
le fera. Je m’en fis lire plusieurs : ils sont, remplis des promotions faites par
le Maharadjah dans l’armée et le service civil ; des mouvements de troupes ;
des jugements, amendes, prononcés p a r le Maharadjah; de rénumération des
objets offerts en nazzer par les personnes qui ont paru à la cour. Ils contiennent
aussi quelques nouvelles des provinces éloignées de l’État, savoir :
que le tribut de chevaux exigé de celle-là est en marche ; qu’on n’a pas encore
vu paraître ceux que doit envoyer une autre province, ou qu’ils ont péri au
passage d’une rivière. Quatre immenses mortelles pages de nouvelles de ee
genre composent un akhbar parfait; et cependant Lahor est la cour la plus
fertile en événements qui peuvent intéresser les Anglais. Que doivent être
les akhbars de Gwalior, de Jyepour, Burtpour? etc., etc.
Chaque prince indien a le droii d’entretenir un mounschi à la cour des
princes ses alliés, pour être instruit par lui de ce qui se passe à leurs durbars;
ces t un espionnage des plus innocents. L ’Empereur de Dehli s’offenserait
sans doute de ce qu on supprimât celui qui apprend au Résident et au Gouverneur
général les pensions de 3 et 4 roupies (y£,5o et io f,oo) par mois qu’il
a accordées ou retirées ; les moyens que son vizir lui propose, d’éconduire
des créanciers pressants; etc., etc.
Aux termes des traités, Rendjit-Sing ne doit entretenir aucun Européen
à son service. Le Gouvernement anglais connaît cependant officiellement
qu’il en a plusieurs, puisque le major général de l’armée, dans sa capacité
officielle, écrivit à M. Allard, il y a trois ans, pour ménager une entrevue
entre le commandant en chef, Lord Combermere, et le Maharadjah.
Loin de tenir à 1 exécution de cet article, on dirait que le Gouvernement
favorise 1 entrée des Européens au service de Rendjit. Il y a peu de temps,
trois jeunes Français, dont l’un est frère de M. Allard, traversèrent toute
l’Inde depuis Calcutta jusqu’à Loudhiana, pour rejoindre ce dernier, et
être employés sous ses ordres. Certes, le Gouvernement n’a pu ignorer
ni leur voyage ni son objet : il n'y a mis aucun obstacle. J’ai même lieu
de croire q u il leur a accordé un passe-port obligeant. Ces jeunes gens
ont reçu beaucoup d’accueil des autorités anglaises sur leur route, et j ’ai
vu des lettres de M. Allard, adressées au docteur Murray, chirurgien de
la station anglaise a Loudhiana, dans lesquelles il le prie de remercier convenablement
toutes les personnes qui ont. fait politesse à ses compatriotes. Il
parait être, d’après ces lettres, dans des termes d’intimité avec le docteur Murray,
et d’amitié avec le capitaine Wade, agent politique stationné à Loudhiana,
ainsi qu’avec presque tous les officiers anglais de cet établissement. De
ce côté du Setludje, je n entends parler de lui qu’avec intérêt et bienveillance ;
on le regarde plutôt comme un camarade que comme un ennemi. Il a traversé
plusieurs fois la rivière et visité les cantonnements de Loudhiana ; c’est en ami
qu’on le reçoit J on ne paraît même pas songer à la différence de nationalité.
C’est l’effet de notre éloignement de l’Europe : nous- ne sommes plus Français,
ni Anglais, nous sommes Européens» M. Allard entretient son ami, M. Murray,
comme si le Setludje ne- les séparait pas. H parle avec affection d’un M. Avi-
tabile et d’un M. Ventura y sans doute deux Italiens.
On dit qu’il a parfaitement discipliné un certain nombre de régiments. Rendjit
Sing a aussi quelques excellentes batteries d’artillerie légère.
Un officier prussien, M. Mévius, commandait depuis plusieurs années un
régiment de cavalerie. Dernièrement, il essaya d’y introduire la discipline allemande,
la schlague : ses Sikes se révoltèrent aussitôt, et ce n’est qu’en se
sauvant dans la tente du Roi lui-ineme qu’il put se soustraire à leur fureur.
Rendjit-Sing laida à & évader et à passer le Setludje, mais sans vouloir lui pardonner
la malheureuse innovation qu’il avait voulu établir. Retiré sur le territoire
anglais, il fait écrire à Rendjit par les personnes dont il croit la recommandation
la plus influente, pour rentrer en faveur près du Rajah, et
obtenir le commandement d’un autre corps, où il promet de s’abstenir à
jamais d e là schlague. Rendjit est inflexible, et n’en veut pas entendre parler.
On dit qu il fait preuve de tact dans cette sévérité. M. Mévius, en
même temps q u il commandait un régiment, avait un emploi financier.
Rendjit paye libéralement les Européens qu’il emploie (M. Allard reçoit
80,000 ou 100,000 francs par an), mais il les oblige à faire beaucoup de
dépense. M. Allard vit magnifiquement, moitié à _ l’indienne, moitié à l’européenne.
Pour les attacher davantage au pays, Rendjit, en même temps qu’il
les empêche de se rendre indépendants de lui par leur fortune , oblige à peu
près tous ses officiers européens à se marier. M. Allard paraît dans l’intention
d emmener sa femme et ses enfants avec lu i, quand il retournera en France.
Il n y a qu un Anglais au service de Rendjit, c’est un médecin, dont il a
fait son surintendant des finances. Rendjit afferme les revenus de chaque
district, passe le bail au nom du plus offrant, et c’est à'celui-ci à lever l’impôt
comme bon lui semble. Il a carte blanche pour dévaster le pays, et le R o i,
peu soucieux de l’avenir, est satisfait s’il est payé avec exactitude.
Rendjit ne permet à aucun de ses officiers européens d’aller à Cachemir ;
ces t une preuve du peu de confiance qu’il met en eux.
On sait combien sont fortes les positions qui défendent les avenues de
22. i