
Au fond de læ niche opposée à la porte, est une figure plus grande que
nature, accroupie comme Namnang, mais d’une exécution plus correcte. Ses
chairs sont couleur de rouge brique. La tête est du style égyptien le plus
pur. Deux figures debout, placées l’une devant 1 autre, occupent les- côtés de
la niche ; elles sont exactement du même style : on les dirait toutefois couvertes
d’un émail, tant est éclatant le poli de leur surface. Une petite lampe
brûle devant la figure accroupie. J’ai regretté qu elle ne l’éclairât pas assez
bien pour que je la pusse dessiner, tant la physionomie en est gracieuse.
Mais l’objet principal du culte des Lamas, c’est un groupe de quatre
figures accroupies assez semblables à Namnang, si ce nes t quelles sont de
proportions un peu plus, grandes et que toutes quatre ont les mains jointes ;
elles sont opposées dos à dos et se touchent par leurs bases. Au-dessus de
la tête de chacune est suspendue à une poutre qui s’élève au milieu de
l’espace creux qui reste entre elles,- une tête de monstre, Planche X X X V II I,
fig. 2, qui vomit un large collier. Les Lamas l’appellent Zipata. Ces
têtes de monstre m’ont rappelé celles dont l’empilement sur quatre rangées
forme les idoles des villages kanaoris autour de Tchini.
A cette idole, les Lamas offrent non-seulement la fumée d’une petite lampe
constamment allumée au-dessous, mais du blé et de l’eau dans de petits vases
de cuivre qui ressemblent à des jouets d’enfants. Leur extrême petitesse me
ferait croire que plusieurs petites figures de cuivre appuyées contre le piédestal
des quatre grandes statues, pourraient bien être celles auxquelles on
fait ces offrandes.
Des livres thibétains, imprimés ou manuscrits, sont empilés sans ordre au
pied de l’idole quadruple. Des pétales de roses, enfilés en collier, et des
loques de crêpe de soie blanche, sont pendus au-devant, à une corde tendue
entre deux piliers. Les Lamas en donnèrent une à un de mes gens,
Kanaori, qui l’attacha joyeusement à son bonnet. Ils me firent la même offre
et parurent satisfaits de ce que je me contentasse de toucher leur chiffon,
en criant : Oum mani padmei oum à diverses reprises. Tandis que je dessinais,
ils donnèrent à leurs dieux un concert dont je me serais passé volontiers.
Un des Lamas faisait résonner la terrible trompe que j ’ai décrite à
Tchini, et mon Kanaori soufflait dans une coquille trouée qui rend un son
aigre et fait frissonner.
Les murs du temple sont couverts de peintures à fresque dont les figures
n’ont que quelques pouces Dans la multitude de petits tableaux qui s’y
confondent les uns avec les autres, plusieurs ressemblent infiniment à des
groupes chinois ; d autres paraissent indiens ; enfin il y en a dont les figures
et les costumes rappellent les peintures religieuses du treizième et du quatorzième
siècle en Europe.
Ces fresques, sans perspective aucune, mais d’un dessin souvent assez
pur et d’une couleur brillante, sont parfaitement conservées.
On traverse, avant que d’entrer dans ce temple, un vaste vestibule qui n'a
pour ornements que des peintures semblables, dont ses murailles sont entièrement
couvertes. Ce vestibule conduit aussi dans un autre temple fort petit,
obscur, et que j a i vu entrouvert, mais où les Lamas peuvent seuls entrer;
j ’y ai aperçu une idole effroyable.
Je demandai aux Lamas où toutes ces statues avaient été faites, et si elles
venaient de Ladak ou de Teschou-lombou; mais ils me dirent d’un commun
accord, quune nuit, le temple, ayec tout ce qu’il renferme, était sorti
de terre.
Quoi qu’il en soit, il est entretenu aux frais du Grand-Lama de Teschou-
lombou , et les Lamas qui le desservent insistèrent sur leur parfaite étrangeté
aux Lamas de Ladak. Leur chef me dit qu’il y en avait trente dans le monastère,
mais je n’en ai pas vu plus de dix , et je doute qu’il y en ait beaucoup
davantage. Us sont tous habillés de guenilles rouges et jaunes, et la plupart
d’une saleté révoltante^ même pour qu ia voyagé pendant deux mois en Kanawer.
Tout le territoire arable de Tabbo appartient au monastère; il est cultivé
par 5 ou 6 familles de pauvres Zémindars, dont le hameau, sur la pente des
montagnes, a la plus misérable apparence. Quelques arbres croissent autour
du monastère et dans son enceinte. Parmi les Saules et les Peupliers, j ’ai remarqué
un chétif Abricotier et un arbre appelé Oumrou ou Houmrou, qui sans
doute-est une espèce d’Eloeagnus; son tronc tortu atteint plus d’un mètre de
circonférence; ses rameaux sont épineux.
Le harfieau de Taschigong, au sommet de Kanawer, possède également un
temple entretenu aux frais du Grand-Lama de Teschou-lombou. Il faut croire
que* soutenus par le pape de l’Église thibétaine, ces deux temples, malgré leur
éloignement de la ville sainte, sont orthodoxes et parfaitement thibétains.
Cependant ils ont plus d un point de ressemblance avec les temples hindous.
La première figure que j ’ai dessinée (Planche X X X V II I, fig. i re) a le cordon
brahmanique passé de l’épaule gauche au côté drôit. L ’offrande de grain
renouvelée chaque jour par les Lamas à la divinité principale, est absolument
hindoue. Enfin, ce qui est plus hindou que tout le reste dans ces dieux et le
culte qu’on leur rend, c’est leur costume. Ils sont nus., à l’exception de la