
dans les pâturages des montagnes plus élevées , d’où le ghuy et le petit-lait sont
transportés aux villages. ,
Ici, je commence à voir des Boeufs de race croisée avec le yâk. Ces métis sont
plus forts que la race pure du boeuf dans les montagnes. Ils sont invariablement
de couleur noire. Leurs cornes grandes, presque droites, sont dirigées de côté
et en avant. Leur poil est plus long que dans l'espèce du boeuf. Leur queue est très-
fournie , mais grossière et peu laineuse, comparée à celle du yâk ; cependant c’est
par là qu’ils ressemblent le plus à leur père, dont ils n'ont d’ailleurs aucunement
l'aspect farouche. Les Anes ne sont pas : rares, et comparés aux autres
espèces d’animaux domestiques, ils sont de grande taille. Depuis Rampour, je
n’ai pas vu un seul cheval.
Il y a parmi les habitants un redoublement de malpropreté ; le costume d’ailleurs
est le même : le petit bonnet de laine brune qui laisse les oreilles découvertes,
la tunique de laine blanche, c’e s t-à -d ire , grise et souvent noire par
l’excès de la saleté, la ceinture étroite de laine blanche et brune , et, par-des-
sous; des pantalons de laine blanche. La tunique des élégants a le double d’étoffe
et fait au-dessous de la taille une multitude de larges plis. Leurs pantalons
au contraire sont très-étroits de la jambe, mais fort longs; retenus sur le cou-
de-pied ,. ils se froncent sur le bas de la jambe en plis transversaux.
J’ai eu au reste à Tchini l'occasion de voir la population à son avantage. C’était,
il y a quelques jours, la fête d’un village voisin appelé Ivliôti. J’y allai avec
M. Inglis et un jeune officier de cavalerie, son cousin, qui voyage avec lui et
lui sert d’interprète. Nos domestiques habillés de leur mieux et nos porteurs
nous suivaient, formant un cortège de près de cent personnes.
Notre présence parut déconcerter beaucoup les gens, car nous trouvâmes les
abords du temple presque déserts, et la foule, nous dit-on, s’y pressait une heure
auparavant. Nous demeurâmes cependant, pour les apprivoiser peu à peu avec nos
figures ; plusieurs de nos serviteurs montagnards aussi leur firent des avances
de familiarité. La porte du temple s’ouvrit, l’orchestre reparut, et, prenant place
près du dieu et en face de lu i , commença son horrible sabbat. Ce fut un signal
de ralliement pour les fuyards; les hommes revinrent tous et nous nous trouvâmes
bientôt mêlés parmi eux; les femmes, moins hardies, bordaient le toit de
quelques maisons plus éloignées, mais elles se rapprochèrent aussi graduellement.
La confiance rétablie, le chef du village nous pria de sortir avec la foule
de l’enceinte du temple, pour permettre .au dieu de nous rejoindre à 1 instant
sur la place voisine, où la fête devait avoir lieu. Nous allâmes prendre place sur
un mur qui la borde. C’est une petite pelouse assez unie, au centre de laquelle
est une large guérite ouverte par tous ses. côtés, mais couverte d’un toit solide
porté sur quatre colonnes en bois grossièrement sculptées. Chaque village sur
la pente méridionale des montagnes a , comme en Kanawer, plusieurs chapelles
de ce genre, souvent fort éloignées de son temple. Elles servent d’abri aux gens
que le mauvais temps surprend dans les champs, ou bien aux voyageurs; ce sont
aussi des reposoirs pour les dieux, dans les visites qu’ils se font quelquefois de
village à village. Mais elles sont plus grandes et plus ornées en Kanawer.
La foule s’étant rangée comme nous à l’entour, la procession sortit du temple,
musique en tête. L ’orchestre du Rajah de Bissahir n’est rien auprès de celui
ci : venaient d’abord deux trompes courbées en S, Pl. XXXIII, fig. 2, les mêmes
qui servirent jadis à jeter par terre les murs de Jéricho; derrière, deux trompettes
droites, Pl. XXXIII, fig. 3 , longues de 2”, évasées en cor comme à l’ordinaire,
mais renflées en boule à diverses parties de leur tuyau. L ’un et l’autre de ces terribles
instruments sont silourds, que pour les tenir au niveau desa bouche, le virtuose
doit êtrel’Hercule de son village. Toute son ambition est de lui faire rendre
un son , et quand il y réussit, il le prolonge autant qu’il peut; mais, soufflant
avec une force décroissante, le son se modifie, hausse ou baisse, s’éteint tout à
coup pour renaître avec une aigreur perçante, etc, ; des tambours de cuivre et
de bois, des cymbales et des tamtams suivaient,ces exécrables trompes, frappant
du moins en mesure; quelques brahmanes venaient ensuite, précédant le
dieu que portaient deux hommes sur un brancard léger.
Je n avais vu dans linde aucune idole de ce gènre; elle ressemble à une large
pièce de dessert montée. Elle montre sur quatre faces trois têtes, ou plutôt trois
masques les uns au-dessus des autres, ceux du bas plus larges, ceux du sommet
plus petits, en sorte que l’ensemble des douze têtes a une forme pyramidale. Ces
masques sont de cuivre ou de bois argenté, et l'intervalle qui les sépare est bourré
de soie et d’oripeau. Du sommet s’élève un énorme plumet composé de plusieurs
queues de yâk, réunies et serrées par la base,.et qui retombent en cascade tout
autour de l’idole, ombrageant les quatre têtes supérieures. De lourdes étoffes de
soie pendent de chacune des faces inférieures, et réunies par les côtés, forment
au dieu une espèce de robe. Cet appareil, ajusté sur un brancard comme le siège
d’unjunpun, se meut sur les épaules de deux hommes. La foule reçut son dieu
sans façon, sans salam ni grimaces aucunes; précédé de sa musique, il fit plusieurs
fois le tour du reposoir, s’arrêtant par intervalles, et dansant de son
mieux par un mouvement d’oscillation que lui communiquaient ses porteurs,
et -que favorisait la flexibilité des brancards, Deux chasse-mouches ¡'époussetaient
incessamment avec des queues de yâk blanches , et les brahmanes du