-t-eUe à la fois sur tous les arbres d une campagne.
Si ce n’est pas à la foudre, U est du moins bien évident que c’est à un phénomène electnque que
doit être attribué ce singulier effet. Les gens du pays nous rapportèrent, au reste, quau lieudun
tonnerre,Il ÿ en avait mille dans le ciel, et qu’on ne distinguait ni leurs éclairs ni leurs éclats,
parcte qu’ils se succédaient de toutes parts sans intervalle sensible.
me composer ici un nouvel équipage de voyage adapté aux sentiers des montagnes;
tout mon bagage doit être désormais porté à dos d’homme. Le cas
-d'un voyageur de mon espèce n’est pas prévu, il faut tout faire exprès pour
moi : dépense de temps et d’argent, et sans l’excessive obligeance du roi du
pays, le major Y o un g, le temps et l’argent suffiraient à peine. Malgré l’âpreté
pour le gain, caractéristique des gens de ce pays, il est une multitude de classes
de marchands, d’artisans, que son appât ne peut attirer auprès des Européens.
Il est naturel de penser que c’est qu’ils ne font pas avec eux de bonnes affaires,
quils sont payés arbitrairement et mal, ou renvoyés sans payemènt ; mais
j ai vu assez du pays à présent pour être convaincu que dans ce cas la vérité
est contre la vraisemblance. On m’a expliqué, par un principe très-obscur
d amour-propre, leur éloignement à se présenter à nous quand nous leur faisons
savoir, par un domestique seulement, que nous avons besoin d’eux. Ils veulent,
dit-on, les honneurs d’une arrestation régulière ; ils n’aiment à venir qu’amenés
de force. Rien n’est si facile sur la route, dans la campagne, car on ne voyage
guère sans une escorte ; et dans un petit village, où il n’y a peut-être qu’un
homme de chaque profession, les sipahis ont bientôt trouvé la , hutte de
celui que l’on désire; ils le saisissent militairement et vous l’amènent. Cela
est considéré comme fort régulier, et n’a réellement aucun inconvénient; car
1 homme, après avoir fait son ouvrage, s’en retourne toujours beaucoup mieux
paye que s’il avait travaillé dans sa cabane pour de pauvres diables comme lui.
Mais dans les villes, où les façons militaires, poussées à l’extrême, pourraient
indisposer la multitude et la soulever, les sipahis sont de peu d’utilité. Il y a
une autorité supérieure à laquelle on est soumis, c’est celle du commandant
militaire, ou du collecteur, ou du magistrat, et les domestiques de ces seuls
fonctionnaires, ceux auxquels ils donnent une sorte de caractère officiel en
leur faisant porter une plaque sur une bandoulière de drap, ont seuls le
privilège de pakarnîy c’est-à-dire,' saisir, appréhender et traduire devant
leur maître et ceux à qui leur maître les a prêtés, tout le peuple industriel et
marchand. Ces domestiques d’ailleurs, gens de l’endroit pour la plupart, y
connaissent la demeure d’un chacun, et savent tout trouver. Les Janissaires,
dans l’Orient; que l’on donnait aux voyageurs européens, avaient exactement le
meme genre d’utilité: Le Tchouprassi que le major Young m’a prêté pour être
le ministre de toutes mes arrestations arbitraires, a du saisir jusque dans les
villages voisins, des vanniers et des bourreliers pour faire, et ensuite couvrir
dé peau, les nombreux paniers dont j ’ai besoin. Chaque matin il amène à
mon camp quelque nouveau prisonnier. Cependant les ouvriers sont si mauvais,
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