
négative. — Je soupçonne dans cet homme si humble en apparence, un orgueil
assez grand, et je ne. serais- pas étonné qu’il regardât comme au-dessous de lui
de faire des traductions, lui qui fait des traducteurs. Peut-être aussi dans 1 admirable
bibliothèque de Kanum, n’a-t-il pu trouver un livre qui ne déposât,
par ses inepties ou son extravagance, contre l’utilité d’apprendre le thibétain.
Le Lama de Ladakqui a instruit M. Csoma, l’a quitté il y a peu de temps ,
pour retourner en son pays, et je ne l’ai pas vu. Il y en a fort peu à présent ,
dit M. Csoma, qui puissent enseigner parfaitement le langage littéral. Dans
l’Ouest du moins, à Ladak et dans la Tartarie indépendante, les prêtres en
ont à peine conservé la tradition. Tout ce que M. Csoma a vu de ces contrées,
indique un déclin déjà ancien et rapide; c’est dans les parties les plus orientales
de la Tartarie chinoise que les lettres thibétaines se défendent le mieux
contre la décadence et l’oubli.
M. Csoma n’est point connu des Kanaoris sous son nom, mais sous celui
de Roumi ( Romain en hongrois). Il leur dit que son pays est entre 1 Europe
et l’Asie, qu’il y a des Lombos (Moines), et il s’est fait ainsi dans
leur opinion un caractère de nationalité ambiguë qui éveillerait leurs soupçons
plutôt qu’il ne les apaiserait, s’ils étaient le moins du monde soucieux
des étrangers. Ailleurs, il a voyagé, d i t - i l , sous son nom de bapteme,
Alexandre, qui est aussi un. nom oriental, Seçander, auquel il ajoute le Beg,
pour imiter l’emphase de l’Orient. Les gens de Kanum le traitent de
Saheb, et j ’ai vu le Yizir Busountrânme s’éloigner respectueusement quand
Roumi Saheb s’approcha un jour pour me parler. Us croient à peu près le conte
à peu près vrai qu’il leur fait, et ne s’en inquiètent guère. La connaissance
du langage sacré , que seul maintenant dans le village il possède, depuis le départ
du Lama son pédagogue, contribue à leur inspirer pour lui du respeçt.
De quoi il vécut pendant dix ans avant le bienfait de lord Amherst, je
l’ignore entièrement, personne ne le sait. Sans doute il voyagea constamment
dans le costume d’un pauvre; mais encore un pauvre a-t-il besoin de dîner
tous les jours. Touchés de sa misérable situation, M. Moorcroft, il y a plusieurs
années., et M. Fraser lui offrirent des secours; mais quelque délicatesse ingénieuse
qu’ils employassent pour les lui faire accepter, il se refusa constamment
à les recevoir.
Quand il refusait avec opiniâtreté les offres généreuses de quelques particuliers,
il faisait écrire à Calcutta par des personnes qui lui portaient
intérêt , qu’i l était disposé à accepter les secours pécuniaires que le gouvernement
ou tout établissement public voudrait bien lui accorder, s’ils,
croyaient ses travaux philologiques réellement utiles et dignes d’encouragement.
La Société asiatique se reconnut à cette désignation, et séance tenante,
où cette lettre fut lue ( j’étais présent), vota pour M. Csoma une pension mensuelle
de 5o roupies ( 1 2 5f ) (¿c’est-à-dire ce que lui donne aujourd’hui le gouvernement.
Mais, sous je ne sais quel prétexte, que la .Société prétendait soulager
sa misère, au lieu de récompenser son talent, M. Csoma refusa sa donation.
Ayant accompli 1 objet pour lequel il s’était fixé à Kanum, le voilà maintenant
qui sollicite du gouvernement les moyens de se rendre à Calcutta pour
y porter le fruit de ses travaux philologiques.
Le i er août i 83o . |t# A Soungnum, et séjour jusqu’au 6 août.
Le xer août i83o De Kanum à Soungnum. = [ L e col de Rounang ].
Description de Soungnum.
Excursion au col de Hangarang, les- 3 et 4 août.
Géologie. Description des terrains de Kanum , du col de Rounang, de Soungnum et du col de Hangarang.
Le i " août i 83o— De Kanum a Soungnum. [Le colde Rounang], — Un
panorama dessiné de la plate-forme du temple où je demeurai à Kanum, ferait
bien connaître les aspects généraux de l’Himalaya en Kanawer. Les quartiers
du v illag e , dispersés les uns au-dessous de ce point, les autres beaucoup au-
dessus, le village voisin de Labrang, montreraient toute l’économie d’un
grand village kanaweri; la construction des maisons, dont la proximité permet
d apercevoir les détails, le mélange des cultures à l’entour, un bois de Néozas
et à une distance également médiocre, quelques lambeaux de forêts de Cèdres
rabougris; plus haut, les pentes presque nues des montagnes, un col très-fré-
quenté, la seule route qui conduise à Soungnum et dans les parties plus élevées
du Kanawer; dans le fond de la vallée, les eaux boueuses du Setludje;
et sur sa rive opposée, d’immenses montagnes escarpées et déchirées vers leur
base, verdissant à peine vers leur hauteur moyenne, et saupoudrées de neiges
éternelles sur leurs cimes. Lés Kylas (Kaïlas occidentaux) , qui sont le relèvement
le plus considérable de la chaîne centrale de l’Himalaya à l’ouest du
Gange, terminent cette vue, et leur masse imposante qui domine de 1000” environ
la ligne générale des sommets, soüs-tend d’ici à l’horizon un arc de 25°, et
leur hauteur relative au-dessus du fond de la vallée excède 4ooom.
J avais déjà visité, avant de venir à Soungnum; le col de Rounang, qui y
conduit. J’étais venu campér, le 28 juillet, à peu de distance sous le sommet
du passage, près des dernières cabanes d’été des bergers, et j ’avais employé
toute cette journée à visiter le col lui-même et ses alentours. Le lendemain,
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