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Que fi quelques peuples n’ont point rejette les ma* I
riages entre les peres & les enfans, les foeurs & les
freres, c’eft que les êtres intelligens ne fuivent pas
toujours leurs lois. Qui le dirôit ! Des idées religieu-
fes ont fouvent fait tomber les hommes dans ces éga-
remens. Si les Affyriens, fi les Perles ont époufé
leurs meres, les premiers l’ont fait par un relpeét religieux
pour Sémiramis ; & les féconds , parce que
la religion de Zoroaftre donnoit la préférence à ces
mariages. Si lés Egyptiens ont épouié leurs foeurs, ce
fut encore un délire de la religion égyptienne qui
confacra ces mariages en l’honneur d’ilis. Comme
l’efprit de la religion eft de nous porter à faire avec
effort des chofes grandes & difficiles, il ne faut pas
juger qu’une chofe foit naturelle parce qu’une religion
fauffe l’a confacrée. Le principe que les mariages
entre les peres & les enfans, les freres & les
foeurs, font défendus pour la confervation de la pudeur
naturelle daps la maifon, doit fervir à nous faire
découvrir quels font les mariages défendus par la loi
naturelle , &c ceux qui ne peuvent l’être que par la
loi civile.
Les lois civiles défendent les mariages lorsque,
par les ufages reçus dans un certain pays, ils fe
trouvent être dans les mêmes circonftances que ceux
qui font défendus par les lois de la nature'; & elles
les permettent lorfque les mariages ne fe trouvent
point dans ce cas. La défenfe des lois de la nature eft
invariable, parce qu’elle dépend d’une chofe invariable
; le pere , la mere & les enfans habitant né*
ceffairement dans la maifon. Mais les défenfes des
lois civiles font accidentelles ; les coufins-germains
& autres habitant accidentellement dans la maifon.
On demande enfin quelle doit être la durée de la
fociété conjugale félon le droit naturel, indépendamment
des lois civiles : je réponds que la nature
même & le but de cette fociété nous apprennent
qu’elle doit durer très-long-tems. La fin de la fociété
entre le mâle & la femelle n’étant pas fimplement de
procréer , mais de continuer l’elpece , cette fociété
doit durer du-moins même, après la procréation,
auffi long-tems qu’il eft néceflaire pour la nourriture
& la confervation des procréés, c’eft-à-dire, jufqu’à
ce qu’ils foient capables de pourvoir eux-mêmes à
leurs'befoins. En cela, confifte la principale & peut-
être la feule raifon, pour laquelle le mâle & la femelle
humains font obligés à une fociété plus longue
que ^’entretiennent les autres animaux. Cette
raifon eft que la femme eft capable de concevoir, &
fe trouve d’ordinaire groffed’un nouvel enfant long-
tems avant que le précédent foit en état de pourvoir
lui-même à fes befoins. Ainfi le mari doit demeurer
avec fa femme jufqu’à ce que leurs enfans foient
grands & en âge de fubfifter par eux-mêmes , ou
avec les biens qu’ils leur laiffent. On voit que par un
effet admirable de la fageffe du Créateur , cette réglé
eft conftamment oblervée par les animaux mêmes
deftitués de raifon.
Mais quoique les befoins des enfans demandent
que l’union conjugale de la femme & du mari dure
encore plus long-tems que celles des autres animaux,
il n’y a rien , ce me femble , dans la nature & dans
le but de cette union, qui demande que le mari & la
femme foient obligés de demeurer enfemble toute
leur v ie , après avoir élevé leurs enfans & leur avoir
laiffé de quoi s’entretenir. Il n’y a rien , dis-je , qui
empêche alors qu’on n’ait à l’égard du mariage la même
liberté qu’on a en matière de toute forte de fociété
& de convention : de forte que moyennant qu’on
pourvoie d’une maniéré ou d’autre à cette éducation,
on peut régler d’un commun accord , comme
on le juge à propos, la durée de l’union conjugale,
foit dans l ’indépendance de l’état de nature, ou lorfque
les lois civiles fous lefquelles on vit n’ont rien
déterminé là-deffus. Si de là il naît quelquefois des
inconvéniens, on pourroit y en oppofer d’autres
auffi confidérables , qui réfultent de la trop longue
durée ou de la perpétuité de cette fociété. Et après
tout, fuppolê que les premiers fuffent plus grands,
cela prouveroit feulement que la chofe feroit fujette
à l’abus , comme la polygamie , & qu’ainfi, quoiqu’elle
ne fût pas mauvaife abfolument & de fa nature,
on devroit s’y conduire avec précaution.(Z?./.)
