
54 JOURNA L ,
Le 7 mai i83o. — Camp de Ghiolinla, , 6 heures de marche1 lente de Baréti.
La vallée du Gange s’étrangle tout à coup au-dessus de Baréti, Pl. X X V et
Pl. X X V I , fig. 4 et 5 : les arêtes qui descendent des montagnes viennent
mourir au bord même de la profonde ravine où il coule avec fracas. La vallée
elle-même n’est plus qu’une immense ravine. La culture disparait avec le sol
qui peut la porter : on n’en voit plus que quelques minces rubans, jetés çà
et là sur les pentes des montagnes. Le sentier court le long de ces pentes et
descend quelquefois jusque sur les grèves du Gange. Ses eaux sont boueuses
comme celles de tous les torrents issus de glaciers. Ceux que j ’avais vus jusqu’ici
dans ces montagnes étaient limpides : c’étaient des eaux de source. J’évalue
jusqu’à 3o” ou 4o” la largeur du Gange. En quelques lieux elle atteint plus de
5o”, et quelquefois aussi se resserre jusqu’à i 5m, je pense. Ses eaux paraissent
basses. Sa grève est découverte à plusieurs pieds de hauteur, Sans doute sa
profondeur est très-médiocre, et moyennement ne dépasse guère un mètre;
néanmoins les roches de son fond sont rarement à découvert, si -ce n’est
dans des rapides; mais là , où il s’étend en une nappe plus large, là même
on l’entend qui roule les uns contre les autres les quartiers de roche qu il
entraîne dans son cours. C’est un bruit étrange, que l’oreille distingue fréquemment
dans les Alpes ; il a quelque chose de redoutable. La destruction,
l’anéantissement de quoi que ce soit que ces torrents saisiraient, serait inévitable
et presque subit.
Après une heure de marche lente au Nord quelques degrés Est ( j’estime
le chemin à 3ooo” ) , le Gange reçoit sur sa rive droite un médiocre affluent
: on le traverse, divisé en plusieurs ruisseaux pendant cette saison des
basses eaux, sur des troncs de pins jetés d’un roc à l’autre, et l’on continue de
suivre encore pendant quelques centaines de mètres les bords du G ange, dont la
vallée n’est plus qu’une gorge étroite et sombre ; puis on s’élève sur le gradin
inférieur de la croupe qui sépare les deux torrents, et l’on passe des bords
du Gange à ceux du Godwelgâd. Il coule au fond d’une ravine, et le peu de
culture que l’on aperçoit, en remontant la vallée sur les pentes des montagnes
de sa rive gauche, est dispersée en rubans'étroits sur quelques-uns de
leurs gradins. A une heure de marche au-dessus du confluent du Gange et
. du Godwelgâd, la ravine où coule celui-ci s’élargit en une sorte de cirque.
C’est l’emplacement du village de Kâléâni, composé de quelques maisons bien
bâties. Au-dessus de ce hameau, le Godwelgâd reçoit à angle droit, sur sa
rive droite, un ruisseau appelé Djoueurgâd, tégjr, et fait un coude au N .E . ,
direction dont il s’écarte ensuite pour venir ici. Je continuai de marcher pendant
3 h. sur les pentes de sa rive gauche, et à une heure au-dessous de
ce lieu, je le traversai, sur un grand arbre jeté en guise de pont, d’un bord
à l’autre; il mérite encore là le nom de torrent, et après une dernière heure
de marche, j ’arrivai, ce me semble, vers le sommet de son vallon; il n’est
plus ici qu’un ruisseau.
Ghiounla est un village de 3 maisons, très-agréablement situé dans une
ravine sur-l’autre bord de la vallée.. Son petit territoire, de 5 ou 6 hectares
pour le moins, est cultivé en froment et en pavots. Là où le pavot ne peut
croître, les montagnards élèvent du chanvre, pour en substituer la feuille à
l’opium dans l’exécrable mélange d ’herbes qu’ils fument. On m’a assuré même
qu’ils employaient quelquefois en guise de tabac la feuille du Datura stramonium,
qui croit abondamment dans quelques vallées.
, Kâléâni est élevé de i o 74" ( 35a4* **), et je suis campé ici, à i 5" ou 20“ au-
dessous de Ghiounla, par 1224” (4 0 1 7 -^ ) . Nonobstant la petitesse de cette
élévation, je trouve autour de moi un grand nombre de plantes de Mossouri
et de Landaor; mais la plupart de celles du Dhoun sont mêlées avec elles.
Le Bauhinia purpurea s’est arrêté un peu au-dessous, et XEuphorbia (, Sou-
rou) n’a pas même atteint Kâléâni.
Les bois clairs qui couvrent les pentes de la partie inférieure du vallon du
Godwelgâd, depuis son confluent avec le Gange jusqu’à Kâléâni, sont composés
principalement des espèces suivantes : Rondeletia (eadem species quæ
jàm collecta m K e y n -p a s s ) ; Bauhinia purpurea; Rottlera (Keyri-pass jàm
lecta et quam immerito Crotonem vocavi^Phyllanthus celembi (arbor.B. 600,
B. 610). J avais laissé dans le Dhoun les deux espèces de Palmiers Phoenix,
qui y croissent ainsi que dans les basses montagnes de Keyri-pass, et depuis
je navais pas vu une plante de cette famille. Dans cette vallée même, près
du lieu où je suis campé, j ’ai retrouvé aujourd’hui le Phoenix acaulis, dont
la fige est réduite à une sorte de bulbe écailleuse à moitié enterrée et dont
le sommet est couvert de petites dattes rouges presque séniles; et à une centaine
de mètres plus bas (je rencontrai les premiers à 114 i",ou 3743p- "*■), une autre espèce
qui n est pas la seconde espèce indigène dans les montagnes du Keyri-pass.
Celle-ci est un arbre de 8“ à 10", plus souvent moins, dont le tronc atteint
° ”,4 et o",5 de diamètre, semblable par le port à l’espèce des plaines de
1 Hindoustan qui n’est pas le Phoenix daetylifera. Ses frondes, dans la plante
adulte, n on t pas moins de 2“ 00 à 2”,5 de longueur, fortement épineuses à
leur base : le fachis de leurs régimes est redressé, aplati; il n ’est déjeté que dans