
d’abord, les murs restent debout. Ce sont des plantes parasites qui les renversent
en y enfonçant leurs racines. J’ai visité plusieurs de ces masures, leur intérieur
est incrusté d’un vernis noir de suie. C’est probablement ce qui les conserve si
longtemps. Les montagnards en France s’enfument pareillement. Ils ont aussi
quelquefois, comme c’est ici la règle universelle, un foyer que ne surmonte aucune
cheminée.
Le costume dans ces montagnes est exactement le même que dans la vallée
de la Jumna et les vallons de ses affluents. Le bonnet brun semble la coiffure
nationale. De ce côté-ci seulement, je remarque dans l ’habillemènt le même
air d’aisance* que dans les maisons. Les gens sont mieux vêtus que dans le
Sirmour. Le goût pour les ornements est le même; la plupart des hommes
portent un collier d’argent. Quant aux traits physiques, ils sont extrêmement
diversifiés, et je n’ai pas réussi à y découvrir un caractère commun à toutes
les variétés. Les nuances de la peau sont aussi nombreuses. En général
elles ne sont pas moins foncées que dans les vallées de la Jumna. Les nez
aquilins dominent ; mais souvent avec la coupe du visage tout à fait indienne,
la barbe est presque nulle. Les figures plates ne se rapportent que très-rarement
au type mongol. Le goitre, sans être fort commun, est moins rare que dans
les vallées de la Jumna, à la même élévation absolue. Il est très-fréquent dans les
villages du fond de la vallée du Setludje, comme Rampour, Ditnaghur, Nirt, etc.
Le Rajah, qui a les traits indiens, n’en est pas exempt. Je n’ai pas vu de crétins.
Le goitre me paraît plus rare chez les femmes que chez les hommes. Celles-
ci sont hideuses, comme de l’autre Côté des montagnes. Leur condition est très-
misérable. Je les vois partout occupées aux travaux les plus rudes de la culture
et constamment à l’ouvrage. Au reste , la vie des hommes est aussi bien dure;
ils voyagent plusieurs mois de l’année, chargés comme des bêtes de somme. Le
voyageur n’aperçoit rien qui trahisse les sentiments d’un sexe pour l’autre;
point de rires, point de babil entre de jeunes garçons et de jeunes filles qui travaillent
ensemble. Les basses classes en Europe, les noirs d’Afrique même, sont
préoccupés fréquemment d’idées confuses d’amour : c’est une excitation qui
anime une longue période de leur existence et qui manque entièrement dans
la vie de ces gens-ci. Us reproduisent leur espèce comme les animaux, voilà tout.
Le i i juillet i8 3 o .— A Tchégaon, r] \ h. de marche d e Natchar. = [Passé sur la rive droite du Setludjè', au
Sanga de Wongtou.]
Natchar est élevé d’environ 2100“ au-dessus de la mer, et de Tjoo“ à 5oo” au-
dessus du Setludje. Descendu assez rapidement vers le lit de cette rivière et suivi
ses bords presque jusqu’à la rencontre d’un vallon latéral, dans lequel on remonte
pour passer plus facilement son torrent. Ge n’est qu’une immense crevasse.
Le roc, sür l’une et l’autre de ses pentes , est taillé à vif.
Les aspects du paysage changent sensiblement quand on est rentré dans la vallée
du Setludje. De grandes masses de rochers à formes arrondies sont entassées les
unes sur les autres ; d autres en place surplombent considérablement et cachent
les cimes des montagnes où la végétation s’ést réfugiée. Le paysage, perdant sa
grandeur, acquiert des traits nouvéaux de rudesse et de stérilité. La rivière
presque de moitié plus étroite qu a Rampour, coule avec une vitesse inégale.
Son lit, en quelques places, est encombré de roches, recouvertes seulement dans
cette saison des plus grandes eaux, qu’elle bat avec furie : plus h au t, son cours
est plus libre, mais toujours excessivement rapide. Il se courbe légèrement en
arc vers le S . E ., et sé cache derrière des montagnes presque à pic qui flanquent
ses bords.
Tel est le cadre qui enferme le sanga de Wongtou. Ce pont, le plus bas
situé sur cette rivière, avait été détruit, il y a 20 ans, dans la guerre dés Gor-
khas, pour leur fermer l’entrée du Kanawer, et pendant longtemps après leur
expulsion, il n’y avait eu qu’un djoula à la place. Le sanga a été rétabli, il y a
7 ou 8 ans, aux frais communs du gouvernement anglais et du Rajah de Bissa-
hir. L ’esquisse grossière que je joins ici, Pl. X X X I I , est assez exacte pour donner
une idée juste de ses proportions et de sa construction. Trois rangées de 8
poutres chacune se projettent l’une au-devant de l’autre, celles d’un bord à la
rencontre de celles du bord opposé, et quand la distance entre elles est réduite
à 20m ou un peu moins, on ferme l’arc au moyen de deux poutres pareilles, lesquelles
portent le plancher fort léger du pont.
Le passage est gardé par les culées elles-mêmes 0 ,0 , excavées en une petite
salle où plusieurs hommes peuvent se loger. Mais la maçonnerie de leurs
murailles est si lourde, qu’elles Scellent très-solidement l’extrémité inférieure
des poutres qui y est enterrée.
Ce sanga, le plus long, le plus élevé, et de beaucoup le mieux construit que j ’aie
vu , paraît calqué sur celui dont le capitaine Turner a donné une vue dans son
Voyage au Thibet. Il ne ressemble pas moins à la description que donne
M. Alexandre Gérard de celui qui existait auparavant à la même place.
On traverse ensuite, à un mille ..(fl.) environ de son embouchure dans le Set-
ludje, un torrent qui descend du nord dans une gorge sauvage. C’est le plus
bruyant que j ’aie vu dans l’Himalaya. .Les gens du pays semblent le regarder
comme une merveille à cause de ses cascades , de son bruit étourdissant et