
ils vont s’y baigner, laver leurs vêtements, les rajuster dans l’eau même, puis
ils les sèchent sur leur corps. Cependant, depuis 6 mois, je n’ai pas entendu
un homme tousser, ni éternuer; et moi, la plus légère variation jde température
m’enrhume sur-le-champ ; couvert de flanelle des pieds à la tête, voici
que je n’ose plus quitter l’épais vêtement de laine que je porte par-dessus.
Telle est ma crainte d’un rhume infaillible, si je me refroidis, que le sentiment
de la sécurité me fait porter sans souffrir cet énorme habillement par
3o° et 3 i° de chaleur. A Paris, une température pareille me rendrait toute
espèce de vêtement incommode. Au Bengal, j ’éprouvais le même effet, et il
n’y a pas quinze jours encore dans le Dhoun. Qu’y a-t-il donc de si particulier
dans la constitution de l’atmosphère des montagnes, pour que j’y éprouve à ce
point le besoin de vêtement?
De Marara à Lalouri, les mêmes roches qu’hier exactement. Le Schiste verdâtre
alterne continuellement avec le Quartz granulaire, et d’innombrables
veines et petits filons de Quartz compacte blanc les traversent en tous sens.
Leur direction, que j ’ai relevée en un petit nombre de lieux, est plutôt à
l’E .S .E . qu’au S .E . Leur inclinaison est médiocre et plus généralement
au S . S . O .
Le 6 mai i83o. — A B aré ti, 5 heures de marche lente de Lalouri.
Descendu de Lalouri dans le lit d’un ruisseau qui coule à l’Est de la crête
sur une des pentes de laquelle ce hameau est situé, Pl. X X V .
Traversé ce ruisseau, gravi la pente opposée, et redescendu plus bas au-
dessous de la jonction du ruisseau avec le torrent qui se précipite au pied
des escarpements sous le mince territoire de Lalouri. Leur réunion ne forme
qu’un cours d'eau médiocre, ayant 6“ à 7“ de la rge , et o",2 ou q“,3 de
profondeur. Au lieu où je le traversai, ce torrent coule àu Nord; mais il
sè coude bientôt à angle droit et s’infléchit davantage encore pour entrer
sous un angle aigu dans la vallée du Gange qui est fort voisin et qui descend
du Nord au Sud.— Suivant les sinuosités des pentes des montagnes qui
s’étendent le long de la vallée du Gange et de ce ruisseau, je ne tardai pas
à commander entièrement la première, et à voir le fleuve sacré près de son
berceau. Cette vue est belle. La vallée du Gange qui suit une direction
presque droite, d uN . au S ., a iooô" ou 2000" de largeur; son fond, qui est
assez uni, semble parfaitement nivelé; elle est couverte de cultures , de moissons
jaunissantes. Le Gange, large torrent, coule à une cinquantaine de mètres
au-dessous, dans une ravine sauvage. La vallée retentit de son mugissement.
Peut-être les idées de grandeur que son nom réveille, produisirent-elles en moi
une illusion qu’un torrent semblable, mais sans nom, n’aurait pas excitée :
il se peut, mais je me rappelai aussitôt le retentissement imposant des cataractes
du Niagara, que le vent, pendant le calme de la nuit, porte au loin
dans les forêts solitaires de ses rives.
L’élévation relative des montagnes qui se déploient le long de la vallée, est
considérable. Gà et là , je suppose qu’elle atteint 1200“ à 15oo” , et leurs pentes
sont rapides. Au-dessus de leurs sommets, on découvre d’autres montagnes plus
élevées qui ne sont pas bien loin, et derrière celles-là, lorsqu’un vallon latéral
ouvre, au travers des premières, un passage à la vu e , on en distingue de
plus hautes] encore. Je ne crois pas cependant que leurs cimes soient neigeuses.
Les montagnes entre lesquelles est creusée la vallée du Gange ( que les
montagnards de Sirmour et les sipahis Gorkhas appellent Ganga-bhaguiretti)
sont boisées de' la base au sommet, mais nulle part revêtues de forêts épaisses.
Leurs pentes inférieures sont ornées du mélange de la plupart des espèces
d’arbres et d’arbrisseaux du Dhoun, et leurs sommets, de forêts, plus dignes de
ce nom, de chênes et de Rhododendron. Le Pinus longijolia se montre indistinctement
sur toutes leurs pentes, mêlé à d’autres arbres sur les étages inférieurs,
et plus haut formant des bouquets où l’on ne distingue aucun autre
feuillage que le sien.
De, même que dans la vallée de l’Aglaur, quelques hameaux se montrent
à 100“ ou 200“ au-dessus de la vallée, sur les gradins inférieurs des montagnes
situées entre les vallons latéraux et la grande vallée; et leur coup d’oeil n’est
pas moins pittoresque.
En descendant dans le fond de la vallée, je trouvai la plante la plus remarquable,
par sa figure et son abondance, des montagnes du Keyri-pass, le Bau-
hima corymbosa. Le niveau absolu est sensiblement le même.
Sans doute, c’est le contraste des scènes d’âpreté et de désolation des cimes
avec l’air de vie et de richesse des vallées, qui fait paraître si belles celles
que dominent de hautes montagnes. Un ruban de culture au centre des Alpes
ou dans l’Himalaya, charme davantage qu’un bouquet d’arbres au milieu de
la monotone richesse de nos plaines, où le soleil se ,lève et se couche dans les
moissons. Dans ce cadre gigantesque de rochers, de montagnes, de forêts, la
symétrie elle-même des cultures de la vallée n’est pas ce qui plaît le moins.
Si l’on pouvait se fermer les yeux au premier plan, le tableau de là vallée du
Gange, en ce lieu, pourrait appartenir à une vallée des Alpes. Non pas qu’il
y ait une ressemblance parfaite, loin de là ; il y a même des différences sen