
ce pont, qui décrit la sixième partie d’un cercle, et que le vent agite de la
manière la plus désagréable aux passants. C’est néanmoins un moyen de
communication très - préférable au djhoula. Mais l’excessive sécheresse du
climat ôte de suite à l’osier dont les câbles sont tordus, toute flexibilité;
le poids que chaque partie du système supporte, et son agitation perpétuelle,
le brisent de mille façons, et la solidité paraît des plus suspectes. Je passai
néanmoins avec tout mon monde sans accident. Il va sans dire qu’un tel
pont n’est à l’usage que de ceux qui ont une ou deux mains pour en saisir les
rampes. Des chèvres n’y peuvent passer, à moins que les bergers ne les chargent
sur leurs épaules.
De là à Taschigong, on trouve une montée des plus rudes, qui dure plus de
3 heures. On gravit le long de pentes rapides, couvertes de blocs éboulés.
Des Genévriers ( Junipems arborea), des Chèvrefeuilles et des Rosiers (Loni-
ceroe et R osce), déjà recueillis à Dabling et à Namjah (voir mon catalogue),
croissent çà et là dans leurs interstices, lorsqu’il s’y est amassé un peu de
terre végétale.
Quoique le Setludje, au-dessous de Namjah, ait de moins que sous le
Sanga de Poyé, la masse du Spiti, à peine paraît-il diminué. Le Spiti cependant
est lui-même un énorme torrent.
Deux familles seulement forment la population de Taschigong, village le
plus oriental de Kanawer. Il est situé sur les bases d’une énorme montagne,
Pourkyoul, élevée de 2 2 , 0 0 0 (6,yo5“ j. Il n’y a aucune route de ce côté, sur
la rive droite du Setludje, vers les possessions chinoises : on ne peut aller
de Taschigong qu a Namjah ou qu’à Nako.
Le a5 août i83o. — A Nako, dans la vallée du Spiti ou Hangarang, et séjour le 26.
En continuant à s’élever encore, mais lentement, sur la pente des montagnes,
on marche dans une direction opposée à celle suivie depuis Namjah,
pour franchir une arête qui se projette des flancs de Pourkyoul vers le confluent
des deux rivières. On passe ainsi en face de Namjah, et l’on revient
même encore un peu davantage à l’ouest, mais en conservant toujours le
même niveau élevé.
La vallée du Spiti, ou de Hangarang, que l’on découvre parfaitement
quand on a franchi l’arête susdite, n’offre pas avec celle du Setludje un contraste
si marqué que le dit Herbert. Les villages sont aussi rares dans celle-ci
que dans celle-là, et quoiqu’en la parcourant on découvre çà et là de faibles
restes de végétation, à distance elle en paraît aussi généralement dépourvue
qu Hangarang. Déjà autour de Namjah et de Taschigong, il n’y avait d’autre
arbre que le Jumperus arborea, mais tellement rabougri qu’il s’élevait rarement
autant que le Rosier qui croît mêlé avec lui, le Cytisus tataricus N.,
et des Astragales épineux.
Les mêmes plantes sont plus multipliées certainement, et paraissent plus
vigoureuses en Hangarang.
Nako, le premier village que l’on rencontre, malgré son extrême élévation,
i2,ooop ‘ - (3,658“), serait un des plus grands de Kanawer, et son territoire
excède en étendue arable celui de Kanum et de Soùngnum réunis. Il n’y a
alentour d’autres arbres que le Genévrier, qui, de distance en distance, s’élève
un peu au-dessus de ses humbles proportions accoutumées. Les maisons sont
bâties entièrement de pierre; le toit, en terrasse de terre battue comme dans
tout le Kanawer, est supporté sur quelques tiges tortues de cet arbre. Nako
compte une trentaine de familles. Ses cultures occupent d’abord unlarge espace,
presque de niveau, un peu au-dessous du village, et s’élèvent ensuite au-dessus
par une succession de gradins, jusqu’à la hauteur absolue de i3,oooIM- (3,962“ ).
Jusque-là,on voit prospérer le Blé; l’Orge (Hordeum hexastichon et Hordeum
celeste), que je vois ici cultivée pour la première fois; le Panicumfagopyrum(J) L.,
et le Païucum paphoeur ; le Colza, dont les graines concassées servent d’aliment,
et dont on brûle l’huile; enfin la Fève, dont la semence, il est v rai, atteint à peine
le volume d’un haricot médiocre, mais mûrit parfaitement et bien avant la fin
de la saison. Toutes ces récoltes sont arrosées, mais d’eaux glacées. Les montagnards
ne me semblent avoir nulle part l’industrie de retenir dans de petits
étangs, pour les y échauffer jusqu’à la température de l’atmosphère, les eaux
qu’ils font servir aux irrigations. La race des chevaux est ici plus forte qu’en
Kanawer. A Békoeur, j ’avais fait la même remarque, et ils n’y ont pareillement,
d autre pâturage pendant la belle saison, que les sommités de quelques plantes
épineuses, des Astragales et des Cytisus tataricus; et je ne comprends pas bien
encore comment ils subsistent en hiver. Il y a sous le village même un petit
lac, d u n hectare tout au plus dè surface, et qui n’a certainement pas, quoi
qu’en dise Herbert, une grande profondeur, car il est rempli de conferves
jusqu’au milieu. On n’y trouve pas de poisson. Il est ombragé de Saules et de
Peupliers(Populus cordifolia),seuls arbres cultivés ici. Il n’y a pas un Abricotier.
C’est de ce village que partirent les frères Gérard pour gravir jusqu’à la
hauteur de i 9,5o o p a- (5,943”) sur les pentes de Pourkyoul, qui lé domine.
C’e st, je crois, la plus grande hauteur où l’on soit parvenu dans lTIimalaya.
Je demeurai un jour à Nako, campé sur une petite place en face du temple,