
Ce M. Smith est célèbre, dans le service civil de la compagnie, par son
habileté à saisir les voleurs. On le nomma, il y a quelques années , Magistrat
à Miroüt. Des vols sans nombre se commettaient chaque jour dans cette station.
En très-peu de temps, M. Smith eut i , 5oo prisonniers. Une maladie
contagieuse se déclara dans les prisons, causée sans doute par l’entassement
et la malpropreté des détenus, dont il mourut 3oo à 400 en 15 jours. M. Smith,
pendant ce temps, passait 12 heures chaque jour sur son tribunal, et ne trouvait
pas un innocent dans la multitude d’accusés qu’il faisait comparaître chaque
jour. Mais le gouvernement, dirigé alors par lord Amherst, s’indigna des
sentences si expéditives de ce ju g e , et le réforma. Son successeur trouva
innocents tous les prisonniers dont l’épidémie et sa juste sévérité n’avaient pas
encore fait justice, et les relâcha. Aussitôt les vols recommencèrent à Mirout.
On regretta M. Smith.
Mieux éclairé, le gouvernement lui rendit un emploi. M. Smith fut envoyé
à Caunpour, station plus fameuse encore que Mirout par le désordre de sa
police. M. Smith mit aux galères une fraction très-notable de la population
native, et sa vigilance et sa sévérité obtinrent de tels résultats pour la répression
des vols et du brigandage dans ce district, que le gouvernement ne tarda
pas à le récompenser, en le nommant à l’emploi très-important qu’il occupe
aujourd’hui.
Pendant mon dernier séjour à Simla, le capitaine Kennedy fut instruit par
sa police qu’un meurtre avait été commis à Soubhatou, ét que le meurtrier
s’était échappé. Kennedy aussitôt promit 100 roupies ( i 5of) à qui le saisirait.
Trois jours après, l’homme fut ramené par un soldat gourkha. C’était un
pauvre montagnard d’un Etat voisin. Kennedy l’envoya sous escorte à son
prince, Ranah ou Rajah, avec un acte d’accusation, et requit le prince de
l'interroger et de le juger. Les pièces du jugement lui seront transmises, e t ,
s’il les trouve satisfaisantes, il confirmera la sentence ou indiquera au Rajah
ce qui lui paraît plus juste. — Kennedy laisse toujours l’initiative aux chefs y
parce que, sans cela, ils se contenteraient de dire invariablement amen à ses
décisions. Ces petits princes sont toujours disposés à pendre, parçe qu’ils
croient que c’est faire politesse à Kennedy; mais ils se passent de sa permission
pour le faire, quand ils jugent un criminel qui ne leur a pas été
déféré par lui.
J’avais mal compris, à mon premier passage à Simla, en juin i 83o , la
politique des vizirs des petits États montagnards; c’est une minorité qu’il
leur faut, ou un prince imbécile. Us obtiennent l’une et l'autre en empoisonnant
le prince /lorsqu’il devient père d’un enfant mâle. Tuteurs de celui-ci
ils lui donnent de l’opium pour en faire un idiot. Us ont passablement réussi
à Rampour et à Deohra.
D o u a n e s e t a u t r e s d r o it s— Je suis venu de Calcutta à la frontière du
Setludje, sans m’être aperçu qu’il y avait dans l’Inde des douanes intérieures.
Je l’aurais entièrement ignoré, si je n’avais logé quelquefois sur ma route
chez des officiers du gouvernement qui, parmi leurs titres divers, avaient
celui de Collector of customs : à Delhi, par exemple, où ces fonctions sont
exercées par mon hôte, M. Théophile Metcalfe. Cet emploi, qui exige si peu
de talent, requiert beaucoup de probité, qualité que le gouvernement anglais
croit devoir payer si cher, que M. Saunders, à Agrah, recevait un Iack
de traitement, 25o,ooof.
Les douanes intérieures de l’Inde sont le reste d’un ordre de choses qui
n’existe plus, et avec lequel elles auraient dû disparaître. Alors que cette
immense contrée était divisée en une foule de petits États indépendants
chaque prince avait ses douaniers sur sa frontière. C’était une mesure qui peut
se défendre, puisqu’elle trouve encore tant de partisans parmi nous; mais on
condamne uniformément, ce me semble, en Europe, les douanes intérieures.
Dans l’Inde, il n’y a pas de denrées dont la circulation sur les routes ne soit
soumise à un impôt. Pour prévenir la fraude, pour empêcher les marchands
de se détourner des grandes routes afin d’éviter les fieux de péage , ceux-ci
sont multipliés à profusion, et l’on ne paye dans chacun qu’un droit fort
léger. L ’opium me paraît être la seule denrée qui soit de contrebande ; toutes
les autres peuvent circuler de l’une à l’autre extrémité de l’empire, sujettes
aux exactions continuelles du tarif. La somme des droits acquittés pour un
châle de Cachemir, entre Loudhiana et Calcutta, double son prix lorsqu’il
arrive dans cette dernière ville. Nos droits de transit, en France sur les
boissons, sont bien peu de chose auprès de la redoutable addition de ces
impôts échelonnés sur la route de toute denrée en ce pays.
A chaque fieu de péage, on fouille les passants qui ne sont pas protégés
par leur habit européen. Comme la perception immédiate de cet odieux impôt
est entièrement confiée à des natifs, il est à peu près évident que le fisc et le
traficant sont habituellement volés.
Les propriétés européennes sont exemptes de ces droits. Les Européens
tirent peu de parti de ce privilège. Il ne sert probablement qu’à couvrir leur
bagage en voyage ; mais je ne puis croire qu’il protégeât la cargaison d’un
bateau descendant de Dehli à Calcutta.