
mêmes arbres que celles de Fagou, ont exactement le même caractère. C’est
dire qu’elles sont au nombre des plus belles que j ’aie vues dans l’Himalaya.
Le lieu où je campai, élevé d’au moins 8,ooop a' (2,438” ), est une de ces
crêtes qui divergent en tous sens, se ramifient et s unissent par leurs rameaux
à d’autres semblables, issues de quelques massifs de montagnes plus considérables,
jetés au hasard entre la chaîne neigeuse et les plaines, et qui forment
ce qu’on appelle vulgairement la seconde rangée. Kédar-Kanta est un de ces
massifs. Mais ils sont plus rares dans ce quartier de l’Himalaya que de ce
côté-ci, où l’enchevêtrement de leurs rameaux donne aux vallons le cours
le plus tortueux.
De ce massif d’où le Guirri descend à l’Ouest, d’autre's torrents descendent.
dans d’autres directions, et s y unissent plus bas.
Du camp du 9 octobre (où il gela pendant la n u it), je descendis hier
matin jusqu’au bas de la même arête, où je traversai un médiocre ruisseau
et montai de là au village de Dussouli, dont la position seule n’est pas pittoresque.
Il est situé sur la face orientale d’une montagne allongée en croupe
de l’E . à l’O ., découpée en golfes profonds, envoyant dans les vallées
d’alentour des promontoires très-élevés. Gravissant ce matin sa cime, qui
doit atteindre environ io,ooop a- ( 3,048“ ), je vins, après une longue marche,
camper ici près du durbar du Ranah de Ghound.
La petitesse des principautés ou seigneuries montagnardes dans cette partie
de l’Himalaya, m’empêche de spécifier les États que j ’ai traversés aujourd’hui.
Le durbar du Ranah de Ghound ressemble aux maisons des simples
villageois. A peine ce Ranah a-t-il i ,5oo roupies( 3,750') de revenu, me dit-on.
Le chemin, qui est excellent, suit en général la crête de la montagne. Il
commande magnifiquement le Tchour au S ., et la chaîne neigée au N. et au
N . E . Chaque villageois lui donne ici un nom différent ; mais aucun ne
comprend ni Kallas, ni Himalaya.
Le temps, depuis que j ’ai traversé l’Himalaya, n’a cessé d’être magnifique.
L’air, sur les cimes des montagnes de cette région, me semble avoir une
vivacité èt une vertu tonique dont je n’ai pas ressenti à un égal degré, en
Spiti même, les effets fortifiants. Peut-être est-ce la beauté du paysage, qui
me fait oublier la fatigue de marches plus longues que je n’étais accoutumé
de faire en Kanawer. Sur les cimes, à 2,400, 2,700 et 3,000”, je trouve invariablement
la terre faiblement gelée et couverte d’un givre abondant au
matin. Cependant, les herbes des prairies brunissent à peine, et les forets
sont dans tout leur éclat. Il y a encore beaucoup de fleurs.
La face septentrionale des montagnes est en général la mieux boisée.
L 'Abies complanata et XÂbiès circularis sont également communs, avec
le Deodar, qui est loin d’atteindre ici les proportions gigantesques qu’il
acquiert dans le bas Kanawer. On ne voit qu'une seule espèce de Chêne,
Quercus protea. — Les villages sont assez rares sur les pentes inférieures des
montagnes.
Le 10 novembre i83o. — A Nahan, e t séjour le ix (i).
Les l a et i3 octobre i83o. — Du camp près du Durbar du Ranah de Ghound à Simia, et séjour jusqu’au
29 octobre.
Le 3o octobre i83o. — De Simia h Soubhatou , et .séjour jusqu’au 6 novembre.
Le 7 novembre i83o.— De Soubhatou à Bhaul.
L e 8 novembre i83o. — De Bhaul à Tokri.
L e g novembre i8 3 o .— De Tokri à Bunnetti.
L e 10 novembre i83o. — De Bunnetti à Nahan, et séjour le 1 1 .
G é o l o g i e . — Terrains des environs de Soubhatou.
J’ai repris avec plaisir ma vie solitaire en quittant Soubhatou; mais je ne
me retrouvai seul parmi ces scènes de grandeur mystérieuse, que pour leur
dire adieu. Un faible espoir me reste de les revoir encore, mais je l’espère
bien peu. Pourquoi ces regrets ? Quelles impressions si vives déplaisir ai-je donc
éprouvées dans mes voyages dans l’Iiimalaya," pour ne pas quitter sans tristesse
ses montagnes, ses neiges,'ses déserts ? J’ai en horreur les séparations
de tout genre, quand elles doivent être éternelles. II me semble que le mot
d’adieu, quand il est sans retour, me donne un avant-goût de la mort. Nous
ne sentons pas la perte journalière de la v ie , lorsque celle-ci coule monotone
et tranquille. Quand le jour de demain doit ramener les mêmes sensations
que celui d’aujourd'hui, que perdons-nous lorsqu’il expire ? Mais celui
qui change de place, ou q u i, sédentaire, change de sensations, est averti
douloureusement que la mort le poursuit sans relâche. Un abîme se creuse
toujours sous son dernier pas, qui le sépare pour jamais du passé !
La route de Soubhatou à Nahan est peu fréquentée. Je m’établis le premier
jour, le 7 novembre, dans une grande chaumière bâtie par le gouvernement
C’est le bungalow de Bhaul; il est situé près d’un village et entouré de
quelques cultures.
Le 8 novembre, je vins à Tokri, dont la position, assez semblable d’ail-
(1) Depuis le j i octobre i8 3 o , au camp près du Durbar du Ranah de Ghound, Victor Jacquemont n’a repris son
journal que le 10 novembre i8 3 o , à Nahan , où il vint après avoir passé 16 jours à Simia , e t 7 jours à Soubhatou ,
chez le capitaine Kennedy. Il avait.laissé chez cet officier, en quittant Simia le 28 juin i8 3 o , les collections qu'il avait
recueillies jusque-là , depuis son départ de Saharunpour, le 12 avril i83o.
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