
toute sa surface. La pression même très-forte du doigt sur elle, ne causait au
malade aucune douleur. C'est à l’intérieur du poumon qu'il rapportait le siège
de ses souffrances : la tumeur me paraît une production de cet organe: Six côtes
ont presque entièrement disparu. La rapidité avec laquelle s’étend le mal, et le
voisinage de la moelle épinière, ne laissent au malade que peu de temps à
vivre. La colonne vertébrale sera prochainement attaquée et détruite comme
les côtes.
Quoique le malade ait gardé son appétit et continue à manger comme auparavant,
cette affreuse maladie l’a réduit en deux ans à un état d’émaciation
extrême. Sa débilité ne parait pas en rapport avec sa maigreur; il marche droit
et ferme; mais il ne peut cependant vaquer aux travaux des champs. Il paraissait
résolu à se faire couper sa tumeur, e t , en supposant que la vie soit un bien
quand on porte une telle affliction, le pauvre homme m’est redevable de
quelque chose, car je lui dis qu’il mourrait de suite dans 1 opération.
Le i5 septembre i83o. — A Soungnum, et séjour jusqu'au 19. — [ Passage du col d’Hangarang ■
G éolo gie. — Description des terrains depuis Dabling, par la vallée du Spiti et le col dHangarang, jù s -
qu’à , Soungnum.
J'estime qu’on s’élève de Hango au sommet du col de Hangarang, jusqu’à environ
1 ,oooTO en hauteur verticalè.Le chemin est excellent, mais la montée fort rude.
Déjà, avant midi, le vent soufflait au col avec une violence extrême ; du S . O .
Selon son invariable direction sur les cimes. Il était tellement froid, que je me
trouvai hors d’état de visiter les cimes’très-peu élèvéès qui dominent immédiatement
le col a u N .O .
La plupart des plantes que j ’avais observées au col et sur ses abords,
au mois d’août, ont disparu; il n’y a pas d’automne dans ces hautes régions.
Dans ma première visite au col de Hangarang, j ’ai estimé assurément d’une
manière exagérée la hauteur des montagnes qui le dominent au S . E . ; 5oompour
leur élévation au-dessus du col, sont certainement assez.
Je séjourne ici pour ranger mes collections. Chaque jour amène, vers midi,
des nuages qui couvrent entièrement le ciel, mais que le vent, redoublant
d’impétuosité vers 2 et 3 heures, dissipe sans qu’il en tombe une seule goutte.
Les raisins sont à i 5 ou 20 jours de leur maturité; et ceux qu’on m'a apportés
de Poyé. malgré le renom de précocité de ses vignobles, n’étaient pas
encore mûrs. Il n’y a plus d’Abricots; mais quelques pommes d’été, déjà
mûres. Elles sont fort petites, douces; leur chair est commune; leur saveur
assez insipide. _ Ge sont des fruits sauvages en quelque sorte ; car la grelfe est
inconnue.
Ayant reçu du vizir Mostranme toutes sortes d’attentions, je lui envoyai en
présent une charge de riz , et allai lui faire une visite. Je le trouvai occupé à
bâtir une maison, vêtu comme ses gens et travaillant comme eux. Son autorité
sur les autres villageois n’a , ce me semble, aucune occasion de s’exercer; et,
dans la réalité, ce n’est qu’ùn paysan plus riche que les autres. Il ne vit guère
mieux qu'eux. II parle assez bien l’hindoustani des montagnes, et quoiqu’il ne
m’adressât la parole que suivant les formules basses de cette langue, il y avait
dans ses manières un air tout à fait européen. Les Kanaoris me plaisent mieux
que les Dzaâds. Mostranme, à mon arrivée, appela toute sa géniture mâle ; et
plusieurs jolis enfants accoururent, chacun apportant un bassin de cuivre rempli
de pommes ét d’abricots séchés. Jefis tirer un coup de fusil à l'aîné des garçons ;
les autres eurent quelques petites caresses : elles allaient au coeur du grand-
pere. Rien de semblable dans l’Inde. Il ne faut pas cependant exagérer la
sensibilité kanaorie. J’avais dit à Mostranme que je désirais emporter sa ressemblance
, Pl. LIV; il posa un quart d’heure, et quand j ’eus fait, il me demanda :
« A quoi bon? » Je lui dis que ne devant plus le revoir, je me souviendrais
toujours ainsi de lui. « A quoi bon ? » me dit-il encore.
Il doit partir sous peu de jours pour aller en Hangarang, et durant mon
séjour à Soungnum, Busonntranme, le vizir de Kanum, est venu me faire son
salam en passant ; ils se rendent dans le même quartier et pour le même objet,
pour prélever la dîme sur les chétives moissons de quelques villages, l’un à
Skialkhur, Lio et Hango, l’autre sur la rive opposée du Spiti, à Nako et Chango,
c est-à-dire chacun dans son vizirat. Les villageois leur doivent une certaine
rente annuelle, très-médiocre; mais à défaut d’argent, le maître se paye en
denrées. Déjà au col d Hangarang, j ’avais joint une bande de Kanaoris qui descendaient
de la vallée du Spiti avec des troupeaux chargés de grain, et j ’avais
appris par eux que c’étaient les revenus de Busonntranme qu’ils portaient de
Skialkhur à Kanum. Je doute que chacun lève une Centaine de roupies (a5o fr.).
M. Gérard a certainement exagéré de beaucoup la richesse des Kanaoris. Leur
contrée est naturellement pauvre à l’excès,: et leur trafic, portant sur des
denrées d’une médiocre valeur et sur de faibles quantités, ne peut beaucoup
les enrichir. Quant à leurs récoltes , Busonntranme, l’homme le plus riche de
Kanum, et qui passe pour un des grands propriétaires de vignobles en Kana-
wer, récolte annuellement 90 mands (kutcha) de raisins, environ i , 5oo kilog.,
dont la valeur brute, si on les vend dans la vigne, est d’environ i5o francs ou
160 francs. Le tout sert à sa consommation : un tiers- est mangé frais, un tiers
est converti en vin, un tiers est séché au soleil. S’il était un simple paysan, il
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