
ritable de plaindre ceux que les devoirs plus assujettissants de leur emploi,
que leur manque d’argent, ou leur peu de goût pour les dettes, y retiennent.
Cette émigration vers les montagnes, au printemps, augmente chaque
année, et si le Gouvernement n’y prend garde , il s’établira que tous ses
employés dans les provinces du nord, ne résideront à leur poste que dans
les mois d’hiver. On y vient jusque de 'Calcutta.
On orand nombre de ces oisifs touristes passèrent cette année à Hurdwar
pour en voir la foire célèbre, et ils en sont revenus fort désappointés. Hurdwar
est une petite ville bâtie sur les bords du G ange, au pied même desmontagnes;
c’est un des lieux le plus vénérés des Hindous; les pèlerins y affluent par milliers.
Comme la dévotion n’est pas un obstacle aux affaires, des marchands de toutes
espèces s’y rendent aussi au temps où le concours des dévots est le plus grand;
ce sont surtout des gens du Caboul, qui amènent des chevaux, des mules, des
fruits secs (raisinségrenés et séparés de leurs pépins, pommes, abricots, prunes,
amandes, noix, le tout médiocre, âpre et peu sucré), des étoffes , du sel. Les
o-ens des plaines y montent avec leur sucre, leur opium et leur coton. Ceux des
montagnes y descendent avec les minces produits de leur grossière industrie ;
ils y apportent du musc et en rapportent chez eux du sel et des épices. Les^
Afghans remportent de l’argent, des épices et de l’opium. Cette foire commence
le a avril; son grand jour est le i 1 . Des Indiens de toutes les parties de
l’Inde, des Persans, des Afghans, des Thibétains et des Tartares s’y 'rencontrent
et trafiquent sans se comprendre les uns les autres. Les affaires se
font plus vite que par le secours des paroles. Celui qui veut acheter, offre
en argent ou en denrées ce qu’il estime être la valeur de l’objet q u il désire;
son offre est sur-le-champ acceptée ou refusée.
La foire d’Hurdwar était beaucoup moins brillante cette année que de coutume.
C’est, ;au reste , un trait de barbarie que ces marchés où l’on se rend
de tous les points de l’univers. Ils vont partout déclinant en Europe, où ils
étaient si communs autrefois. Ces immenses voyagès doublent et triplent le
prix de maintes denrées viles. A ces frais du marchand, il faut ajouter les
dépenses du chaland qui souvent tombent toutes entières à la charge d’un article
du plus bas prix. La dévotion, qui couvre encore de tant de voyageurs
les routés de l’Inde, est en baisse; dans toutes les provinces'du Nord, à Sa-
harunpour, ici même dans le Dhoun, les suttis n ’étaient pas rares à une'époque
peu reculée, car les chétifs monuments qui consacrent les places où ils furent
célébrés sont encore debout : cette pratique est entièrement inusitée aujourd'hui.
L ’armée des faquirs est aussi moins formidable.
Aux causes du déclin des marchés de l’Inde que fréquentaient les négociants
de la Perse et du Caboul, il faut ajouter surtout la concurrence industrielle
des conquérants européens. La Compagnie, depuis longtemps, a établi des haras
qui fournissent aux remontes de son armée et dépassent ses besoins. Les chevaux
qui en sortent sont beaucoup meilleurs que ceux du Caboul, et les exactions
levées sur ceux-ci, dans les nombreuses petites principautés indépendantes
.qu’ils doivent traverser jùsqu a la rivière Setludje, en élèvent le prix au delà de
leur valeur réelle. Ces tributs levés dans l’Asie sur les voyageurs, les marchands
et leurs marchandises, sans décret ni tarif, et que nous appelons exactions,
que nous regardons comme une composition à l’amiable accordée par
des voleurs qui ont la forcé de tout prendre, sont les douanes toutes nues, sans
déguisements spécieux d utilité publique. Rien ne nous manque : nous avons
aussi le droit de transit. Ce n est que bien longtemps après l’exercice de ces
spoliations, quon cherche à les défendre par dès arguments hypocrites, la
protection des manufactures nationales, etc., ete. Du Nord au Sud, l’Amérique
vit ou végète par ses douanes ; c’est l’unique source du revenu public.
Ce n est pas assurément pour protéger les manufactures américaines contre
celles de 1 Europe; car, à 1 exception de quelques petits districts au nord des
Etats-Unis, il n’y en a aucune dans le Nouveau-Monde. Mais les Anglo-Américains
trouvent que c’est une manière commode et douce de tirer de leur
poche les 20 millions de piastres qu’ils savent nécessaires à leur Gouvernement,
et les chétives républiques du Sud, dévorées par la misère, ont des douanes,
parce que c est la seule espèce d’impot qu’elles puissent lever.
Le Dhoun et les montagnes de la deuxième rangée, jusqu’à la profondeur
de quelques jours de marche, appartiennent aux Anglais. Cette conquête stérile,
il me semble, fut une des plus vivement contestée par les Gorkhas. Le
régiment de montagnards que commande l’officier auquel sont confiées la justice,
1 administration et la garde de ce petit État, se compose en partie des
mêmes hommes qui se battirent contre lui il y a i 5 ou 16 ans. Pour 5 roup.
( t2f,5o) par mois, ee sont les meilleurs soldats de l’armée indienne à présent.
Ils sont entièrement différents des sipahis de la plaine. Plus petits en général
de la moitié de la tête, bien râblés, faits pour l’adresse et pour la fatigue,
leur contenance est ouverte et gaie. Leurs traits, non plus que leur contenance,
n ont rien de la noble régularité que j ’ai admirée si souvent chez
les sipahis. Il n y manque pas de figures plates au nez épaté ; mais celles-là
même ont une expression de vivacité tout à fait agréable. Il est évident qu’il
est tombé plus dune goutte de sang tartare du haut des montagnes dans leurs
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