
Il semblerait d'après Herbert quelles formeraient une chaîne continue,
comme celle appelée communément l’Himalaya; et que le Setludje, au-dessus
de son débouché au travers de celle-ci, coulerait encaissé entre deux. C’est
ce qu’il me faut voir avant de juger.
Le Setludje a cela de commun avec les rivières qui ont leur source sur
la pente méridionale de l’Himalaya, de couler généralement au fond d’une ravine.
Le chemin de Rampour, tracé sur sa rive gauche, monté et descend
constamment sur les pentes souvent très-roides des montagnes qui s’abais-
sent jusqu’à ses bords. Çà et là cependant, comme dans la vallée de la Jumna,
des alluvions composées d’énormes quartiers de roches roulées, enterrés dans
du sable, se sont accumulées jusqu’à 60” et 8om au-dessus du niveau actuel
de ses eaux; Nir t, hameau du Bissahir , est situé sur l’un de ces petits
plateaux. On voit plusieurs autres hameaux semblables sur la rive opposée.
L ’aspect des montagnes sur l’une et 1 autre rive du Setludje est le meme, nu
et désolé. Leurs pentes sont trop roides pour être cultivables ; et des roches, que
ne couvre aucune végétation, les affleurent fréquemment. Ce n’est que sur leurs
cimes qu’on aperçoit quelques taches noirâtres, tristes lambeaux de forêts.
Presque en face de Nirt, une large échancrure est creusée dans les montagnes
du Koullou. Elle ne me semble pas moins sauvage. Un village que mes
gens disent composé de 5o maisons, et qui est certainement très-considérable ,
est situé dans cette espèce de berceau incliné. Je ne distingue aucune culture
à l ’entour, et il parait isolé du reste du monde par les hautes montagnes
qui s’élèvent derrière et le Setludje qui coule au-dessous.
Ditnaghur, où je vins camper, est situé sur un de ces plateaux d’anciennes
alluvions dont j'ai parlé. Son territoire occupe une surface assez étendue
, de nature semblable. Il est élevé de 3o” ou 4om au-dessus de la rivière. La
plupart de ses maisons sont ruinées et désertes, par suite de la guerre et de
l'invasion des Gorkhas. Ma tente y fut dressée sous un large Banyàn {Ficus
indica), le premier que j ’aie vu depuis Dehra. Quelques familles de Brahmanes
vivent alentour. Les autres castes, bien plus nombreuses, confondues
s o u s l’appellation de Coulis, ou gens de travail, ’habitent au-dessous. Il y a
quelques jardins où l’Oranger végète vigoureusement. Jamais il n’y neige.
La chaleur m’y parut extrême et quoiqu’une pluie abondante avec une
bourrasque violente vint rafraîchir l ’air à la chute du jour, je ne pus garder
aucun vêtement sur moi pendant la nuit.
Il est bizarre que dans un lieu aussi chaud, la forme des maisons soit
exactement la même que dans la montagne. La similitude du vetement avec
celui des montagnards s’explique seule par la vie voyageuse des habitants, qui
ne peuvent guère sortir de leurs villages sans monter à 1000“ au-dessus.
Le 5 juillet i 83o —. de Ditnaghur a Rampour. — Mêmes aspects exactement
que depuis que je suis descendu de Kotgurh dans la vallée du Setludje. Le chemin
monte et descend presque sans cesse des bords de la rivière sur les pentes
rapides des montagnes sans jamais s'élever considérablement. Les hautes eaux
1 ont atteint et presque détruit en divers endroits.
A 3 milles (j 1.) de Ditnaghur environ, on traverse, sur un excellent sanga, le
Naugri, torrent considérable-qui descende de l’Est.
Ce st un peu avant que d’arriver à Rampour que la route s’élève le plus; la
vue de cette ville n’en est que plus singulière; elle est comme enterrée au fond
des montagnes, une légère sinuosité du cours de la rivière fermant à l’oeil
toute issue.
Rampour est la capitale du Bissahir; ses maisons sont resserrées au bord du
Setludje sur un arc allongé de sol alluvial assez nivelé; cependant la demeure
du Rajah et quelques autres habitations, soit de brahmanes, soit de gens de la
cour, forment un petit quartier qui domine la basse ville. L’espace très-étroit qu’il
occupe est un gradin plus élevé du sol alluvial ; il est soutenu par une chaussée
en pierre, haute d’une dizaine de mètres, et qui n’a pas moins de i5omde longueur;
une terrasse gazonnée règne sur le bord, et c’est derrière que s'élève
la demeure du Rajah, adossée aux montagnes qui s’élancent presque verticalement.
Ce palais de bois et de pierre est des plus chétifs; il a deux étages et
trois fenêtres à chacun, à peine assez grandes pour passer la tête au travers. Un
des temples de la ville noble, bâti du même style que la maison du Rajah,
et presqu’en face, a été élevé en même temps qu’elle par le feu roi; mais il
ÿ en a un autre de pierre, selon la forme mitrale des pagodes de Bénarès et
de Bindrabund ; celui-ci est beaucoup plus ancien. La basse ville, vue surtout en
projection horizontale, telle qu’on l’aperçoit de la haute ville, a quelque apparence
: plusieurs maisons plus considérables sont construites sur lé plan indien;
elles forment un carré au centre duquel est une petite cour, et elles n’ont
presque point d’ouvertures au dehors., Toutes sont couvertes de larges pièces
de Schiste.
La capitale du Bissahir, après to u t, n’a pas plus de 80 à 90 maisons. L ’espace
manquerait pour un plus grand nombre. C’est un des sites les plus singuliers
que j ’aie vus, et le plus mal choisi qui puisse être pour une ville. Un
calme étouffant y règne tout le jour, et la nuit n’y parait pas moins chaude