
Beaucoup de voyageurs anglais ont passé par i c i , se rendant à Skialkhur,
qui est le but des touristes, et les habitants ne manifestent autour de moi
aucune curiosité pareille à celle que montrèrent, en me voyant, les gens de
Békoeur, qui n’avaient vu d’autre Européen que le docteur Gérard avant moi.
Mais les femmes justifient généralement ic i, comme à Nako, le reproche
trivial de curiosité qu’on leur adresse d’ordinaire. C’est, dans l’après-midi,
vers 5 heures, lorsque je sors à peu près nu de ma tente pour me faire
verser sur la tète et les épaules une outre d’eau exposée tout le jour au
soleil, quelles s’attroupent alento.ur.Leur curiosité peut être immodeste, mais
elle est assurément bien naturelle. Quoi de plus nouveau, quoi de plus singulier,
quoi de plus curieux pour des femmes à peu près noires, qui n’ont jamais
vu que des hommes de leur couleur, d’en voir un très-blanc!—Les hommes
font peu d’attention à ma toilette, et s’étonnent seulement de mon ba in , attendu
que jamais ils ne se lavent ni ne lavent leurs vêtements : ce qui excite
leur curiosité, ce n’est pas ma peau, q,’est mon habit, c’est mon l i t , ce sont
toutes les parties de mon équipage de voyage.
C’est à Chango que j ’ai entendu la meilleure musique qu’on m’ait encore
donnée en Asie : un vrai concert d’aveugles, mais n on , pis que cela. Les instruments
étaient nouveaux : deux instruments à anche, de la forme et du
timbre de nos clarinettes; l’une d’elles était faite de bois, l’autre de bois,
de cuivre et de fer. Elles étaient assez justes, et les deux virtuoses jouaient à
l ’unisson, et parfaitement en mesure, quelques petits airs un peu moins plats
que ceux joués sur le double flageolet à Doubling. Voilà peut-être ce que j ’ai
vu et entendu de plus européen en Asie. Il est certain toutefois que ce n’est
pas une imitation.
Au camp de Lari en Ladak, le 3i août i8 3 o , et séjour le i er septembre.
.Le 29 août 183o.— De Chango à Tchangrising.
Le 3o août i83o. — De Tchangrising au camp sur la rive droite du Gumdo.
Le "ii août i8 3 o .— Du camp de Gumdo à L a r i, et séjour le i er‘septembre.
Chango est, sur la rive gauche du Spiti, le dernier village de Hangarang.
A 3 milles ( î 1.) au nord , sur la rive opposée, est Skialkhur, au delà duquel
est encore un autre lieu appeléSoumra, faisant partie de Kanawer; je n’ai
encore pu déterminer l’appellation du pays inhabité et inhabitable qui est
au delà. Dans la saison des basses eaux, le Spiti est guéable au-dessous de
Soumra, et c’est par là que le capitaine Herbert atteignit Lari, premier village
de Ladak, sur la rive gauche de cette rivière. A moins de la passer à la nage
sur un y ak , il n y a d’autre moyen en été d’arriver à Lari que par une violation
du territoire chinois , en suivant la route par laquelle je suis venu sans
obstacle. Toutefois, je suis le premier Européen auquel un hasard heureux
l’ait ouverte.
; Le 29 août i 83o. _ De Chango a Tchangrising.J1 Avant -hier, 29 août,
quittant Chango de bonne heure avec trois jours de vivres, je vins camper à
Tchangrising, après avoir traversé le torrent de Chango qui coule le long des
montagnes dans son vallon, et gravi ensuite celles-ci jusqu’à 3oom ou 400“
de hauteur au-dessus de la vallée. Elles sont formées de bancs alternants de
Quartz, de Marbre blanc ou gris, et surtout de Schiste argileux, sans cohésion,
dont les débris couvrent les pentes. Ailleurs on rencontre, à cette grande
élévation, un vieux terrain d’atterrissement. L ’excessive sécheresse de ces terrains
en écarte toute espèce de végétation. Ce n’est que dans les interstices des
bancs pierreux qui en sortent çà et là , qu’on en voit de faibles traces.
Le S p iti, à Skialkhur, reçoit un affluent considérable qui descend du N . E . ;
Herbert l’appelle Yangcham. Ces torrents coulent au fond de ravines étroites
et profondes, et la configuration des pentes abaissées au-dessous du sentier
me cacha leur confluent. Je passai, sans m’en apercevoir, de la vallée du Spiti
dans celle du Yangcham, pour adopter le nom d’Herbert. Tchangrising,
> est un lieu de halte que recommandent le voisinage d’un ruisseau
et l’abondance du bois alentour (Rosa astragalas, Cytisus tataricus, Ephedra
biligulata). On traverse, avant que d’y arriver, un torrent considérable qui
coule sur des Granités très-disthéniques. C’est par d’épaisses assises de Quartz
que paraît se faire ce retour des roches calcaires et schisteuses aux roches
feldspathiques. Ce lieu est élevé de 3oo" ou 400” au-dessus de la vallée du
Yangcham, qui a exactement la même apparence que celle du Spiti au-dessous
du confluent. Le volume du torrent qui la sillonne confirmerait l’illusion.
Le 3o août i 83o.-m- De Tchangrising au camp sur la rive droite du Gumdo.
— Le chemin, excellent jusque-là, devient immédiatement au delà détestable.
Une rampe tortueuse d’une excessive roideur, et dont le sol, formé de menus
graviers épars sur des roches très-dures , fuit sous les pieds , conduit au bord
du Yangcham, dans lequel tombe des montagnes à l’Est un faible torrent
appelé jbiy. Moullatar, ou AToullatar, qui sert de limite entre Bissahir
et la Tartarie chinoise.