
Houkio-ghauti, est une tchôki, ou large guérite en pierre, derrière laquelle
deux ou trois hommes peuvent se cacher pour reconnaître les voyageurs qui
montent vers le ghaut, et au besoin pour tirer sur eux avec avantage; mais il
n’y a aucun exemple de violences poussées à cette extrémité.
Aucune trace de neiges autour du passage, ni sur les collines élevées qui
en dominent au sud le point culminant. La nuit avait été calme et douce;
malgré l’extrême élévation du camp, aucun de mes gens ne se plaignit du
froid.
Hier, j ’avais rencontré des Tartares revenant de Ranawer avec un troupeau
chargé de grain. Ce matin, j ’en rencontrai un autre, conduit par des gens de
Mourong, qui marchait également chargé vers Békoeur. Il paraît que cette
route ne laisse pas d’être fréquentée.
La ravine de Houkio est privée d’eau en cette saison; elle débouche vers la
partie inférieure d’un vallon voisin où coule un ruisseau, lequel, à peu de
distance au-dessous, se jette dans celui qui vient ic i, du Kioubrong-ghauti,
grossi dans son cours du Chelti. La réunion de ces trois ruisseaux forme un mé- Od
iocre torrent qui coule dans une vallée assez ouverte, et doit aller tomber dans
le Setludje. Tsannsoumrick est un médiocre élargissement de cette vallée, à
i mille , J ; de la base de la montagne de Kioubrong. Il y a du pâturage pour
les bestiaux des voyageurs et quelques menus arbrisseaux qui rampent dans les
herbes ou fleurissent sur les bords des torrents. Parmi ceux-ci est un Tamarixcpte
j'ai observé plus haut encore, jusqu’à 4,adom ou 4,3oom : deux Saules croissent
avec lui. Dans les gazons, on voit des Astragales épineux et le Cytisus rubescens.
Dans ces vallées étroites que dominent de si hautes montagnes, la chaleur
du jour ne laisse pas d’être considérable ; mais le rayonnement nocturne,
favorisé par un ciel généralement très-pur, refroidit tellement l’atmosphère,
qu’au milieu de l’été, les plantes sont habituellement couvertes de givre au
matin. Telle est leur constitution, que les fleurs qui paraissent les plus délicates
n'en sont pas flétries.
Le 16 août i 83o. — De Tsannsoumrick à Tchamoulé. = \Le col de Kiou-
bmng\ — Je voulais me donner à Tsannsoumrick un jour de repos; mais l’impossibilité
décrire et de m’occuper de quoi que ce soit, tant le froid était vif
au matin, me fit reprendre ma marche.
La plupart des roches calcaires et quartzeuses qui composent les montagnes,
sont coquillères ; leur stratification est assez régulière. Ces montagnes s’élèvent
par gradins escarpés les uns au-dessus des autres, et que raccordent des pentes en
général fort roides, couvertes de débris éboulés, mobiles. A une très-médiocre
élévation au-dessus de la v a llé e , elles sont entièrement dépourvues de
végétation.
(.est à i mille 1.; environ aù-dessus de Tsannsoumrick que se termine la
vallée, au pied du col même de Kiiôubrong; mais le ruisseau qui y coule, remonte
plus haut dans une ravine très-étroite qui pénètre au S.E. dans la base
de la montagne. O »
On monte au col par des pentes très-inclinées, couvertes d’éboulements
mobiles. Toute apparence de végétation cesse aussitôt; mais, ç à e t là , parmi
les pietres, fleurissent quelques plantes que la couleur violette de leur
feuillage et leur petitesse dérobent le plus souvent à la vue. Je remarque
surtout, parmi elles, le Çorydalis crassifolia (B. 1812), le Ranunculus lobatus
(B. 1811), et le Cineraria sessilifolia (B. 1810), vivaces tous les trois, mais
pourvus de racines si déliées , que c es t de l’air qu’ils devraient tirer presque
toute leur nourriture; leurs feuilles sont épaisses, presque charnues. Ces
plantes sont rares partout, mais elles ne cessent absolument de se montrer
qu à 3oom environ sous le col : elles parviennent donc à l’énorme hauteur de
5,3oo mètres.
On arrive au sommet du passage sans avoir rencontré de neiges sur le che-
m in , qui s égare souvent parmi les éboulements, et sans en avoir vu à proximité
que quelques amas médiocres, accumulés dans des enfoncements.
Au niveau du passage, quelques pentes assez peu inclinées en sont revêtues;
mais elles font exception, et il est évident que tous les lieux où l’hiver n’en a
accumulé que ce qui est tombé naturellement sur leur surface, en sont totalement
dépourvus. La hauteur absolue du col est cependant, d’après M. Gérard,
de 5,581 mètres.
Le col nest qu une échancrure, à peine sensible, dans la crête étroite d’une
montagne qui en unit, de part et d’autre, de plus élevées.
Favorisé par un temps superbe, je pus visiter celles qui le dominent immédiatement.
Au sud, c’est un sommet dont la convexité est si faible, qu’il mérite presque
le nom de plateau, justifié d’ailleurs par son étendue : à peine excède-t-il l’élévation
du col d’une cinquantaine de mètres. J’y montai d’un pas rapide par une
pente très-douce et y marchai plus d’une heure avec vitesse, sans ressentir aucune
lassitude particulière causée par l’élévation, aucuns maux de tête ni
doreilles, aucune tendance au sommeil, rien enfin de particulier, peut-être
qu une légère anhélation; et, en effet, après quelques minutes de repos, mon
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