
de Poyé un bon sanga neuf sur le Setludje, qui coule là entre de médiocres
escarpements. C’est encore un énorme torrent. A peine me paraît-il moins
considérable que sous le pont de Woügtou. Après l’avoir traversé, on gravit
les pentes excessivement roides des montagnes qui dominent sa rive gauche
et qui se relèvent ici au-dessus du confluent de l’Yurpo. Leur sommet toutefois
n’atteint pas 4ooom ? car il y a, à l’exposition du nord et du levant, une forêt
clair-semée dé Néozas et de Cèdres. Le tronc de ces derniers atteint encore
3é ou 4m de circonférence, mais il se divise de suite en plusieurs tiges
peu élevées. Le Néoza est aussi rameux, aussi tortueux que le pin d’Ecosse
chez nous, quand il croît isolé dans un terrain ingrat.
Ces bois sont les plus voisins de Poyé. Ils fournissent des supports pour
les vignes, et des poutres pour la construction des maisons.
En passant de la vallée du Setludje dans celle de l’Y u rp o , au même niveau
très-considérable au-dessus de l’une et de l’autre, les Cèdres et les Néozas disparaissent;
il n’y a plus d’autres arbres que le Genévrier arborescent (Juniperus
arborea) , qui mérite à peine ici le nom d’arbre. Les Armoises forment le
fond de la végétation herbacée.
Les montagnes de la rive opposée de l’Yurpo sont très-escarpées. Plusieurs
ravines qui les sillonnent, sont encombrées de neiges tombées des cimes.
Le 10 août i8 3 o .— A Yurpo, 5 à 6 milles ( i ^ à i ^ 1. ) de Rici.
La distance de Rici à Yurpo est de 5 ou 6 milles ( i ( a i ; : I .Y au plus,
presque sans monter : le sentier est tracé à peu près horizontalement le
long des pentes des montagnes et rencontre ici les bords du torrent.
Ce lieu, où campent à leur seconde journée les voyageurs de Poyé à Bé-
koeur, est un espace ouv ert, assez u n i, à une quinzaine de mètres au-dessus
du torrent dont il porte le nom. La magnificence du pâturage à l’entour le
recommande pour halter aux gens qui voyagent avec du bétail, comme
c’est ici l’usage. Peu ou point de graminées, mais desPotentilles, un Géranium,
des Silene, des Astragales , un Polygonum, et encore quelques Armoises.
Le bétail des Alpes rebuterait cet herbage, magnifique par la diversité et
l’éclat de ses fleurs , mais grossier. Déjà, en venant de Rici, j ’ai vu le torrent
disparaître quelquefois sous des lits de neige ; cependant il est très-considérable.
En face de ce lieu même, il y a dans les escarpements des montagnes
opposées une immense échancrure. Son sommet, sous les cimes, .est chargé de
neiges, les plus épaisses que j’aie encore vues dans l’Himalaya : elles peuvent
avoir une trentaine de mètres. Dans les Alpes il y aurait là un glacier.
Temps calme : mais des brumes épaisses qui, par intervalles, se résolvent
en une pluie fibe et donnent à mon camp une physionomie fort triste. Les gens
se divisent par castes ou par villages, et chaque petite bande est accroupie
autour d’un feu qui ne produit que de la fumée. Peu de paroles, point de
rires. Sans le houka, leur situation me ferait p itié j mais il passe à la ronde
dàns chaque groupe, et chacun, en attendant qu’il lui revienne, savoure
lentement la bouffée de fumée qu’il en a longuement aspirée: Admirable
invention pour l’homme à demi civilisé !
Le i i août i83o. — Camp à Tchamoulé. = [*Çol de Gantong. ]
Même temps qu hier au lever du soleil; l’atmosphère calme, mais chargée de
brouillards épais qui se résolvent en une petite pluie froide et pénétrante. Ils
bornent la vue a une centaine de pas et souvent moins. J’aurais désiré attendre
un plus beau jour pour passer le col de Gantong, dont l’élévation excède
i S,oooI:''■ ( 5486“ ) ; mais les vivres me manqueraient au retour. A 7 ! heures,
. tous mes gens étaient en marche après avoir mangé. Les yaks étaient partis
dès l’aube du jour.
Je ne saurais rien dire du chemin, sinon qu’il monte sur les bords de
1 Yurpo jusque très-près du sommet du co l, où j ’arrivai vers une heure de
l’après-midi, en même temps que tous mes gens. Les yaks sèuls gardèrent leur
avance. L Yurpo disparaît souvent sous les éboulements dont est encombré
le vallon où il coule : ce vallon, près du sommet , s’élargit fréquemment jusqu’à
avoir une centaine de mètres au moins de largeur. A 2 heures de marche au-
dëssus de mon camp d’Yurpo, le torrent, barré par des éboulements, s’étend,
entre deux très-hautes chaussées, en un lac qui peut avoir un hectare de
surface et qui paraît fort profond. Ses eaux ont une couleur bleue laiteuse
sous.'le ciel le plus gris.
Des masses de neiges de 20“ à 3o” bordent fréquemment l’Yurpo vers sa
naissance. Elles sont couvertes de débris et d’un peu de terre végétale. Les
mêmes plantes y croissent que sur les éboulements qui n’ont pas cette base
glacée.
Rarement les brumes s’éclaircirent assez, pendant un court intervalle, pour
me laisser voir lés sommets des montagnes les plus voisines; je ne pouvais
que deviner leurs formes. Elles étaient souvent couvertes de neige. La direction
moyenne dans laquelle je marchai jusqu’au sommet du passage est
orientale.
La végétation disparàit entièrement à 200" ou 3où“ au-dessous du col,