
en bouillonnant, du fond de petits bassins quelle a creusés en soulevant et en
emportant sans cesse la terre qui était au-dessus. Près du plus régulier, qui
n’a guère plus de im,o de circonférence, et de om, i ou om,2 de profondeur, cest
un cône quelle a formé par l’incrustation qu’elle dépose eu se refroidissant autour
de la petite bouche par où elle s’élève. Ce cratère en miniature, des mêmes
dimensions que le bassin voisin, émet une petite source intermittente : l'eau
qui bouillonne dans sa cavité en sort par faibles jets qui retombent à l’entour, et
tend continùellemeat à l’exhausser par le sédiment qu’elle dépose. Enfin, 1 une
de ces bouches est latérale; elle s’ouvre dans une masse informe de concrétions
dont les proportions n’excèdent pas celles des appareils voisins, et est lancée
d’une manière continue, avec un sifflement ou plutôt un bouillonnement assez
fort, à 2m de là. C’est là surtout l’objet de la grande vénération des Hindous.
Les eaux chaudes sourdent ainsi, jaillissent ou dégouttent du pied des
murailles de Quartz sur une longueur de i o m à 15“ environ. Elles se perdent
aussitôt dans le sol sur lequel elles tombent, et reparaissent, comme
je l’ai d it , au-dessous, s’infiltrant au travers. Leur masse réunie est très-peu
considérable.
I l n’est point d’eaux thermales, quelle que soit leur température, qui ne
nourrissent quelques Algues. Une matière verte, qui est sans doute une plante
de cette famille, nage dans les petites mares tranquilles où l’eau de Jumnoutri
s’amasse çà et là , et conserve presque sa température originelle par
un renouvellement constant.' La loupe la plus forte ne m’a permis d apercevoir
aucun filament dans sa gelée molle et transparente. Il m’a été également
impossible d’en distinguer aucun dans une substance gélatineuse presque
solide, qui recouvre, comme une couenne épaisse, les incrustations calcaires
déposées par l’eau qui s’égoutte. Cette production singulière est évidemment
de nature végétale ; ses parties profondes sont blanches ou incolores, au-
dessus elle jaunit, et sa surface est d’uu vert - noirâtre. La surface elle-même
demeure incolore, s’étiole, comme les plantes, par la privation de la lumière.
Il me paraît très-probable que ces pierres concrétionnées (dans le Bengale
et dans toutes les provinces où se rencontre cette substance, les Kankars),
placées au pied d’un Bhoeur ou d’un Pipul {^Ficus indica, Ficus religiosa),
parmi lesquelles s’élève quelquefois un galet cylindrique qui représente fort
mal le Lirigam, il me paraît, dis-je, presque évident que ces bizarres autels
hindous, aussi fréquemment répandus dans l’Inde que les croix dans les
campagnes de France, sont dressés à limitation de Jumnoutri. Les sources
incrustantes de Sansidareb, qui ne sont pas thermales, sont aussi réputées
d’une grande sainteté. Au reste j cette apparente végétation d’un corps inerte,
de la pierre, est bien faite pour frapper l’esprit d’hommes ignorants; ce doit
être pour eux une grande merveille, et il n’est pas surprenant qu’ils l’adorent.
Il est bien entendu que les brahmanes ne l’adorent que comme une production
merveilleuse de la puissance divine, comme un de ses symboles, et non
comme la divinité elle-même ; du moins les gens qui ont sacrifié 10 ou 12 ans
d’étude à comprendre quelque peu de sanskrit, et qui ne veulent point convenir,
qu’à part l’intérét philologique, ils ont fort mal employé leur temps, s’attachent
ainsi, depuis une cinquantaine d’années, à défendre cette caste des
superstitions grossières et des épouvantables absurdités que la multitude des
Hindous croit à la le ttre , tandis que les Brahmanes sauraient 11’y voir qu’un
sens allégorique. On ne remarque pas généralement qu’en voulant les montrer
éclairés et libéraux dans leurs notions religieuses, en les représentant
comme des déistes, ne,croyant pas plus que nous aux fables de leur théogonie,
ne révérant dans Brahmaque la sagesse divine, dans Yiscbnou que le principe
conservateur de l’univers, on ne leur laisse aucun fondement pour établir la
hiérarchie des castes. Si Brahma n’est que la sagesse divine, qu’entendez-vous
lorsque vous dites que telle caste est sortie de la téte de Brahma, telle autre
de ses pieds; que la première ainsi, la vôtre, notez-le bien, doit commander
et celle-là servir? Un mensonge dont vous profitez...! Mais je suis honteux de
m’arrêter à une question si méprisable. De toutes les folies et les misères
de l’humanité, la religion est celle dont l ’histoire est la plus ennuyeuse et la
moins profitable. A quoi bon les livres sur ce sujet ? Ils ne sont lus que par
ceux à qui ils sont inutiles.
J’étais arrivé de bonne heure à Jumnoutri; le temps était beau; les neiges,
dont je voyais la vallée remplie uniformément, ainsi que tous ses vallons latéraux
jusqu’à la portée de ma vue, offraient un chemin commode pour monter
jusqu’à leur sommet et atteindre une élévation considérable. Je voulais
connaître quelles roches formaient les crêtes qui perçaient çà et là le manteau
de neiges .étendues sur les cimes de l’Himalaya, quelles plantes y croissaient.
Mes gens baignés et reposés, j ’ordonnai donc de se remettre en marche; il me
parut qu’on obéissait avec plus de lenteur encore qu’à l’ordinaire. Cependant
j ’étais suivi de ceux dont j ’avais particulièrement besoin, et comptant sur les
autres, je montai vers le sommet de la vallée. Quand je me retournai, je me vis
seul. Ma petite troupe, qu’aucun traînard n’avait rejointe, s’était retirée sur
des rochers au soleil, et disait ne pouvoir aller plus haut. Ils parlèrent de
Jumnoutri. Je crus qu’ils alléguaient une objection superstitieuse. Je n’inïa.