
10 milles ( 2 5 à 3 1. ) de sommet à sommet. La montagne que j ’explorai appartient
à une chaîne plus basse, entièrement exempte de neiges, et comprise
parallèlement entre celles-là.
Quelques murailles de pierres empilées surmontent les irrégularités de sa
cime. Je les prenais pour des Chougars ou autels élevés aux divinités des montagnes,
comme on en voit partout sur les cols ou sur les cimes accessibles;
mais on me dit que cétait un F o r t, killa. Cela veut dire seulement un lieu
d’observation. Ces' gens-ci craignent beaucoup leurs voisins de Koullou, qui
les ont souvent rançonnés.
Je retournai le soir à Ghuyoumoeul par le chemin que j ’avais suivi hier : il
est constamment tracé sur le Schiste à Ammonites et sur les Grès qui alternent
avec lui. Les Ammonites sont très-inégalement dispersées dans cette
roche, où elles me semblent former, comme les rognons de Silex dans la
Craie, des espèces de lits.
Ghuyoumoeul et son territoire sont sur les Schistes descendus des montagnes
d’alentour dans le vallon qu’il occupe. Us se décomposent en un terreau
noir et fertile.
Le 7 . septembre i'83o. — A Dankhar.
Je redescendis de Ghuyoumoeul à Dankhar par la même route que j ’ai
suivie pour y monter. J’aurais voulu traverser le Spiti pour visiter l’entrée de la
vallée du Spino; mais quoique cette rivière soit étalée, en face de Dankhar,
sur un lit très-large, et divisée en une foule de branches, on m’assura qu elle
n’était pas guéable. Cependant, je soupçonne ici une petite conspiration entre
mes gens et ceux du village, contre mon désir.
Le terrain diluvial autour de Dankhar a un énorme développement ; toute-,
fois ce n’est pas par la hauteur qu’il atteint, qu’il est le plus remarquable, mais
par la cimentation de ses parties : ici ce ne sont que des argiles douces et onctueuses
sans un caillou ; plus haut, des lits redoublés de caillous roulés ; puis de
grands blocs anguleux dispersés dans une terre argileuse sans. consistance ; et
au travers de ces assises, des masses immenses de, fragments anguleux de
Calcaire coquillier, tellement agglutinés par un ciment de même nature, qu’on
les prendrait pour les Calcaires compactes de cette formation qui offrent quelquefois
l’apparence de brèches.
En général, la cohésion de toutes les parties du terrain diluvial est fort
grande, et cela dans toute la vallée du Spiti et de ses affluents. Ses bancs de
terre argileuse micacée, épais de plus de 3o,n et 4om en bien des lieux, se dé-.
gradent en obélisques aigus qui se tiennent debout, isolés les uns des autres,
et portant quelquefois à leur sommet un énorme bloc de rocher. Ces témoins
du niveau primitif du sol diluvial, donnent à diverses parties de Ja vallée du
Spiti l’aspect le plus étrange.
Il y a eu dans la formation du terrain diluvial des époques diversement tumultueuses.
Entre des masses stratifiées, on en voit d’une énorme épaisseur,
dont les éléments sont confondus pêle-mêle ; mais le dépôt des unes a succédé
immédiatement à celui des autres, car c’est toujours par des surfaces planes
et horizontales que se termine chaque masse. Aucune n’a été dégradée avant
d’être recouverte.
Le terrain diluvial (dans toute la vallée du Spiti) a acquis un plus grand
développement au confluent de deux rivières. C’est ainsi que la masse immense
de celui qui porte Dankhar se trouve à une médiocre distance, à x mille
(11.) environ, en face de l’embouchure du Spino dans le Spiti. Elle a plus de
3oo" de hauteur. Le dessin que je joins ici, Pl. X X X X V I , montre comment
ce village est perché parmi ou sur les aiguillés du terrain diluvial. Les
maisons qui occupent le milieu, et qui portent à leurs angles de longues
perches avec des queues de yâks au sommet, sont un monastère. Plus haut
à droite:, et plus bas à gauche, sur un large piédestal, s’élèvent des cônes
effilés de feuillage. Ce sont des rameaux desséchés de Genévriers (Juniperus
arborea), arbre sacré. Sur la base de pierre dans laquelle ils sont plantés,
sont amassées lès cornes d’une espèce de chèvre sauvage qui descend en hiver
des montagnes dans les vallées. Le Genévrier est également sacré pour les
tribus hindoues des montagnes, pour les Gorkhas, par exemple, qui en
décorent pareillement leurs temples. Le dessin donne aux maisons de Dankhar
une apparence trop belle. Leurs murs sont mal dressés : leur base, bâtie de
pierres cimentées avec de la boue, se distingue à peine par sa couleur, du sol
qui les porte. Ce n’est que sous le toit qu’il reste quelque peu de la peinture
blanche dont elles sont lavées.1’L ’épaisseur du toit est celle de la provision de
branchages desséchés, amassés pour l’hiver et empilés sur le faite de chaque
maison. Ailleurs on voit déjà le foin recueilli et pareillement disposé. J’ai
montré deux entrées au village, mais il y en a davantage : elles sont gardées
par une tour percée d’une large fenêtre masquée par un assemblage de pièces
de bois, comme une sorte de large plancher, qui abrite les gens placés derrière,
lesquels peuvent voir et tirer par en bas. Ces tours sont désertes et
tombent en ruine. Le village est trop élevé au-dessus de son territoire, pour
que les habitants renfermés dans leurs murs de terre puissent en défendre les