
diluvial, que sont établies les cultures. Dankbar lui-même (Planche XX XX VI)
est perché, comme un nid d’aigle, au sommet des petits pics aigus de ce terrain,
à 3oo° peut-être au-dessus du torrent, qui reçoit ic i, sur sa rive droite, un
affluent qui tombe de l’ouest, et qui est presque aussi considérable que lui.
L ’aspect de ce village est des plus étranges; toutes les maisons, au nombre
de vingt seulement, forment un système de défense. Bâties de pierres à leur
base et de larges briques d’argile .séchée au soleil dans leurs étages supérieurs,
elles ne présentent à l’extérieur aucune ouverture accessible. Elles sont placées
de manière à fermer toutes les ouvertures qui existaient entre les tours aiguës
qui hérissent le monticule diluvial quelles couronnent. Le village n’a que
deux portes, basses et étroites. Ce qu’on appelle proprement le fort, est en
effet un édifice très-susceptible de défense contre les faibles moyens d’attaque
qu’on peut lui opposer. Il est situé à peu près au milieu du village, dans
le lieu le plus élevé, et en domine considérablement toutes les habitations.
11 est bâti des mêmes matériaux et du même style, mais sur de plus grandes
proportions. On y logerait facilement plusieurs centaines d’hommes, dont la
mousqueterie dirigée au travers des meurtrières percées dans le mur d'appui
de toutes les terrasses, défendrait efficacement les approches du village.
Le défaut absolu de toute garnison rend bien inutiles les soins quon
donne à l’entretien de ce fort. Quelques villageois y demeurent : ils firent
quelque difficulté pour m’y laisser entrer, alléguant un ordre du Sirdar. Mais je
ne pus déterminer quel était ce Sirdar, dont ils ne parlaient pas sans crainte.
Pour le moment, il était absent du village; si bien que forçant le passage
en riant, les gens me laissèrent entrer sans trop de mauvaise humeur.
Ce fort a trois étages, et les différentes pièces de chacun ne sont pas parfaitement
de plain-pied.
Chaque maison du village étant une petite ferme, on jugerait sa population
bien plus considérable qu’elle n’est réellement.
A l’exception des cultures qui couvrent les pentes inférieures des montagnes
a len tour du village jusqu’au bord du Spiti, les montagnes qui bornent
l'horizon de toutes parts, sont d’une affreuse stérilité. Vers le Nord, le N . O .,
le S .O . , et surtout dans cette dernière direction, leurs cimes sont couvertes
de larges manteaux de neiges. C’est au travers de ce massif neigé que passe le
chemin de Soungnum, appelé Manirung-ghauti, élevé de plus de ig,ooops'
(5,791°), et l’un des plus difficiles de l’Himalaya.
Pas un arbre à l’horizon.
Dankhar est le chef-lieu d’un petit pays appelé le Spiti, qui comprend
une quarantaine de villages ou de hameaux, soit dans la vallée du Spiti,
soit dans celles de plusieurs de ses affluents. Il n’y en a que 5 ou 6 au-dessus
de Dankhar, qui est déjà élevé de 13,6oop ,; (3,962” ), en sorte que l’élévation des
plus hauts doit être énorme. 'Le Spiti n’a point de Rajah en propre ; mais
il paye un faible tribut à tous les États dont il est limitrophe : ainsi, tous les
trois ans, il envoie au Rajah de Bissahir 4 chevaux, 20 couvertures, etc. ■
pareillement au résident chinois à Garou; au Rajah de Koullou, et au
Rajah de Ladak, sans doute davantage. I l y a une dizaine d’années qu’il fut
pillé par deux vizirs de Koullou, probablement parce que les habitants avaient
négligé de payer leur tribut à cet. Etat. Rendjit, père de Tikumdâsse, et
de son temps premier vizir aussi de Bissahir, envahit ce district il y a une
cinquantaine d’années, et occupa même le Fort pendant deux ans. Celui-ci me
semble n’avoir jamais été d’aucune utilité pour la défense. Ces guerres
n’avaient pour objet que le pillage, principalement l’enlèvement des bestiaux,
et se terminaient, en général, sans effusion de sang.
Il y a un grand nombre de Lamas, habillés presque tous de rouge et de
jaune. Quelques-uns ont les cheveux tressés en queue par derrière ; mais le
plus grand nombre les porte coupés très-ras. Les femmes les ont invariablement
divisés en une multitude de petites tresses qui leur pendent sur le
dos ét les épaules. A l’extrémité des tresses, elles attachent de gros grains
d’émail b le u , et au sommet de la tête, un ornement qui pend en queue
par derrière, jusqu’à six décimètres, composé de plaques ovales et polies de
malachite, montées en cuivre et fixées sur un large ruban. A part les ornements
de la tê te , leur costume diffère peu de eelui des hommes. Les
vêtements de laine des uns et des autres sont généralement si imprégnés
de crasse, qu’on les prendrait pour du cuir noir.
Je vois ici moins de figures chinoises qu’à Poyé, Dabling, et qu’en Hanga-
rang ou qu’à Békoeur.
Quand je sortis de ma tente, eu costume de nageur, pour recevoir la
douche d’eau froide dont j ’ai contracté l’habitude, les femmes firent une
sortie du village et envahirent mon camp. L ’opération du bain parut exciter
au plus haut degré leur étonnement. Ma peau blanche était aussi pour elles
un vif objet de curiosité, car elles ne pouvaient avoir vu auparavant que
celle de M. Gérard, qui peut-être ne leur avait montré que sa figure et
ses mains.