
quoique le sol ne lui manque pas. Les dernières plantes que j ’aie vues, sont,
dans l’ordre de leur fréquence : Potentilla trifolia, Potentilla nubicola, Corydalis
(B. 1770), et une Caryophyllée (B. 1769), voisiné, par le port, du Cherleria des
Alpes; elle forme des touffes convexes à la manière du Silene acaulis, mais
infiniment plus denses encore.
A une heure de marche, avant d’arriver au col, la pluie se changea en
neige qui fondait en tombant; plus haut, la neige tombait en largés flocons
serrés; les ruisseaux étaient gelés : cependant'la température excédait 4 degrés
centigrades. Le vent soufflait de l’Ouest, c’est-à-dire à notre dos, et sans force;
mais la neige qui fondait sur nos vêtements rendait le froid très-vif.
Le sommet du col est encombré de couches redoublées de neige qui ne disparaissent
jamais. Les montagnards estiment à 2 cosses ( 5ooom) l’espace de la
route qui en est couvert. Mais quoique ce soit la partie la plus pénible du
chemin et celle où l’on marche le plus lentement, nous la parcourûmes tous en
moins d’une heure. Je ne pense pas que nous ayons parcouru plus de 2üoom sur
la neige, si même autant. J’étais à cheval, ce qui est une nouveauté pour un
Européen en ces lieux : deux de mes gens aussi étaient montés. Ce nes t que
par humanité pour ma monture, que je descendis fréquemment pour marcher
une trentaine de pas dans les endroits où les fragments de roches, sur
lesquels passe le chemin, étaient le plus mobiles et le plus anguleux. Il n y
aurait eu aucun danger à rester monté pour venir de Yurpo à Tchamoulé.
Je n’éprouvai, au sommet du c o l, absolument aucune difficulté dans la
respiration, tant que je restai immobile, porté sur mon cheval; mais-essayant
de marcher sur un chemin presque uni, la fatigue, l ’anhélation, se-firent sentir
promptement. Cependant je vis mes gens, pour atteindre au sommet même du
passage, marcher plusieurs centaines de pas sur des pentes de neige très-faiblement
inclinées, sans s’arrêter pour reprendre haleine. Un seul se trouva malade :
le même qui l’avait été déjà, ou qui avait fait semblant de 1 ê tre , quand je
montai au-dessus du Hangarang-ghauti. Quoique vêtu d’une double et triple
enveloppe de laine , je ne pus me défendre du froid aux pieds et aux mains.
J’aurais voulu compter les pulsations de mon pouls, mais j avais les deux
mains entièrement engourdies'-et insensibles.
Ce n’est qu’à une heure de marche au-dessous du col, après l’avoir franchi,'
que j ’éprouvai un sentiment de pesanteur dans la tête. Je l’attribue plutôt
à la faim qu’à la raréfaction de l’air. Il a duré jusquà 8 J heures, cest-à-dire
jusqu’à l’heure de mon repas, après lequel il s est entièrement dissipé.
M. Gérard, qui a fait rouler derrière lui sur ce chemin le perambulateur,
a parcouru 8 mil. (2 1 l.)sans trouver de combustible. C’est la distance entre les
derniers Genévriers au-dessus de Yurpo, jusqu’aux premiers tapis de Cytisus
rubescens TV. de ce côté de Gantong-ghauti où abonde cet arbuste, dont je n’ai
pas vu un seul pied de l’autre côté.
J’ai fait une très-riche herborisation : environ 40 espèces de plantes nouvelles
pour moi.
Quoique l’atmosphère soit parfaitement calme, et que ce lieu ne soit pas
élevé de 4Ó00” , le froid, à cette heure ( t o heures du soir), sous une tente
assez bien fermée, est tel, qu’il m’est impossible d’écrire un mot de plus.
Le 19 août i83o. — A Dabling-Doubling, et séjour jusqu’au 22 août.
L e 12 août i83o. — De Tchamoulé à Tsannsoumrick. — [Le col de Kioubrong.]
L e 1 3 août 18 36. ■— De Tsannsoumrick a Békoeur.
Le ili août i83o. —-De Békoeur au camp à Houkio-ghauti.
Le 1 5 août \ 83o.— Du camp de Houkio-ghauti à Tsannsoumrick. == [L e col de Houkio. \
Le 16 août i83o. — De Tsannsoumrick à Tchamoulé. [Le col de Kioubrong. ]
Le 17 août i83o. —>De Tchamoulé à Yurpo.— [L e col de Gantong.]
L e 18 août i8 3 ô .— De Yurpo à Rici. = [ Excursion aux glaciers d’Yurpo. ]
L e ■ 19 août i83o. — De Rici à Dabling-Doubling, et séjour jusqu’au 22 août.
Géologie.— Description des terrains entre Poyé et Békoeur.
Je reprends la suite de mon journal, interrompu depuis plusieurs jours par
la longueur de mes marches ou d’autres occupations. Je ne termine pas ma
route de Poyé à Békoeur, et né la décris qu’en retour, Pl. XL.
Le i 3 août i 83o. — De Tsannsoumrick à Békoeur. — Instruit par M. Inglis
de d’excessive jalousie du gouvernement de Lassa et de l’obstacle qu’il avait
trouvé récemment à visiter ce lieu déjà soumis à son autorité, j ’avais eü soin, à
Poyé, de faire connaître aux montagnards que je ne laisserais passer au travers
des montagnes personne devant moi, puisque c’était par un avis voyageant
delà sortej de Mourong en avant de lu i, que M. Inglis avait été annoncé
aux gens de Békoeur, que leur officier tartare avait sur-le-champ tous réunis
et conduits en armes au col de Houkio pour arrêter ce voyageur européen.
De Poyé à Tsannsoumrick, mon dernier camp entre Kioubrong-ghauti et
Békoeur, je n’avais rencontré personne." Toutefois, il y avait dans mon camp
même des gens suspects, ceux de Poyé qui conduisaient les yaks et quelques-
uns de Mourong. Le gouvernement de Ladak a en effet menacé les habitants
des villages qui trafiquent avec Békoeur et avec les parties les plus hautes de la
vallée du Setludje par la route du Kioubrong-ghauti, de leur interdire tout commerce
par ce passage, s’ils fournissaient aux voyageurs européens les moyens
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