
dont Taire était tellement battue, qu’il fut impossible d’y enfoncer les pieux
avec lesquels on fixe ma tente; elle sert aux danses des villageois dans leurs
fêtes religieuses. Il y a, comme à Kauum, sur une colline qui domine immédiatement
le village, une rangée de ces petits monuments que je ne me
rappelle pas avoir décrits, et qui sont si communs dans les villages de
Kanawer, à partir de Pangui. Là, ils sont formés simplement d’un panier
rempli de boue ou de terre, blanchi et posé comme une urne sur un petit
piédestal, et abrité par un toit de chaume ou une terrasse. Ordinairement, il
y a trois dé ces autels sous un abri, et celui du milieu est plus grand que
les latéraux. AKanum et à Nako, ces simples monuments forment un alignement
assez long sur le sommet de la colline qui porte en amphithéâtre les
divers quartiers du village. Ici, ils ont de plus grandes proportions. Quelques-
uns, au lieu d’être crépis à la chaux, sont grossièrement peints en rouge,
couleur sacrée, couleur des temples les plus saints. C’est de même à Békoeur.
Quelques Lamas, pour dire leur prière avec plus de fruit (oum mani
padmei oum), viennent la chanter, chacun sur son air, en se promenant
soit autour de ces grotesques autels, soit autour d’une longue pile de pierres
chargées de cette inscription.
Parmi les hochets que les hommes attachent à leur cou ou à leur ceinture,
je remarque fréquemment de petites cornes. Je soupçonne, sans l’avoir pu
encore déterminer avec certitude, qu’ils ont une croyance confuse à la jet-
tatura. Chacun, dans un étui de cuivre ou dans des sachets de laine de couleur,
porte quelques chiffons écrits par quelque Lama, pour le préserver de
toutes sortes d’accidents. Tous portent à la ceinture une pipe de fer, et plusieurs
ont un double flageolet accordé selon la gamme naturelle. Ces instruments,
qui sont d’une fausseté affreuse, mais qui enfin visent à être justes,
sont fabriqués à Poyé, où ils font déjà partie de l’accoutrement des élégants. J'ai
invité constamment ceux qui me venaient visiter à me montrer leur talent, et
j’ai rencontré à Doubling un jeune homme qui jouait passablement quelques
petits airs très-plats, mais d’une facture régulière.
Le 27 août i83o. — A Chango, et séjour le 28.
Presqu’au-dessous et en face de Nako, il y a sur le Spiti un djoula qui établit
une communication directe entre ce village et Soungnum par le col de Hangarang.
Hango, village situé à mi-chemin de la rivière à ce c o l, s’aperçoit aisément
dans l’espèce de vallon qui s’abaisse de celui-ci.
Le chemin de Chango est assez uni ; il monte légèrement dans sa première
moitié, et descend ensuite plus rapidement vers Chango, qui n’est que fort
peu élevé au-dessus du cours de la rivière. A un mille ( \ 1. ) de Nako, et à une
centaine de mètres plus ba s , est un hameau qui en dépend : Herbert l'appelle
Lira dans sa carte. Le village de L io , situé entre Skialkhur et Hango, s'aperçoit
sur la rive opposée du Spiti. Vers le nord, c’est-à-dire, vers le sommet de
la vallée, on voit lés montagnes qui la bordent de part et d’autre, et qui
semblent la terminer, s’abaijser graduellement ; leurs formes sont douces et
arrondies , et la neige sur leurs cimes n’occupe que de très-petits espaces. Ces
contours nouveaux, au lieu du profil tourmenté, déchiré, anguleux des montagnes
qui dominent le Setludje, sont dus à un changement notable dans
leur composition géôgnostique. Avant de. descendre à Chango, les roches
feldspathiques et quartzeuses qui dominent exclusivement jusque-là, passent
à des roches calcaires, blanches et saceharoïdes quelquefois, mais plus souvent
noires et schisteuses, qui alternent ensuite avec diverses variétés de
Thonschiefer et des roches de cette formation intermédiaire, au milieu desquelles
reparaissent çà et là les Granités et les Micaschistes.
Chango est un assez grand village situé, avec deux hameaux qui en dépendent
, dans une plaine, ou plutôt dans une très-large vallée sillonnée, à
une profondeur assez considérable au-dessous de son niveau général, par un
torrent qui tombe à son extrémité dans le Spiti. C’est de beaucoup la surface
cultivée. la plus étendue que j ’aie vue dans l’Himalaya , à l’exception peut-être
du domaine de Cursali, au sommet de la vallée de la Jumna. Elle est divisée
en une multitude de petits champs séparés par des murs en pierre sèche; on
les bâtit avec les blocs épars sur le sol; l’épaisseur du terrain d’alluvion est
considérable : cependant, il surgit au-dessus quelques rochers ( Calcaire noir
compacte ou argileux) qui servent de base à plusieurs petits temples misérables,
et c’est autour d’eux qu’est rassemblée la majeure partie du village. Il est
bâti comme Nako; mais il a des vergers, qui manquent entièrement à ce
dernier. L ’Abricotier en est le seul ornement.
J'ai commencé, en venant de Nako à Chango, à rencontrer des Kanaoris
qui reviennent du Thibet avec leurs troupeaux chargés de laine, et qui se
rendent à Rampour. J’attendrai, pour écrire le résultat des questions que j ’adresse
à chacun de ces voyageurs, que leurs témoignages soient assez nombreux
pour se contrôler réciproquement.
Un grand village eomme celui-ci, paye annuellement 5o roupies ( i a 5') au
Rajah (environ 2 roupies, 5'oo, par famille), qui ne leur rend absolument
rien en échange.
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