Mariage , matrimonium, conjugium, connubium,
nuptice , confortium, ( Jurifprud:) confidéré en général
, eft un contrat civil & politique , par lequel un
homme eft uni & joint à une femme, avec intention
de refter toujours unis enfemble.
Le principal objet de cette fociété eft la procréation
des enfans.
Le mariage eft d’inftitution divine , auffi eft-il du
droit des gens & en ufage chez tous les peuples ,
mais il s’y pratique différemment.
Parmi les Chrétiens, le mariage eft un contrat civil
, revêtu de la dignité du facrement de mariage.
Suivant l’inftitution du mariage, l’homme ne doit
avoir qu’une feule femme , & la femme ne peut
avoir qu’un feul mari, il eft dit dans la Gènefe que
l’homme quittera fon pere ôc fa mere pour refter
avec fa femme , & que tous deux ne feront qu’une
même chair.
Lamech fut le premier qui prit plufieurs femmes ;
& cette contravention à la loi du mariage déplut tellement
à D ieu , qu’il prononça contre Lamech une
peine plus févere que celle qu’il avoit infligée pour
l’homicide ; car il déclara que la vengeance du crime
de Lamech feroit pourfuivie pendant foixante-dix-
fept générations, au lieu que par rapport à Caïn il dit
feulement que celui qui le tueroit,feroit punifept fois.
Le droit civil défend la pluralité, des femmes &c
des maris. Cependant Jules Céfar avoit projette
une loi pour permettre la pluralité des femmes ,
mais elle ne fut pas publiée ; l’objet de cette loi étoit
de multiplier la procréation des enfans. Valentinien
I. voulant époufer une fécondé femme outre
celle qu’il avoit déjà, fit une lo i, portant qu’il feroit
permis à chacun d’avoir deux femmes , mais cette
loi ne fut pas obfervée.
Les empereurs romains ne furent pas les feuls qui
défendirent la polygamie. Athalaric , roi des Goths
& des Romains , nt la même défenfe. Jean Métropolitain
, que les Mofcovites honorent comme un
prophète , fit un canon, portant que fi un homme
marié quittoit fa femme pour en époufer une autre ,
ou que la femme changeât de même de mari, ils fe-
roiént excommuniés jufqu’à ce qu’ils revinffent à
leur premier engagement.
Gontran, roi d’Orléans, fut excommunié, pajxe
qu’il avoit deux femmes.
La pluralité des femmes fut permife chez les Athéniens,
les Parthes, lcsThraces, les Egyptiens, les
Perfes ; elle eft encore d’ufage chez les Payens, &
particulièrement chez les Orientaux : ce grand nombre
de femmes qu’ils on t, diminue la confidération
qu’ils ont pour elles, & fait qu’ils les regardent plutôt
comme des efclaves que comme des compagnes.
Mais il n’y a jamais eu que des peuples barbares
qui ayent admis la communauté des femmes, ou
bien certains hérétiques, tels que les Nicolaïtes ,
les Gnoftiques & les Epiphaniftes, les Anabaptiftes.
En Arabie, plufieurs d’une même famille n’avoient
qu’une femme pour eux tous.
En Lithuanie, les femmes nobles avoient outre
leurs maris plufieurs concubins.
