
Cependant, le col de Hangarang, par son élévation aussi, et par la limite
qu’il forme entre deux pays que Herbert dit si différents, Kanawer et Ladak,
me paraissant un lieu très-intéressant à visiter avant que l’excessive sécheresse
de l’automne y ait détruit tous les restes de la végétation, je résolus d’y faire
une excursion avant de quitter Soungnum.
Excursion au col de Hangarang.^ Le 3 août j ’allai donc camper près des
plus hauts chalets de sa vallée, à 700“ ou 8oom je suppose au-dessus du
villag e , élevé lui-même d’environ 3ooom au-dessus de la mer. Avant d’atteindre
mon camp, j ’avais laissé au-dessous de moi toute végétation arborescente. Elle
ne consiste au reste dans la partie inférieure de la vallée, qu’en Déodars et
en Genévriers ( Juniperus ai'borea ) , plus rares et plus rabougris encore que
dans celle qui descend du col de Rounang.
Oumson est le nom des misérables bergeries où je m’arrêtai. Lèur distance
de Soungnum est, je pense, de 4 à 5 milles (1 | à 1 { 1.). Je les trouvai désertes
, les bergers étant occupés dans les montagnes supérieures à chasser
leurs chèvres échappées de la servitude. Il y a autour quelque peu de terrain
presque p la t, que les gens de Soungnum y viennent cultiver; ce sont des
champs assez beaux d’Orge ( Hordeum hexastichon) encore verte. Il y a même
aussi quelque peu de Blé. J’y trouvai, parmi d’autres plantes assez nombreuses,
une espèce d'Adonis {Adonis oestivalis, L. ). C’est principalement en
renonculacées qu’abonde la Flore alpine de l’Himalaya.
Le chemin jusqu’à Oumson, qui est situé sur la rive gauche du ruisseau
qui coule dans cette vallée, est pénible par la roideur de sa pente. Il passe
d’un bord à l’autre du ruisseau, et fréquemment, disparaît entre les blocs
accumulés sur ses bords. J’arrivai cependant facilement à Oumson, monté
sur un ghounte.
La figure de ces animaux est la plus misérable du monde ; ils sont d’une
petitesse telle que, pour peu que le sol soit raboteux, mes pieds, si je les
laisse pendre, en rencontrent les inégalités. Leur maigreur est extrême. Cependant
ils passent chargés, dans des lieux où les ghountes, bien plus vigoureux
, de Simla et des basses montagnes n’oseraient se risquer à vide ; mais ils
vont lentement, regardent où ils posent le pied, et s’arrêtent constamment
pour reprendre haleine à mesure qu’ils ont fait 15 ou 20 pas. Leur adresse
est merveilleuse, surtout pouï* marcher le long de pentes rapides, couvertes
d’une couche mouvante de menus débris. En redescendant le lendemain à
pied la route où j ’avais monté la veille à cheval, je fus effrayé du danger où
je m étais exposé ; mais les montagnards m’assurèrent qu’il n’y avait pas d’exemples
d’accidents.
Oumson est la limite supérieure où s’arrête un arbrisseau qui ne me paraît
pas différer du Ribes grossularia, et que je rencontrai pour la première fois
dans cette vallée, dont il couvre la partie inférieure. Le Fraxinus terebinthus,
qui s’y trouve jnêlé, ne monte pas si haut dans ces lieux arides : ce n’est
qu’un arbrisseau rabougri, très-semblable par le port à l’Aubépine des bois.
Mais il y a à Soungnum un grand arbre de cette espèce, le seul que j ’aie vu. A
Mirou, où j ’observai ce frêne pour la première fois, ce n’est qu’un petit arbre.
Il recherche les expositions les plus chaudes.
En face d’Ouinson, sur les montagnes du bord du vallon, est un petit
espace de terrain peu incliné. Il est couvert de champs d’Orge qu’on y vient
cultiverde Soungnum. J’ignore par où l’on y arrive, car, de ce côté, les montagnes
sont inaccessibles.
Le grain est plus cher en Kanawer que de l ’autre coté des montagnes : mais
quand je considère les frais énormes de travail qu’exige sa production, je
m étonne qu’il soit encore à si bas prix. Quinze kilogrammes de farine de
b lé , c’est-à-dire, blé moulu avec tout le son, coûtent 2f,20.
Au pas lent du ghounte que je montais, je mis 2 heures pour arriver
d’Oumson au col de Hangarang; c’était le 4 août, à 9 h. du matin. L’atmosphère
était calme, et la température si douce, que je n’aurais pas soupçonné
par elle la hauteur de cette station. M. Gérard, dont les nivellements méritent
beaucoup plus de confiance que ceux de Herbert, lui assigne i 4,8oop,a'
( 45 iom) d’élévation absolue.
Au sommet du passage, comme à Rounang-ghaut, est une haute pile de
pierres sèches avec de petits drapeaux fichés dans leurs interstices. Ces piles
sont élevées par la dévotion des passants; mais elles sont fort utiles en hiver
pour indiquer le chemin, lorsque la terre est couverte de neige. On
en trouve à tous les cols , et quelquefois plusieurs sur la route avant que
d’y arriver. Mais celles-là ne sont qu’utiles, et Ton n’y attache pas de drapeaux.
La vallée qui s’abaisse du col de Hangarang à la rencontre de celle du
Spiti est sensiblement opposéè, tête à tête, à celle qui descend à Soungnum.
Elle s’élargit davantage vers sa partie inférieure, et on aperçoit du col une
portion notable dé la vallée du Spiti. Les aspects, de ce côté , ne diffèrènt
pas sensiblement de ceux que j ’ai vus depuis le col de Rounang. Herbert y
trouve une différence du jour à la nuit; mais les formes des montagnes sont