
leurs à celle de Bhaul, est plus élevée. C’est là que je passai du territoire
de Patialah dans celui de Sirmour., Quelques chétives forteresses couronnent
la cime des dernières croupes de montagnes, de celles qui dominent immédiatement
les plaines. Les champs, qui n’ont quelque étendue que sur le
sommet assez uni de quelques-unes des montagnes, et qui descendent sur
leurs pentes en gradins étroits, sont partout ensemencés. L’herbe du blé
ne fait que poindre hors de la terre. Il neige peu sur ces montagnes situées
au sud du Tchour, et la neige n’y tient que 2 ou 3 jours.
Le 9 novembre, je vins à Bunnetti, bungalow situé à mi-côte sur les pentes
d’une montagne à peine élevée de i , 5oom, et qui domine considérablement
celles qui la séparent des plaines. Les rüines d’un petit temple hindou se
voient près du bungalow, ombragées par un groupe de Mangos. On aperçoit
Nahan sur la croupe d’une des montagnes méridionales voisines, et Djaïtok,
à l’Est, sur une cime plus élevée. Un accident qui aurait pu m’etre fatal
m’arriva dans cette marche. Je montáis à cheval un sentier rapide, très-
dégradé parles dernières pluies.; mon cheval marchait sur le bord du chemin,
au-dessus de pentes excessivement inclinées. Tout à coup le terrain manqua
sous ses pieds de derrière, et après un violent effort pour se retenir au chemin
, il tomba à la renverse du côté du précipice. J’eus le bonheur de me
dégager assez lestement pour ne pas être écrasé sous lu i , et le plus grand bonheur
de trouver un arbre pour arrêter ma chute ; c’était un Euphorbe
sourou. Je restai perché sur son branchage, et comme tout devait être singulier
dans cet accident, je ne fus nullement déchiré par les épines de cette plante redoutable;
mes gens furent prompts à me secourir; ils formèrent une chaîne
pour me tendre la main et m’aider à regagner le chemin. Je n’avais reçu qu une
légère contusion à la tête. Je croyais le cheval tué, mais il avait été, comme
moi , arrêté dans sa chute par de hautes broussailles. Le palefrenier montagnard
se glissa avec adresse le long des pentes herbeuses, dégagea le pauvre
animal et le ramena sur le chemin à quelque distance de là. Quoiquil eût
été culbuté plusieurs fois avant de rencontrer les buissons qui le retinrent,
il en fut quitte, comme moi, pour la surprise.
Je connais une sensation plus désagréable que celle-là : celle que j’éprouvai
dans la nuit du 2 au 3 mai 1829, à l’ancre dans les bouches du Gange;
sur la seule ancre qui nous restât; dans une obscurité profonde; par un
vent furieux qui soufflait par rafales contre le courant rapide de la marée
montante; sans confiance dans la solidité du câble, ni dans l’habileté du pilote
pour échouer le navire, si ce devait être là notre dernière ressource.
Je rencontrai, avant d’arriver à Bunnetti, plusieurs domestiques du Rajah
de Nahan, qu’il avait envoyés au-devant de moi pour m’offrir ses salutations
et veiller à ce que je ne manquasse de rien sur la route. Cette attention
et toutes les autres qu’il me montra ensuite étaient la conséquence du
double avis qu’il avait reçu de mon voyage, par le capitaine William Murray
et M. Maceausland. Je lui envoyai aussitôt par un de ses gens, avec force
salutations verbales, une lettre de M. Murray, qui devait me servir plus
particulièrement de recommandation.
Le 10 novembre, à l’aube du jour, je me remis en marche. Le chemin
très-sinueux descend d abord rapidement, traverse le ruisseau, très-faible en
cette saison, au fond de la vallée qui sépare la montagne de Bunnetti
de celle de Nahan. Ces fonds sont agréablement boisés ; quelques hameaux
y sont dispersés, entourés de forêts de Mangos. Le Bananier décore leurs
jardins. On dirait que cette superbe plante est indigène du Dhoun. Je
l’ai vue croître en abondance dans quelques ravines humides des basses
montagnes qui séparent la vallée de Pinjor de celle du Gumba. Je l’ai
observée dans des lieux semblables autour de Dehra, e t, malgré l’élévation
du niveau, entre Soubhatou et Bunnetti. Cependant les’Bananiers sauvages
ne portent pas de fruits, et les semences avortent dans ceux des variétés
que Ion cultive. Il faut donc quelles aient été plantées et cultivées autrefois
là où elles paraissent sauvages aujourd’hui. J’avais fait la même observation
et la même remarque à Haïti.
C’est dans ce cadre pittoresque que j ’aperçus le Rajah de Nahan et sa
petite cour. Il avait fait 3 milles ( § 1.) environ pour venir à ma rencontre.
Je descendis vivement de cheval, en le voyant déjà descendu de son
éléphant s avancer vers moi; une double haie de serviteurs le précédait,
qui portaient, les uns des masses d’argent, les autres des hallebardes; le
prince marchait entre son vizir et un vieux brahmane, suivi de ses autres
officiers, de plusieurs éléphants et d’une troupe de cavaliers. C’est un jeune
homme de 22 à 24 ans, d’une figure assez régulière et très-agréable, sans
être belle. Il était vêtu avec simplicité et avec grâce : dés pantalons de
mousseline blanche fort belle ; une sorte de tunique de la même étoffe
par-dessus, avec .des manches étroites; un grand châle de cachemir rouge
élégamment jeté sur ses épaules; un turban de mousseline amaranthe, orné
d un bouquet de pierreries au-dessus du front. Il portait au côté un sabre
dont la garde était d’or curieusement ciselé, et tenait à la main un arc de
parade. Nous nous saluâmes de part et d’autre selon la coutume orientale.
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