
elle est plus lente. Ils sont beaucoup plus colorés, plus barbus, et paraissent
plus misérables, quoiqu'ils cultivent plus de terre. Je descendis le 27
à Kh ôti, ce village dont j'étais allé voir la fête pendant mon séjour à-Tchmi.
Il a une superstition qui lui est propre : c est le culte de quelques poissons
péchés dans le Setludje et mis dans un bassin voisin de ses temples. Ce
bassin est parfaitement bâti en pierre, avec des degrés qui conduisent au
fond, comme pour s’y baigner, ce que la température de l’eau, qui passe sans
cesse' au travers, rendrait une pénitence fort dure pour d’autres même que
des Kanaoris. Les temples sont plus grands que dans les villages d alentour,
et ce lieu était jadis, sans doute, la demeure de quelque chef montagnard. Mes
questions à cet égard n’ont abouti qu’à me prouver que les traditions historiques
d’un chacun ne remontaient que très-confusément à la vie de son pere.
Je remarquai à Khôti et à Khongui le contraste de la laideur des hommes
avec la régularité des traits, j ’allais dire avec la beauté des femmes. Si le nez.
n’avait pas une très-légère courbure, ce seraient des figures grecques. Leurs
formes sont, je crois, moins avantageuses que leurs traits, gâtées prématurément
par les travaux les plus pénibles. Leur saleté est horrible. Leurs vêtements
en sont roidis, et on ne peut en distinguer la couleur.
Ic i, les villageois s’alarmèrent, en croyant comprendre que je désirais
entrer dans leur temple. Si je l’eusse voulu, ils n’eussent pas osé me le refuser
; mais leur objection était qu’ils devaient tous tomber malades et
mourir des suites de ma visite à leur dieu. Voilà de l'hindouisme. De vrais
Kanaoris, comme les gens de Pangui encore, m’auraient offert de faire
danser leur idole devant moi, et auraient ri les premiers de ma critique
antireligieuse.
Le 28 septembre i 83o. — De Khôti a Pouari. — A un mille Jilpj. de distance
et à 200” de hauteur verticale au-dessous de K h ô t i, se trouve le village
de Khongui, élevé semblablement au-dessus du Setludje. I l ressemble à tous
égards à Khôti et aux autres hameaux situés sur la pente des montagnes
au-dessous de Tehini. Son territoire se compose pareillement de divers gradins
marécageux, supportés les uns au-dessus des autres par des bancs de
rochers arides. C’est dans ce canton que j ’ai vu pour la première fois cultivée,
une espèce singulière de Phaseolus ( Phaseolus hedysaroïdes K 'S) et de Pam-
cum (Panicum [B. 2097]) dont l'épi est digité comme celui des Eleusines.
Cette dernière plante est cultivée d e p u i s l e B e n g a l jusqu en Sirmour au
rapport de mes gens, qui, chacun, la reconnaissent et l’appellent par le nom
qu’elle porte en son pays. Il y a aussi quelque peu de Panicum italicum, peu
de Sarrasin et plus de PolygoniMi tataricum. L u n et 1 autre appartiennent
à la culture de la région élevée du Kanawer.
l)e petits vignobles occupent les parties les plus chaudes et les plus
sèches.
Pouari, sur la rive gauche du Setludje, est situé presqu en face de ces
villages. Us communiquaient jadis par un sanga, qui a fini il y a longtemps
de mort naturelle, et dont il reste encore les chaussées. Maintenant il n’y a
plus d’autre mode de communication qu’un djhoula tendu temporairement
pour le passage des voyageurs. C’étaient les délais de sa construction qui
m’avaient arrêté i jours à Pangui. L ’officier du Rajah, envoyé en avant,
avait requis dans chaque village un certain nombre de cordes. Pouari avait
été aussi mis en réquisition, et je trouvai l’ouvrage terminé quand je descendis
au bord de la rivière.
Le Setludje ici a une quarantaine de mètres de largeur; un courant, relativement
à sa vitesse commune, très-lent; une profondeur très-considérable.
Près dii bord, qui descend en talus sur la rive droite, je trouvai celle-ci de
4 mètres; mais quelque faible que parût le courant, il était déjà difficile de
sonder à cette profondeur ; plus loin du bord, la lourde pierre que je laissai
tomber, était entraînée rapidement avant que d’atteindre le fond.
A i 5om au-dessous du djhoula, il y avait un rapide, où le meilleur nageur
eût été mis en pièces. Mais si la température de l’eau ne l’avait pas entièrement
paralysé, il aurait p u , je pense, gagner l’une ou l’autre des rives,
en supposant qu’il tombât au milieu de la rivière.
Heureusement le djhoula se trouva solide, et tous mes gens et tout mon bagage
passèrent sans aucun accident. Il était formé de 9 cordes de la grosseur
du petit doigt, tendues en un faisceau ; une pièce de bois arquée en ogive était
posée déssus comme une selle; chaque passager s’y attachait et était tiré sur
l’autre bord par une corde qui y amenait l’espèce de poulie a laquelle il était
suspendu. G’était le même appareil que sur le Roupine. La quantité des noeuds
qu’il rencontrait à chaque instant de sa course l’arrêtait à chaque moment, et
faisait éprouver au patient des secousses fort désagréables. Cette situation
critique durait pour chacun les trois quarts d’une minute.
Les cordes employées pour construire ce pont temporaire sont faites de
poil de chèvre, tordues ou tressées. Ce sont les mêmes qui servent à chaque
villageois pour attacher ses bestiaux, lier les fardeaux qu’il porte en voyage, etc.
Elles sont très-fortes.