
murailles, souvent presque déjà nivelées avec le sol ; elles sont bâties de
pierres cimentées par de la boue, ou de briques séchées au soleil. D’autres,
mieux conservées, sont encore habitées ; j ’y trouvai partout le cadenas sur la
porte, o u , ce qui dépose à la fois de la pauvreté et de la probité des habitants
, un scellé d’argile avec une empreinte encore fraîche.
Les toits sont plats et consistent en quelques poutres, au-dessus desquelles,
dans les meilleures habitations, sont posées de menues branches en travers, puis
un lit d’arbrisseaux épineux, battus et enchevêtrés en une sorte de chaume,
assez serré pour retenir une couche de terre argileuse qui forme la terrasse.
Au-dessus de celle-ci, mais au pourtour seulement, règne une misérable et
légère galerie portée sur quelques pièces de bois, et sous laquelle paraissent
se tenir les habitants durant la belle saison. Ils y amassent leurs provisions
de bois pour l’hiver. Je vis partout les détails d’un ménage abandonné depuis
peu d’heures.
Les temples sont nombreux. Le plus grand est situé dans le bas de la ville,
et parait neuf; ses murs sont crépis et peints en rouge ; il était fermé. Mais
en errant parmi les ruines entassées vers le sommet de la colline, et poussant devant
moi toutes les portes à moitié ouvertes, je pénétrai dans un petit têmple en
partie ruiné, e t , a ce qu’il me parut, abandonné. C’est une chambre carrée, de
5 " de côté. Les murailles sont peintes à fresque, sur un crépi des plus fins.
Des combattants d’une figure et d’un costume bizarres, montés les uns sur
des chevaux, d’antres sur des monstres fantastiques, se poursuivent les uns
les autres. Il y a quelques représentations d’éléphants, les plus mauvaises de
toutes, avec celles du tigre ; mais celles du cheval et du yâk sont d’une correction
singulière; d’où je conclus, que ces peintures., dépourvues d’ailleurs
de toute perspective, ont été faites par des Tartares et non par des Indiens.
Sur le sommet même de la colline est un autre temple, que je trouvai pareillement
ouvert. Il est beaucoup plus grand que le premier, et c’est lui que
de loin on prend pour une forteresse. C'est une grande salle carrée, élevée
de 5 à 6m’ Le fond en est occupé par des idoles gigantesques, sculptées en
terre, polies, et peintes ou dorées diversement. La plus grande est assise, et
ressemble à un Isis égyptien; debout, elle n’aurait.pas moins de 5m de hauteur;
elle occupe l’angle à droite. A sa droite, et contre le milieu de la muraille, est un
Bouddha doré, accroupi. Dans le coin à gauche, est une autre figure du même
caractère, mais debout. Les murailles étaient aussi peintes à fresques, mais
le jour était trop bas pour les bien distinguer. Il me parut seulement qu’elles
étaient du même style que celles du temple que j ’avais visité d’abdrd. Dans
les coins les plus obscurs, étaient de plus petites idoles , et au plafond
étaient suspendues des guirlandes de fleurs et des lambeaux d’étoffes de soie.
A l’extérieur du temple, du côté des escarpements, une flèche renversée
était posée contre la muraille.
Ces sculptures sont loin d’être détestables : au style roide de celles indiennes
et égyptiennes, elles joignent toute la correction de formes des meilleures
sculptures qu’on ait découvertes près de Bombay.
Sur un gradin inférieur des montagnes opposées à la colline sur laquelle
Békoeur est bâti, et au niveau de son sommet, est un misérable amas de
ruines qu’on appelle Killa, un fort. C’est sans doute là que sont les canons
de cuir qui fout la réputation de Békoeur. Ces canons sont bien connus des
Gorkhas, qui en faisaient usage lors de leurs guerres dans les montagnes. Us
servent cinq ou six fois chargés à peine, et ne lancent que des pierres.
En redescendant à mon camp, je vis quelques hommes venus'des habitations
d’alentour. Us avaient les bottes de laine rouge, la ceinture rouge et la longue
queue de la plupart des habitants de Poyé. Ils paraissaient à moitié ivres, à
moitié idiots. Entrepris par tous mes gens à la fois, sans comprendre le langage
d’un seul, et vivement pressés de répondre, les pauvres diables eurent
bientôt perdu la tête. Je leur fis donner du tabac qu’ils s’empressèrent de
fumer dans une pipe de fer, à tuyau carré très-large, à cheminée très-petite,
et qu'ils portaient à la ceinture. Un de mes Coulis de Pangui leur expliqua
que je désirais du lait, et ils surent' très-bien répondre qu’ils n’oseraient en
apporter pour le Seigneur étranger, mais qu’il ne leur était pas défendu
d en apporter pour l’Officier du Rajah, qui me servit de px;ête-nom. Avant de
se retirer, ils exprimèrent la crainte que je ne décampasse dans la nuit pour
marcher en avant.
Le 14 août i 83o. De Békoeur au camp de Houkio-ghauti. — Quoique
Békoeur soit élevé de xUjOOo1-8- (3658”) environ, c’est un climat chaud, comparé
à celui des hautes vallées où j ’avais campé depuis Poyé; le froid pendant
la nuit ne troubla pas mon sommeil.
Le 14 au matin, on vint me dire que le visir chinois était arrivé, et désirait
me v o ir,,e t qu’il avait témoigné son mécontentement de mon invasion.
Je profitai du terrain que j ’avais gagné, pour lui faire la loi chez lu i, où j ’étais
désormais établi en maître, et je le renvoyai en lui enjoignant de revenir
deux heures plus tard. A xo heures, il fit donc son entrée avec toute la population
de son canton. Je lui accordai de s’asseoir dans ma tente sur un petit