
Les montagnes qui dominent sa rive gauche sont excessivement rapides,
et leurs pentes inférieures et moyennes sont presque partout couvertes d’ébou-
lements. Il faut cependant gravir toute leur hauteur pour atteindre une
légère dépression qui mérite à peine le nom de ghauti ( col ) qu’on lui
donne. Herbert, suivant une route opposée à la mienne, après être arrivé
sain et sauf au fond de ce vallon, se félicite d’avoir laissé derrière lui cet
effroyable précipice, égal en danger et en difficulté à tout ce qu’il a vu jusque
là. Le fait est qu’il n'y a là ni précipice, ni danger, ni difficulté, mais seulement
une montée très-raide et très-fatigante, d’environ 800 mètres.
Le sommet de cette arête de montagnes est une crête étroite qui s’abaisse
lentement au nord. Elle me parait former une division naturelle dans la vallée
du Setludje. Les bois de Cèdres et de Néozas, après qu’on l'a traversée , disparaissent
presque entièrement, même sur les pentes les plus douces. La végétation
annonce un climat encore plus sec ; un Astragale épineux ( Astragalus
parviftorus) rampe parmi les herbes et forme çà et là des gazons grisâtres;
C’est sur un fond de cette teinte que se détachent le village de Kanum et
celui de Labrang, situés l’un en face de l’autre, sur les pentes d’un petit
vallon au fond duquel coule un ruisseau dont les, eaux détournées fertilisent
leur territoire. Leur aspect est des plus étranges, celui de Kanum surtout.
Labrang, où l’on passe d’abord, pour être populeux, n’en est pas moins très-
pauvre. C’est là que je vis les premiers Lamas. Vêtus de guenilles rouges ,
ils me parurent encore plus misérables que les autres villageois, travaillant
d’ailleurs comme eux à la terre.
L ’entrée de- Labrang est dominée par ce qu’on appelle ici,une dès: forteresses
du Rajah. C'est une sorte de tour carrée,, haute de 12" à i 5“ , entourée d’un
petit mur en pierres sèches, percé de meurtrières. L e Killadar, on gouvern
e u r . est un pauvre paysan qui a la.garde de dix fusils à mèche et de quelques.
vieux sabres, rouillés , qui composent i:armement de cette citadelle que
ne garde aucun soldat,
Kanum est situé en amphithéâtre sur les pentes d’une montagne très-rapide,
soutenue par une multitude d’empierrements laborieux.. Quelques-uns des
étages qu’ils supportent sont plus larges; ceux-là sont cultivés, les plus
étroits sont bâtis. Les maisons forment ainsi plusieurs lignes élevées parallèlement
les unes au-dessus des autres et rassemblées en quelques hameaux
très-voisins, que séparent des champs couverts de riches moissons et ombragés
d’arbres divers, de Pommiers, d’Abrigotiers-, de Pêchers, de. Noyers et de
Peupliers¡ùJf|Ces derniers bordent les ruisseaux d’irrigation, détournés du
torrent qui coule au fond du vallon, et forment des lignes de verdure qui
donnent de loin à Kanum l’aspect d’un village européen.
G éolo gie— Description des terrains entre Tchini et Kanum. Les roches
veinées (Gneiss-ou Micaschistes) disthéniques que j ’ai décrites autour de Tchini
s’étendent jusqu’au delà du torrent qui coule près de Pangui. Mais leur stratification
est différente; souvent obscure, lorsqu'elle n’est pas absolument
nulle : quelques masses de peu d’étêndue en offrent cependant une régulière.
J’ai trouvé constamment la direction de leurs couches au N.ÎX et leur inclinaison
au N .O . C'est l'inverse précisément de celles quelles affectent à
Tchini : leur identité oryctognostique est d’ailleurs absolue. Sur la rive gauche
du torrent de Pangui, ces roches disthéniques n’ont qu’un faible développement.
Le désordre de la stratification augmente dans le terrain, quand le
Disthène cesse de s’y montrer. La structure des roches se contourne tant en petit
qu’en grand. Ailleurs, où elle est droite, les couches sont horizontales, et
tout à côté fort inclinées, dirigées au N .E . ou au N . , inclinées dans le premier
cas au N . 0 ., et dans le second à l’Ë . De larges filons feldspathiques
contemporains les traversent en tous sens. J’y ai vu aussi un amas très-étendu
d'une roche pétrosiliceuse (G. h. 188) , assez homogène, de couleur grisâtre
isabelle, claire, assez difficile à fondre.
Le torrent de Pangui charrie des blocs de Granité veiné. à grands cristaux
feldspathiques, d’une variété que je n’ai pas encore observée en
place. Ils sont mêlés à des parties de Gneiss ou de Micaschiste semblables
aux roches dé ce nom qui dominent à l’entour, mais ne renferment pas
de Disthène.
A l’Est de Pangui, sur la pente moyenne des montagnes, à aâoo“ Ou 2600”
d’élévation, je n’ai plus observé que très-rarement de Micaschiste. Les roches
les plus abondantes sont des Gneiss quartzeux noirâtres, à très-petit grain
("G .h. 189?, (G. h. 190 ), fort variables par la proportion de leurs éléments.
(1) Popülus cordifolia, le même que j ’ai trouvé sauvage entre Mattialab et Nagkündah,
et qui se voit en arbres épars autour de tous les villages de Kanawer ; et une espèce' nouvelle,
que je n’ai vue encore que cultivée, et pour la première fois à Zongui, Populus trilobd, arbre à
tronc droit, élevé, à écorce nette et verdâtre. II pousse plus droit qu’aucune autre espèce du
même genre, à l’exception du Peuplier d’Italie. Son feuillage ressemble beaucoup à-eêlui du Blanc"
de Hollande.