
s’oüvrir dans la vallée de la Buspa, ici tournée de l’E . à l'O . : un torrent le sillonne;
des forêts de Sapins couvrent les pentes escarpées des montagnes de sa
rive droite. Il s'étend au contraire sur la rive gauche en u nW g e berceau revêtu
du mélange .gai d’une multitude d’arbres et darbrisseaux divers; des prairies
magnifiques occupent les éclaircies de ce bois, et leurs herbes gigantesques
atteignent jusqu’à la même hauteur ; les plus communes de ces dernières sont
un Bromus, une Scabieuse, quelques Chicoracées et un Aconit.
Parti de Bouroune au point du jour, j ’étais arrivé au camp vers le milieu de
la journée. Le soleil brillait de tout son éclat ; sa chaleur était incommode
à l’ombre d’une tente; mais dès qu’il s’abaissa derrière les montagdes, la température
diminua rapidement.
Le lendemain matin, 3 octobre, après une longue nuit trop froide pour
goûter aucun sommeil, je trouvai la terre fortement gelée, et tous les fonds
herbeux du vallon couverts d’un givre abondant ; cependant le niveau de ce
lieu n’excède pas 1 2,ooop'“' ( 3,658“ ). 1
Le sentier qui conduit au col, traverse encore au delà quelques bouquets
de Saules, de Rhododendrons (Rhododendronpulverulentum) et de Bouleaux.
Ils s’arrêtent à l’embranchement du vallon avec un autre qui monte au S . O .
et n’aboutit qu’à des neiges inaccessibles. C'est là que commence la montée du
col. L 'Azalea sulfurea et une Éricacée ( B. 2198) de stature également naine
sont les seuls sous-arbrisseaux qui rampent désormais parmi les herbes ; et
bientôt ils cessent de s’y montrer, et les gazons sont moins hauts, moins
touffus; quand on approche du passage, la végétation est réduite à un petit
nombre d’espèces qui croissent çà et là entre les pierres.
Le vallon se resserré à mesure qu’il s’élève, et les neiges qui s y accumulent
en hiver y atteignent une assez grande épaisseur pour n’y jamais fondre entièrement.
— Il faut une demi-heure de marche environ pour franchir l’espace
qu’elles recouvrent. — J’y arrivai à midi, et quoiqu’elles fussent exposées depuis
quatre heures à un soleil ardent, elles étaient très-fermes, et presque congelées
à la surface en une croûte de glace. Leur pente était généralement assez douce
pour ne pas faire regretter qu’elles ne fussent plus molles ; il y fallut cependant
tailler quelques gradins'.
Mes gens, quoique lourdement chargés ^étaient à une assez grande distance
en avant de moi : je vis de loin leur ligné noirâtre déboucher sur ce manteau
éblouissant, s’y mouvoir sans interruption, en atteindre assez rapidement le
faîte, et disparaître derrière lui. Je gravis, avec la même facilité, ces pentes
nei-mes, et atteignis la cime du passage sans ressentir, non-seulement aucun
des symptômes fâcheux que M. Gérard a éprouvés, mais même aucune fatigue.
Il est élevé de 15,1 y5P'"- ( 4,025” ) selon ses nivellements, et j ’aurais été justement
surprisd’y souffrir de la raréfaction de l’atmosphère, lorsque aucune sensation
incommode ne m’en avait, averti à plus de i8,ooop,*‘ ( 5,486"). J’ai indiqué
toutefois comment se peuvent expliquer les symptômes fâcheux dont
Herbert se plaignit aussi bien que lui. '
Le col de Bouroune n’offre pas ce que bien des touristes viennent y chercher,
une vue étendue de l’Himalaya. Au sud, descend au-dessous du col la
vallée du Pâbeur : mais contournée à son sommet, la vue est étroitement emprisonnée
entre les montagnes qui la bornent de part et d’autre. Au nord,
1 oeil suit librement le vallon par où l’on est monté, jusquà la vallée de la
Buspa ; mais les montagnes au pied desquelles s’appuie la rive droite de cette
rivière sont assez élevées pour ne laisser voir au-dessus que quelques sommets
neigés d e là chaîne qui sépare le K.anawer du.Ladak.
Enfin, quoique.la chaîne de l’Himalaya proprement dit natteigne pas elle-
même, dans cette région, à une hauteur bien considérable, le col de Bouroune
est flanqué de pics qui la cachent entièrement ; cependant à peine
le dominent-ils de i ,5ooPJ- (457"). C’est au col de Kioubrong qu’il faut monter
pour embrasser, dans son immensité, cet horizon qui se termine de toute
part à des neiges éternelles.
La descente vers le sud est beaucoup plus rapide ; mais après la saison des
pluies, il ne reste aucune neige de ce côté. A un millier de pieds (3o5") au-dessous
du col, le Pâbeur descend d’un médiocre glacier, situé sur la gauche, à lE s t;
et bientôt après, il coule dans un vallon herbeux, fertile, si peu incliné, que
ce n’est qu’à une distance horizontale assez considérable quon atteint le niveau
des forêts.
C’est au sommet de la vallée du Pâbeur que j ai vu les plus belles prairies
de l’Himalaya ; elles on t, plus qu’aucune autre de ces montagnes, le caractère
alpin : les graminées y dominent avec les composées. Leurs herbages magnifiques
sont perdus : aucun troupeau ne vient parquer pendant 1 automne
dans ces fertiles vallées. Les montagnes de la rive droite du Pabeur s abaissent
doucement, et leurs pentes moyennes, que suit le sentier, s étendent quelquefois
horizontalement sur un espace considérable— Je campai, le 3 octobre,
dans un de ces lieux nivelés par la nature. C’était une prairie superbe qui dominait
immédiatement la limite des forêts, à l’exception de quelques bouquets
de Sapins ( A bies complanata') , retirés tristement dans quelques sombres rail.
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