
passé dans le bras gauche, la filant à la navette qu'ils fout tourner de la main
droite : c’est avec ce fil qu’ils tissent les étoffes claires et grossières dont ils se
vêtent, et dont les meilleures s’exportent dans les plaines, où elles servent à
couvrir les chevaux. La pièce de i6* de long et de o",8 de large coûte environ 3
roupies ( 7 fr. 5o cQ. Elle représente un nombre immense de journées de
travail, à raison de sa lenteur et du défaut d’outils convenables. Les femmes
tissent comme les hommes, mais ne filent pas. Elles n en ont pas le lbisir;
car, outre qu’elles partagent tous les travaux les plus pénibles de la culture,
elles ont la charge exclusive de moudre le grain et des soins du ménage.
Déformées par la misère et la fatigue avant leur développement, il n y a
point de jeunesse pour elles; leur malpropreté est plus repoussante encore que
celle des hommes; leur habillement, le même dans sa forme, encore plus
déguenillé : il laisse voir au bas de leurs jambes deux énormes anneaux de
cuivre, souvent d’argent, tellement lourds, que fréquemment ils sont bourrelés
intérieurement de laine ou de peau, pour ne pas les écorcher. Lusage des
bracelets est moins général; ils sont d’ailleurs du même poids que ces
anneaux. Cette intention de parure n’est pas la seule. Elles melent à leurs
cheveux un énorme paquet de laine brune filée, qu elles fixent à leur tète avec
les guenilles de toute la famille, de manière à former un monstrueux et
hideux chignon qui finit droit en arrière. Toutes ont un anneau de cuivre
ou d’argent passé dans une des narines, et toutes, sans différence dâge
ou de traits naturels, sont dune laideur, je ne dirai pas effroyable, mais
effrayante. Cet extrême de la laideur, de la malpropreté, de 1 abrutissement,
chez les femmes, ne nous inspire pas le même sentiment de compassion
que le spectacle de la même dégradation chez les hommes. Le sexe tout
entier nous parait peut-être alors solidaire de l’humiliation repoussante de
ces malheureuses créatures. Se peut-il que des êtres de la même espèce,
nous aient inspiré des sentiments si différents ! Voilà-ce que nous pensons
en secret, ce n’est pas du sentiment actuel d’une impuissance absolue que
nous rougissons devant nous-mêmes; loin de là : ce serait leLoombie de la
honte que de n’être pas frappé de cette impuissance, toute idée de sexe
est révoltante devant un tel tableau, il rend importuns, odieux, jusquaux
souvenirs les plus gracieux et c'est ainsi, par une vengeance bien injuste
, que notre âme se refuse à la pitié !
Quoique moins réservées que les femmes du plus bas peuplé dans 1 Hindous-
tan, quoiqu’elles ne se cachent jamais le visage - devant un étranger, extérieurement
elles vivent aussi complètement à part des hommes que dans
1 Inde. S ils travaillent ensemble aux champs, c’est sans se parler ; et, devant
le seuil de leur demeure, tandis que dans une pierre ou une souche
creusée en mortier, la femme écrasé le grain qui doit servir au repas du
soir, l’homme qui fume ou qui file,a n’a pas l'instinct de s’approcher d’elle.
Le chien, malgré sa grande domesticité, sommeille ou veille étendu loin
de ses maîtres. Les enfants pleurent, enfermés dans la petite galerie du
haut de la maison. C’est une scène parfaite d’insociabilité.
Le 3o mai i83o. — Au camp sur la rive droite de la Tonse, sous le confluent du Roupine et du Soupine.
Suite de la description de la vallée de la Jumna depuis Tahnao jusqu’à ses sources.
Les i g , 20-, 2 1 , 22 et 23 mai 1 83o, Redescendu la vallée de la Jum n a , .de Cursali à Nagoudnne, eu
campant à Bounasse, Ranna, Oudjerighur, Kôtneur e t Nagoudnne.
Le 24 mai i83o. — De Nagoudnne à Kôti.
Le 25. mai i83o. — De Kôti à Sernaul. — [ Bunlchannegaon, Tchoptargaon, Kosron, Sernaul. ]
Le 26 mai i83o. -—; De. Sernaul à Seraô. = [ Dinngar.^fiy tl
Le 27 mai i8 3 ô .—•- De Seraô au camp dans la fo rê t, sous les cimes de Kédar-Kanta , 5 h. de marche.
Le- 28 mai i83o. — Du camp sous les cimes de Kédar-Kanta à Dergaon. Ascension sur la cime de Kédar-
Kanta , 12 h. de marche.
Le 29 mai i83o. — De Dergaon à un hameau voisin sur la rive gauche du Soupine, en face de la vallée:
du Roupine.
L e 3o mai i83o. — Passage du Soupine et du Roupine, et campé sur la rive droite de la Tonse, sous
le confluent des deux rivières. . .
J’ai oublié de citer la culture du pavot. Chaque famille en a son petit
champ, soit pour en manger la graine, soit pour en faire un peu d’opium,
que 1 homme mêle aux détestables ingrédients qu’il fume. Il cultive
aussi quelques pieds de Tabac ( Nicotiana tabacum ) dont il mêle la feuille
à celle du chanvre, qui croît partout autour des villages sans quon
l y sème. Je doute s’il y est annuel ou non pas vivace plutôt. Malgré lés
propriétés enivrantes de ces feuilles, je n’ai jamais vu de fumeurs enivrés
par elles. Au reste, ils fument beaucoup moins qué dans les plaines de
iHindoustan et dans le Bengal, où chacun a son houka; ici un houka
suffit à plusieurs qui se le passent à la ronde; chacun aspire une large bouffée
de la fumée la plus âcre et la plus épaisse, fait uue grimace épouvantable,
tousse, éternue, crache, suffoque presque, et attend que son tour revienne.
Je n’ài vu ni sabre ni fusil à mèche entre les mains d’aucun habitant; peut-
etre y a-t-il quelques arcs ? mais j ’en doute même; car dans la vallée du Buddiar,
et dans celle-ci (celle de la Tonse, au-dessous du confluent du Roupine et du
Soupine, 3o mai) , où chaque villageois a une arme de cette espèce, elle
est pendue au-dessus de la galerie, dans la partie de sa demeure la plus
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