
rieur, et au sommet duquel flotte au vent une queue de Yak. Les temples
sont les mieux pourvus de cet appareil, indépendamment des drapeaux qui
pendent de leurs angles. Ils sont nombreux. A l’exception d’un principal,
disposé pour une forme nouvelle de culte , ils ont tous à l’entour, et à hauteur
d’appui, des cylindres creux en bois, semblables à des petits barils à poudre,
dressés verticalement sur une tringle de fer, comme sur un axe. Un large
auvent couvre les dévots qui s’amusent à les faire tourner, ce qui est considéré
comme un acte pieux. Dans l’intérieur du temple, que je n’ai pas
v u , est une de ces machines rotatoires beaucoup plus grande, couverte de
soie et d’inscriptions, qui sont toutes, comme celles gravées sur les dalles
autour des villages et sur les bords des chemins, la répétition de l’invocation
: Oum mani padmei oum ; c’est le Pater, le Credo et le Confiteor des
Lamas. Us répètent des milliers de fois par jour cette courte sentence, comptant
avec les grains du chapelet qu’ils tiennent à la main? combien de fois ils
l’ont dite. Ils ne la comprennent certainement pas. A Kanum, où elle est également
le texte exclusif de la prière des Lamas, M. Csoma me l’a expliquée :
elle est thibétaine. Oum, est une interjection ; mani, signifie : femme, pierre
précieuse; padmei, nénuphar ou lis des étangs; oumy à la fin, est la même
interjection que devant.
De quelque façon que l’on retourne ces quatre mots, il est évidemment
impossible de leur trouver un sens quelconque. M. Csoma n’a pu m’apprendre
si les plus habiles d’entre les Lamas y en attachaient un.
Je suppose cette éjaculation mystique traduite du sanscrit, parce que je ne
crois pas qu’il y ait de nénuphar dans le lac Mansarower, ni dans aucun des
lacs du Thibet ; tandis qu’au contraire, ces plantes sont communes dans tous
les bassins de l'Inde, où la beauté de leurs fleurs les a rendues célèbres.
Soungnum doit à la réverbération des hautes montagnes qui l’entourent
un été assez chaud pour mûrir parfaitement les raisins. L ’Abricotier est
très-commun. Ses fruits sont, comme dans tous les autres villages, très-
petits et peu savoureux; les plus doux restent toujours acides : cependant ils
semblent très-mûrs. La pratique de la greffe pour les améliorer est entièrement
inconnue. On les recueille maintenant en quantité immense : exposés au soleil
sur les toits des maisons, ils sèchent pour l’hiver, où ils forment une partie
notable de la nourriture des habitants. De leurs amandes, on extrait une
huile qui brûle avec une flamme brillante et qui sert à l’éclairage.
I l y a ic i , comme à Kanum, un très-vieux et très-grand arbre de cette
espèce de Genévrier arborescent qui croît vers 3500“ dans les montagnes.
Ses rameaux servent à décorer les temples. Il est fort vénéré. Un des frères
Gérard a fait bâtir, sous son ombrage lége r, un Bungalow, dont je profite,
comme les autrès voyageurs européens, pour me loger.
Soungnum a son visir, Pl. LIY, comme Kanum’ c’est-à-dire, son seigneur
héréditaire. Il s’appelle Mostranme. Quoique je fusse arrivé ici presque de nuit ,*
il vint, comme Busonntranme à Kanum, me faire le soir même son salam.
L’usage indien du Nazzer prévaut dans tout le Kanawer. AuCun de ces gens
ne m’aborde pour la première fois sans apporter son petit présent : c’est
invariablement un large bassin de raisins secs.
Un des habitants du village a étendu jusqu’à Delhi, Lahor et Cachemir
ses petites opérations commerciales : il s’appelle Pattiranme. Il vint me voir
avec le visir quand j ’arrivai, car il devait partir le lendemain pour la
Tartarie chinoise. Il a en Kanawer une plus grande renommée que
M. Laffitte à Paris. C’est un vieillard robuste, dont lés traits grossiers
annoncent cependant beaucoup de finesse. Vêtu comme les autres paysans,
le seul signe de sa supériorité est dans les boucles d’or qu’il porte aux
oreilles et les anneaux d’argent aux doigts. Le visir porte de semblablès bijoux.
Ces bagues sont ornées de grosses turquoises, la pierre favorite des
Qrientaux.
Dans une excursion que je fis à la vallée du Rouskalang, j ’eus occasion de
voir le visir Mostranme dans son manoir, à 1 mille ( 11.) du village. Sa maison
diffère à peine de celle des autres montagnards; mais ses dépendances sont
plus nombreuses. De pauvres gens avec leurs familles vivent aux environs, sans
travailler plus que lu i, et y trouvent leur subsistance. Parmi eux voyant
deux Lamas, je demandai à Mostranme s’il faisait célébrer ce jour-là quelque
fête religieuse. «Du tout, répondit-il d’un air insouciant, ce sont de pauvres
gens; ils restent ici parce qu’ils y trouvent leur pain.»
Soungnum est, sur cette rive du Setludje, la limite de la culture de la
vigne. C’est proprement aussi la limite naturelle du Kanawer. Au delà du col
de Hàngarang, on entre dans les eaux du Spiti, la branche septentrionale du
Setludje qui coule du nord, du Ladak, et dont la vallée tout entière appartient
naturellement à cette circonscription politique.
Mon projet était de marcher d’ici dans cette direction, remettant à mon
retour de Dunker mon voyage à Békoeur, où se trouvent aussi des roches
remplies de débris organiques ; mais le visir me" parla tellement du froid que
j ’aurais à souffrir en septembre au Col de Kioubrong, que je résolus de commencer
par là.