
bord des torrents dans les vallées inférieures, proviennent-ils de la dissémination
des graines de ceux que l’on cultive assez abondamment à
l’embouchure des vallées, dans les plaines. L’Abricotier aussi m avait d a-
bord paru sauvage, et voici que je me suis rendu à l’opidion des montagnards,
qu’il s’est échappé de leurs v e r g e r s dans les jungles, au lieu d avoir
été transplanté des bois dans leurs vergers. En serait-il de même pour le
Poirier ? Quant au Pêcher, la chose est certaine, quoique je l’aie trouvé fort
loin des habitations. Quelle est donc la patrie de ces arbres? Le problème des
distributions primitives se complique , s’obscurcit chaque jour. Un arbre assez
répandu dans les bois de l’Europe tempérée, et très-commun dans la zone
inférieure des Alpes, c'est le type sauvage du Cerisier. Y est-il indigène?.On
se rappellera que le Cerisier fut importé de l’Asie Mineure en Italie par Lucul-
lus; et l’on dira sans doute que le Merisier de nos forets d Europe n est
que le produit de cette importation; que ses noyaux assez petits pour être
avalés par diverses espèces d'oiseaux, furent portés des jardins dans les bois,
Nul doute que la culture de cet arbre dans les jardins ne l’ait rendu plus
commun dans nos bois; mais n’y existait-il pas avant Lucullus? La possession
de la Merise ne faisait pas, pour les Romains, une superfétation de
l’importation de la Cerise : n’importons-nous pas actuellement en Europe des
Pommiers d’Amérique? 11 n y a cependant pas plus de deux siècles que cet
arbre y fut transplanté d’Europe..
Il en est ainsi de tous les végétaux que l’homme cultive. Partout sans doute ,
ce fut dans leur patrie véritable qu’ils furent d’abord cultivés, et de là ils
se répandirent dans les pays d’alentour, et souvent s’échappèrent des champs
ou des jardins, plus souvent des vergers, pour se répandre dans les bois.
Liyiés à eux-mêmes, les modifications que la.culture avait apportées à leur
type naturel s'effacèrent bientôt et finirent par disparaître entièrement dans
leur postérité. Comment distinguer les races retournées à l’état sauvage de.
celles qui n’en sont jamais sorties?
' Là même difficulté se présente si l’on veut rechercher la patrie de plusieurs
de nos animaux domestiques. Les Chats sauvages de nos bois, en Europe, ne
sont-ils pas des Chats domestiques , échappés depuis des siècles de la servitude?
Malgré,la différence de leurs caractères, cette opinion me paraît la plus
probable, parce que nous n’avons en Europe aucune antre espèce du même
genre, à l’exception du Lynx, qui appartient à une division particulière du
genre F élis. Le Chien, s’il se trouvait sauvage en Europe, pourrait plutôt,
être regardé comme véritablement indigène, puisque nous avons le Loup et
le Renard dans le même genre, indigènes à n’en pas douter, et qui lui ressemblent
tant. Nous sommes réduits à placer la patrie du Cheval et du Chameau
dans les contrées de l’Asie centrale qui nous sont inconnues. Tout
ce que. nous savons, c’est que le premier de ces animaux est originaire de
cette partie du monde ; et encore, si les Romains nous avaient laissé de
Carthage autre chose que le nom, peut-être, dans l’histoire de ce peuple,
aurions-nous trouvé des motifs de douter si l’Afrique n’en avait pas fait à
l’homme l’admirable présent; n’e st-elle donc pas, comme l’Asie, la patrie
d’animaux du même genre (i);?
Le 24 Mai i.83q, de Nagouânne à Kôti. — Je m’étais proposé de visiter,
après Jumnoutri, la montagne de Kédar-Kanta, l’une des plus hautes parmi
celles qui sont en dehors de la chaîne centrale. Elle est peu .éloignée vers
l’Ouest de Jumnoutri; mais, si près de la chaîne centrale, les arêtes qui en descendent
sont élevées de plus de 4000“ et couvertes .de neiges ; on ne peut les
franchir. Il faut redescendre dans la vallée jusqu’à ce qu’elles se soient abaissées
à un niveau qui les rende, accessibles. A Kôtneur, le 22 mai, on me
dit qu il était inutile de descendre plus bas pour aller à Kédar-Kanta, et que je
gagnerais 3< jours de marche en traversant directement les montagnes et .les
vallées qui le séparent de celle de la Jumna. Mais il était douteux que ce chemin
fiât praticable aux gens chargés de mon bagage. II. ne passe d’ailleurs près
d’aucun lieu habité. Je continuai donc à descendre dans la vallée de la Jumna,
jusqu’à l’embouchure de celle du Buddiar, afin de monter, aux bases de
Kédar-Kanta par cette route naturelle. Le Buddiar,. ou du moins l’un des
affluents de sa rive gauche, y a sa source.
La vallée du Buddiar, dont l’entrée est si sauvage, est sans doute au contraire
parmi celles également élevées, une des plus habitées. Dans ma première
marché, je n’y rencontrai cependant qu’un petit hameau, un peu ayant Kô ti,
où je campai, et qui lui-même en est un fort médiocre. On descend de Nagouânne
dans le lit du torrent, que Ion traverse sur un sanga au-dessus d'un
defilé .tres-étroit par ou il s échappé au-dessous. Les pentes des montagnes qui
bordent sa rive droite sont couvertes de forets de Pinus longifoliaq mais on reconnaît
encore la marque des gradins qui attestent qu’elles furent jadis entièrement
( 0 L’intrôdüction du cheval en Europe ne'semble pas être excessivement ancienne. Elle n’a
sans doute pas précédé de beaucoup les siècles historiques. Homère paraît avoir ignoré l’art de
l’équitation : le lâche'Pâi is fuit à pied ; les chevaux d’Homère ne font que traîner des chars. Les
premiers cavaliers tartares que virent les Grecs furent pour eux des Centaures. Ils leur firent tant
de pèùr, qu’ils se sauvèrent sans oser tourner la tête pour voir la cause de leur terreur. Fernand
Cortes à cheval fut aussi un Centaure pour les Mexicains,