
couverts de forêts où le Cèdredeodar domine, associé à l'Abies circularis.
L’arbre des vergers, celui qui donne leur aspect propre aux lieux abrités
et cultivés, c’est l’Abricotier.
Sa fécondité est extrême; partout les branches plient sous le faix des fruits
dont elles sont chargées. Ils sont d’ailleurs fort petits et assez insipides; lavés
sans cesse par les pluies solsticiales à l’époque de leur maturation, ils ne sauraient
avoir beaucoup de parfum.
C’est, à cette époque de l’année, une partie importante de la nourriture des
montagnards. On casse leurs noyaux pour extraire des amandes une huile qui
sert à brûler.
La pluie, qui depuis mon départ de Simla n’était tombée en général que
de nuit, tombe dès aujourd’hui nuit et jour. Des nuages blancs épais s’élèvent
de toute part des vallons , des ravines herbeuses et des forêts. Il en est
qui se résolvent en une rosée tiède, d’aùtres en une pluie froide. Les cimes en
sont habituellement chargées.
Les montagnes de Koullou, sur la rive droite du Setludje, sont escarpées,
d’un aspect extrêmement sauvage. Malgr é leur âpreté et la roidéur de leurs
pentes , on y aperçoit cependant dispersées , mais à de grands intervalles ,
quelques taches d’un vert plus riche que leur teinte naturelle ; c’est le territoire
, non d’un v illa g e , non d’un hameau, mais d’une seule habitation ; et
souvent le domaine d’une seule famille se compose de plusieurs de ces petits
champs éloignés les uns des autres de plus de 1000“ , et qui ne paraissent
accessibles que par les sentiers les plus périlleux. Leurs sommets seuls
sont couverts de bois. Il n’y a point de neiges sur ceux de la première rangée,
au-dessus des bords du Setludje. Mais un grand nombre des cimes qui
s’élèvent derrière celles-là, en sont chargées.
Sourann est la résidence d’été du Rajah de Bissahir; le palais et ses dépendances
, les demeures des ministres et autres gens de cour, avec quelques
maisons de Banians, composent à peu près tout le v illage, qui est. situé à
23oo" environ d’élévation absolue, et à iooom au-dessus du Setludje, sur un
large gradin presque horizontal, et agréablement cultivé, des montagnes qui
bordent sa rive gauche.
J’y arrivai sans beaucoup de fracas; la pluie terrible de la nuit dernière
a détruit une partie de la route ; jpes gens, arrêtés par des obstacles imprévus,
étaient restés derrière, et je 'n ’avais autour de moi que mon piteux jardinier,
un des serviteurs du Rajah, qui me sert de fourrier sur la route,
et mon tchouprassi, quand mes porteurs me déposèrent sur l’herbe humide
près du village. Un brouillard des plus épais, qui avait déjà percé mon manteau,
rendait un abri fort nécessaire; mais mes tentes étaient encore très-loin. Je
campai provisoirement sous mon parapluie.
Mon tchouprassi, cependant, se rendit à la cour, c’est-à-dire au village,
et il en revint ' bientôt suivi d’une foule de gens qui apportaient l’équipage de
camp du Rajah. Il se compose de deux petites tentes fort légères, semblables
pour la forme et les dimensions à celle de mes domestiques, mais bariolées de
couleurs diverses.
On en dressa une aussitôt, sous laquelle je me réfugiai. La tête de ma caravane
commença alors à paraître; en moins d’une heure, celui des Gorkhas de mon escorte
qui gardait la queue,, vint m’annoncer que tout mon monde était arrivé.
Mes deux tentes, tendues près de celle du Rajah où je demeurai établi, donnèrent
à mon petit camp une magnificence inconnue dans ces montagnes.
J’avais pris à Simla un bon de 5oo roupies ( i2aof).a toucher sur le trésor
royal de Bissahir. Le capitaine Kennedy m’avait en outre donné un Pervana
ou lettre d’introduction pour le Rajah. Je lui dépêchai l’un et l’autre avec (suivant
l’usage indien) force salams verbaux, par mon tchouprassi.
Il paraît que le Rajah n’aime pas plus que les chiens à être interrompu quand
il mange. Mon messager revint avec ses dépêches, et me rapporta, au lieu de
5oo roupies, la nouvelle que le Rajah dinait. Il retourna à la charge une demi-
heure après, et reparut aussitôt pour me dire que le Rajah désirait me faire une
visite. Je m’empressai de lui faire répondre que ce me serait un grand plaisir
de le recevoir,, et changeai, contre l’habit noir européen, mes vêtements de
montagnard, trempés de pluie ; on jeta une de mes tentes à bas pour servir de
tapis à celle où j ’étais établi et où je devais recevoir le Rajah; j ’ordonnai aussi
que l'qn apportât du palais une chaise pour Sa Majesté.
La chaise arriva à l’instant, et mon tchouprassi ne l’eût pas plutôt disposée
près de la mienne, qu’on annonça l’approche du roi. Je me levai vers la porte
de la tente, et attendis que le cortège fût à trois pas pour en sortir et marcher
à la rencontre du Rajah, que je pris par la main pour le faire entrer avec moi.
Certainement je manquai à quelque règle d’étiquette ; car, sans paraître fâché
le moins du monde, le Rajah, cependant, sembla un peu troublé. Je présume
qu’avant de lui faire la politesse cordiale du serrement de main, je devais accepter
le présent qu’il m’offrait par les mains de son premier ministre pro tem-
pore. Mais ce grand dignitaire qui marchait à la droite du prince , étant
vêtu comme les paysans montagnards, je ne faisais aucune attention à lu i ,
ni à un petit sac de cuir fort dégoûtant qu’il avançait vers moi. Le Rajah, de