
j ’avais tenté l’ascension des cimes qui le dominent au N . Q ., et qui sont encore
chargées d’une quantité considérable de neiges. Mais contrarié par des brumes
épaisses, dont les particules légères, chassées par un vent furieux du S . O . , se
résolvaient presqu’en une pluie battante et glacée, j avais dû renoncer à atteindre
le but de cette excursion, après en avoir approché de très-près.
Le torrent qui coule au-dessous de Kanum est le produit de plusieurs ruisseaux
qui ont tous leur source au voisinage du col de Rounang, et qui sont
séparés les uns des autres, jusqu’à leur jonction, par des crêtes assez élevées.
On peut atteindre au col parles ravines de chacun d’eux, et j’ai varié mes routes
pour en visiter trois des plus profondes. A 200” ou 3oom au-dessus de Kanum
s’arrêtent les derniers Cèdres (déodars). Ils sont mêlés de quelques arbres
d’une espèce que je n’ai observée que fort rarement en Kanawer, sur la rive
droite du Setludje, du Pinus attenuata N. Il est ici tortu et rabougri comme
le Cèdre, et disparaît à la même hauteur, entre 3,4oom et 3,700“ . A la limite de
leur végétation, sur les pentes adoucies des montagnes, sont les dernières cultures,
mais il n’y a près d’elles aucune habitation permanente. Elles consistent
en orge ( Hordeum hexastichon ) , et surtout une espèce de sarrasin (Polygomun
paphoeur N.), cultivée plus bas, dans des stations plus favorables, comme
seconde récolte après l’enlèvement de la moisson des céréales, et ici comme
récolte unique. Quelques familles vivent dans ce lieu pendant l’été ; elles cultivent
les champs, y conduisent les eaux des ruisseaux voisins et gardent en
même temps quelques troupeaux qui paissent le jour l’herbe rare des montagnes
environnantes. Les pabères des Alpes dauphinoises, les chalets de la Suisse et
de la Savoie, les burons de l’Auvergne sont des palais auprès des ihisérables
réduits de ces bergers. Telle est déjà la sécheresse du climat, qu’autour des
lieux fréquentés par les troupeaux, leur fumier desséché s’amoncelle et couvre
le sol de stérilité. Sur la pente méridionale de l’Himalaya et dans toute la région
soumise à l’influence des pluies solstitiales, on reconnaît dès le premier printemps
, à l’exubérance hâtive de la végétation, les places où l’on conduit pendant
Tété le bétail des villages inférieurs.
Au-dessus des dernières cultures, on ne voit plus qu’une espèce d’arbre.
C’est un Genévrier, Juniperus arborea, qui, transplanté sans doute plus
bas, y atteint de grandes proportions (12“ à i 5m de hauteur), mais qui n’est ici
qu’un petit arbre rabougri, de l’aspect le plus misérable. Il ne se montre lui-
même que dans une zone étroite, au-dessus de laquelle je n’ai rencontré qu’une
autre espèce rampante du même genre ( Juniperus B. 1563), la même qui se voit
partout vers 3,5oom et 4°OQm de hauteur absolue. Un autre sous-arbrisseau ,
mais qui atteint à peine à la hauteur des herbes, est souvent mêlé avec le précédent
: c est un Astragale épineux (Wstragalus microphyllus). Le parc près duquel
je vins camper, à moins d’une heure de marche du col, est dans cette région
désolée. Le soir, j ’y vis entrer quelques vaches, quelques ânes, des chèvres et des
moutons. Ils sont gardés la nuit au dedans de leur misérable enclos par plusieurs
chiens redoutables. Le lait de tout le troupeau emplit à peine deux petites
outres dans lesquelles on 1 agite près du feu pour en séparer le beurre, qui est
fondu et clarifié avant que d etre porté au village. Les Anes sont fort petits, et
leur poil épais est brun-; mais ils ont une ligne noire transversale sur le garrot
et ne me paraissent pas différer de l’espèce commune. Les Vaches, la plupart de
race croisée avec celle du Y a k , sont aussi chaudement fourrées d’un poil épais,
de couleur également brunâtre. Les Chèvres, de pelage très-divers, sont
grandes et fortes ; leur chanfrein est excessivement busqué ; leurs oreilles très-
longués et pendantes pleurs cornes médiocres, dirigées en arrière 5 leur jarre
long et épais, sans duvet soyeux en dessous. Les Moutons sont petits et misérables;
leur laine n’est composée que de poils d’une espèce, tous opaques
comme, le jarre, mais assez fins et très-longs. Aucune race de bêtes européennes
n a cette toison, quon pourrait peut-être faire servir à des fabrications
nouvelles ; mais elle est évidemment le produit du climat, et il est douteux que
ces animaux pussent être transportés avec avantage en Europe.
Je décrirai séparément la variété des roches schisteuses qui composent
exclusivement le terrain des montagnes autour de Kanum. Qu’il me suffise
de dire à présent que depuis que le Granité et' les roches feldspathiques ont
disparu, les formes générales des montagnes ont changé notablement. Leurs
pentes sont encore très-roides, mais uniformes : il n’y a plus de ces médiocres
escarpements si communs dans la région feldspathique. Les routes, quoique
très-âpres, sont praticables aux chevaux. Tous les transports dans les parties
supérieures du Kanawer, depuis Kanum jusqu’aux parties les plus reculées de
la Tartarie chinoise, se font par des animaux, chevaux, ânes, yâks, chèvres
et moutons. C’est à cheval que je montai trois fois au col de Rounang, élevé
de plus de i4,ooop“' ( 4,267“ )'(i).
(1) D’après M. A. Gérard, Herbert ne précise pas la hauteur de ce col; mais, dans la section
de sa route, il n’en fait passer le sommet que par n,ooo*'a' (3353“ ) environ : erreur énorme,
qui doit provenir de quelque méprise d’observation, ou de quelque faute de calcul, mais qu’il aurait
dû reconnaître par la distance entre ce cql et Kanum, élevé déjà dé plus de 9000®**- (2743"),
et l’aspect du col de Hangarang que l’on voit en face, sensiblement au même niveau. Sa carte
ici n’est pas moins fautive que sa Coupe : la disposition des rivières auprès de Soungnum n’a au-
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