
Cette hauteur excède celle où les voyageurs prétendent avoir commencé à
ressentir les effets de la raréfaction de l’air, dans les Alpes et les Pyrénées. Je
ne les éprouvai aucunement. Peu t-être l’anhélation dont Saussure et ses
guides, et tous ceux qui depuis y ont suivi ses pas, souffraient au Mont-Blanc,
n’était-elle que le résultat d’une marche laborieuse et prolongée sur des
pentes d’une roideur excessive. Peut-être que si l’on pouvait se faire porter
de Chamouni au sommet du Mont-Blanc, éviterait-on le malaise que l’on
attribue généralement à la raréfaction de l’air à sa cime. Les frères Gérard,
qui sont incontestablement les premiers voyageurs des régions alpines, se
plaignent constamment de fatigue excessive et de maux de tète violents , à
tous les cols qu’ils ont traversés, entre i 5,ooop,a* et i9,ooop,a* (4>$72“ et
5,791“ ) ; et cet état de souffrance s’est prolongé chez eux tant qu’ils sont
restés à ces hauteurs, où plusieurs fois ils campèrent. Il semblerait résulter
de là que ce malaise n’était pas seulement l’effet passager de la fatigue occasionnée
par une ascension considérable, mais réellement un effet de la
constitution atmosphérique. Pourtant je remarque que campés à ces hauteurs,
ils se plaignent aussi du froid, dont leurs observations thermométriqués
apportent la preuve, et faute de combustible, ils s’en défendent de leur propre
aveu, par d’abondantes libations. Or, avant l’ivresse, on éprouve un sentiment
de pesanteur qui est précisément celui qu’ils accusent, et que peut-être ils ne
rapportent pas à leur véritable cause. Je ferai une autre remarque qui peut
concilier tous les témoignages.
Le Mont-Blanc est élevé de i 2,4oop,a*.( 3,780“ ) au-dessus de Chamouni, qui
ne l ’est que de 3,4oopa* ( i,o 36m) environ au-dessus de la mer. On y monte
en 3o heures. Voilà, en un bien court espace de temps, un énorme changement
dans la pression de l’atmosphère où l’on se trouve plongé. Un si brusque passage
, indépendamment "de la fatigue nécessaire pour l’effectuer, peut affecter
sensiblement l’organe respiratoire. Ici, au contraire, depuis plus de 3 mois,
je vis moyennement à 6,ooop a> (1,829“) déjà au-dessus de la mer, et depuis le
dernier mois, à 9,ooop,a‘ (2,743“) , hauteur où , certes, je ne ressens aucun
des effets de la raréfaction de l’air. En montant à 15,ooop,a‘ (4,672“) d’élévation
absolue, je ne franchis qu’une différence verticale dq 6,ooop,a* (1,829“ ),
la moitié de celle qui existe entre le Mont-Blanc et Chamouni, et je n’éprouve
rien que je puisse rapporter à un trouble de la respiration. Enfin la preuve
cune ressemblance avec leur cours réel. Le texte qui se rapporte à son passage en ces lieux est
des plus insignifiants, ou des moins exacts.
que les symptômes fâcheux dont se plaignent les voyageurs au sommet des
Alpes , ou sur les cols de l’Himalaya, se dissiperaient avec le temps , et que
leurs poumons trouveraient assez d’oxygène dans un air raréfié de la moitié de
sa densité, c’est l’existence de la métairie d'Antisana dans les Andes, que
M. deHumboldta fait connaître élevée de i 3,5oop-a- (4,1 1 4“) environ, et où
une famille vit à demeure, et laboure et travaille. Nul doute que le lac de
Mansarower n ’excède de i,ooop-a- a i , 5oop-a* (3o 5m à 457“ ) ce niveau, et cependant
il y a des habitations sur ses bords, et les pèlerins en font le tour, voyage
de 7 jours. M. Gérard établit .lui-même, et d’une manière très-satisfaisante,
qu’une portion considérable du haut pays, où voyagent les marchands kanawe-
ris qui se rendent soit de Shipki, soit de Skialkur à Garou (Gortope), excède
i6,ooop,a* (4,877“ ), et ils ne s’y plaignent pas des symptômes dont nous les
voyons eux-mêmes atteints en .passant des cols souvent moins élevés ; d’où je
conclus que dans ce dernier cas, c’est de la fatigue de la marche qu’ils souffrent,
chargés surtout comme ils le sont, tandis que dans les hautes plaines
de la Tartarie chinoise, ils marchent à vide sur une route presque unie.
Ce n’est pas que je n’aie moi-même ressenti à 4,000“ d’élévation quelques-uns
des symptômes en question, savoir : la fatigue et les maux de tête. Mais je ne
me suis guère élevé à cette hauteur sans être exposé à un vent furieux, et
quelque précaution que. je prisse contre sa froidure, je fus toujours atteint
de refroidissement qui agissant d’abord chez moi sur les entrailles, produisit
un dérangement dans la digestion, dont les maux de tête étaient évidemment
la suite.
Les abords du col de Rounang m’ont offert un grand nombre de plantes
que je n’avais pas encore observées.
Il n’est que médiocrement dominé au S . E.', vers.le Setludje, et j ’ai visité
toute la crête des montagnes qui s’étend de ce côté. Dans la direction opposée,
les montagnes s’élèvent rapidement à 2,ooop a* (6 io “ ), je suppose, au-dessus.
De là on découvre parfaitement Soungnum, au fond de la vallée qui descend
du col, droit au N. E . , et en face, dans le même alignement, le
col de Ilangarang.
Il y a dans la partie inférieure de la vallée qui descend vers Soungnum
quelques bouquets clairsemés de bois de Cèdres ou de Néozas, mais si misérables,
qu’à cette distance, ils ne marquent aucunement dans le paysage. Une
teinte d’un vert grisâtre, plus souvent brunâtre, en. colore toutes les parties,
à l’exception de quelques ravines verdoyantes et des sommets blanchis par les
neiges^ Celles-ci forment encore quelques larges plaques au niveau du col,