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Cependant, il y a quelques années, en ce même lieu, le djhoula rompit
sous un des serviteurs du capitaine Kennedy, le même qui me servit de
tchouprassi. Quoique bon nageur et endurci au froid comme au chaud, il
lui eût été impossible, me dit-il, de nager. On le tira au bord à moitié noyé,
à moitié paralysé, avec sa selle de suspension, dont la corde n’avait pas
rompu heureusement.
Je donnai 8 roupies (20 fr.) pour mon passage, et les gens ne parurent
pas satisfaits. Comme ils profitèrent pour eux-mêmes de cette communication
passagère, je jugeai pourtant convenable de n’y rien ajouter. Le djhoula
reste tendu 2 ou 3 jours, pendant lesquels il se fait quelques petits échanges
entre les villages des rives du Setludje. On y fait passer les moutons et les
chèvres en leur liant les 4 pieds ensemble et les suspendant comme des
ballots; un veau, du poids d’un homme, passerait avec la même sûreté;
mais on ne risquerait pas un cheval, tout petit qu’il soit.
Le sanga de Wongtou a coûté 1,000 roupies (2,5oo fr.) à construire; le bois
étant ici plus voisin, il n’en coûterait pas plus de la moitié pour relever celui
de Pouari; mais dans un aussi pauvre pays, 5oo ro u p ie s ,|i,25o fr.) sont
une énorme somme. Le Rajah contribua pour la moitié des frais du sanga
de Wongtou, mais ce fut pour lui comme une amende imposée par le gouvernement
anglais. De ses minces revenus, rien ne retourne à. ses sujets;
il ne paie pas même ses serviteurs. Il est servi par corvées, chaque village
entretenant près de lui un ou deux domestiques. Il doit thésauriser, si Ti-
kumdâsse, son vizir, ne lui en épargne pas le souci.
Pouari ne compte que 12 ou i 3 familles. Il paraît plus populeux. Ce village
et ceux situés à 4° °m ou 8oom au-dessus du Setludje sur les pentes du groupe
des Kaïlas, en face de Pangui et de Rarang, c’est-à-dire Pourbouni, etc.,
et qui forment de la rive droite de la rivière des points de vue très-agréables,
composent le vizirat ou domaine seigneurial de Tikumdâsse. Us payent à
deux maîtres, au Vizir et au Rajah.
Le terrain de transport autour de Pouari et jusqu'à l’embouchure de la
Buspa est formé de sables micacés et quartzeux, et de blocs arrondis de
roches granitoïdes, parmi lesquels le Granité est commun. Il ne selevepas
à plus de 6om au-dessus du niveau actuel du Setludje. Le Centaurea setosa N. y
abonde, et j ’y trouvai aussi en quantité deux plantes des parties supérieures du
Kanawer, 1 ' Astragalus microphyllus TV et le Salsola thibetica N. (B. 2114)?
que je n’avais même vues auparavant que dans la vallée du Spiti. D ailleurs ,■
l’influence d’une latitude très-méridionale se manifeste ici par la présence de
quelques formes végétales qui n’appartiennent pas aux zones tempérées , et
elles deviennent de plus en plus communes, en descendant vers le confluent
de la Buspa : c’est un Figuier et un Hedysarum en arbrisseau ( Hedysarum
margination TV), que j ’avais commencé à voir au-dessous de Pangui. Le Quer-
cus protea ( eadem species ac Quercus diversifolia N. ) est mêlé avec le Déodar
et le Pin néoza, dans les bois.
Ç’est autour de Pouari seulement que j ’ai aperçu quelques Vignes sauvages ;
mais je doute que cet arbrisseau soit indigène de cette contrée. Un Lierre, He-
dera integra N. , qui me paraît différer de l’espèce européenne, grimpe sur les
rochers ombragés. Le Néoza, dans ces expositions chaudes et à ce niveau, le
plus bas où il descende, i,8oom à i,6oom, a un port sensiblement différent.
Il est presque droit et pyramidal, et atteint jusqu’à 14“ et i 5m de hauteur. Ses
feuilles aussi sont plus longues. Il serait tout à fait méconnaissable sans ses
cônes, et sans le caractère de son écorce, qui se détache par petites plaques.
Je trouve ses fruits mûrs maintenant ici , tandis qu’à Kanum ils étaient encore
assez éloignés de la maturité. Quand l’arbre fleurit, ses cônes forment des bouquets
à l’extrémité des rameaux ; mais un grand nombre avortent, se dessèchent
et tombent de bonne heure, et à l’époque de leur maturité ils paraissent
solitaires comme ceux des Abies. Ils pendent à l’extrémité des rameaux.
Leurs semences n’emplissent pas exactement leurs capsules , dont la grosseur
et la forme sont celles d’un noyau d’Olive. Leur saveur est douce et agréable.
Leurs cotylédons sont divisés constamment en 10 lobes.
Le 29 septembre i 83o.— De Pouari a Suntung. — Les montagnes de la rive
gauche du1 Setludje sont en général plus escarpées que celles de la rive droite.
Au-dessous de Pouari, le chemin est absolument impraticable aux bêtes à
cornes, et les chèvres y peuvent à peine passer.
Suntung est un hameau situé à 3oom au-dessus de la rivière, sur les pentes
d’une montagne bien boisée, et sur le bord d’un escarpement vertical. Au
pied de celui-ci, et dans une gorge si étroite que le soleil en cette saison n’y
luit que 5 à 6 heures par jou r, on voit une de ses dôgris, qui n’est pas un
chalet , mais un vignoble. Ce nom de dôgri s’applique à toute espèce de
dépendance d’un village. Ainsi, à 1 mille ( i l . ) au-dessous de Pouari le
torrent de Tangling arrose un espace assez vaste, couvert/de cultures, mais
sans habitations ; elles appartiennent à Pouari et en sont la principale
dqgri.
Je campai dans la gorge de Suntung, au pied de ses escarpements, qui