Sur la côte de Malabar, les femmes des naires ,
qui font les nobles , peuvent avoir plufieurs maris ,
quoique ceux-ci ne puiffent avoir qu*une femme.
Dans certains pays 9 le prince ou le feigneur du
lieu avoit droit de Coucher avec la nouvelle ihàriée
la première nuit de fes noces. Gettè coût Urne barbare
qui avoit lieu en Ecoffe -, y fut abolie par Mal-
come , & convertie en une rétribution pécuniaire.
En France , quelques feigneurs s’étoiènt àfrOgé des
droits fèmblables -, ce que la pureté dè nos mdeurs
n’a pu fouffrir.
Comme il n’y a rien de fi naturel qüe Ië Mariage i
& fi néceffaire pour le fOutién des états -, on doit
toujours favorifer ces fortes d’établifleméns.
L éloignement que la plûpart des hommes avoient
pour le mariage , loit par amour pour leur liberté ,
foit par la crainte des fuites que cet engagement entraîne
après foi, obligea dans certains tems de faire
des lois contre le célibat. Voye^ Célibàî;
En France , les nouveaux mariés font exemts de
la colle&e du fel pendant un an.
Quoique le mariage confifte dans l’ùniôn des corps
& des efprits , le contentement des contra&ans en
fait la bâte & l’effence , tellement que le mariage
eft valablement Contra&é > quoiqu’il n’ait point été
confommé , pourvu qu’au temps de la célébration
l’un ou l’autre des conjoints ne fût pas impuiffant.
Pour la Validité du mariage, il né faut en général
d’autre contentement que celui des deux cohtrac-
tans, à moins qu’ils ne foienten la puiffance d’autrui.
Ainfi les princes & princeffes dit fang ne peuvent
fe marier fans le contentement du roi
Dans le royaume de Naples, les officiers ne peuvent
pareillement fe marier fans la permiffion du
roi ; il eft défendu aux évêques de fouffrir qu’il te
faffe de pareils mariages dans leur diocefe. Autrefois
, en France, le gentilhomme qui n’avoit que des
filles perdoit fa terre s’il les marioit fans le conien-
tément de fort feigneur ; & la mere en ayant la garde
qui les marioit fans ce même contentement j perdoit
fes meubles. L’héritierë d’un fief, après la mort de
fon pere, ne pouvoit pas non plus être mariée fan$
le contentement de fon feigneur : cet ufage fubfîfioit
encore du tems de faint Louis, fui vaut les établiffe-
mens ou ordonnances qu’il fit.
Les enfans mineurs ne peuvent fe marier fans le
Contentement de leurs pere &c iiiete.
Suivant le droit romain , obfervé dans tous les
parlemens de droit écrit, le mariage n’émancipe pas ;
tuais dans toutes les coutumes & dans les pays de
droit écrit du .feffort du parlement de Paris, le tnd
tiage opéré urte émancipation tacite.
Ceux qui n’ont plus leurs pere & mere & qui font
encore mineurs , rte peuvent fe marier fans avis de
parens; le contentement de leur tuteur ou curateur,
ne fuffit pas pour autoriter le matiagti
Pour la validité du mariage J il faut un contentement
libre , c’eft pourquoi le mariage ne peut fubfifter
entre le raviffeur & là perfonne ravie.
On regarde comme urt devoir de la part du pere
de marier fes filles, & de les doter félon fes moyens ;
les filles ne peuvent cependant contraindre leur pere
à le faire.
Le mariage parmi nous eft quelquefois précédé
de promeffes de mariage , &c ordinairement if l’eft
par des fiançailles.
Les promeffes de mariage fe font ou par des articles
& contrats devant un notaire, ou par dès promeffes
fous feing privé.
Ces promeffes pour être valables, doivent être
accompagnées de plufieurs cirConftances.
La première, qu’elles foient faites entre pèrfôn-
nes ayant Fâgê de; puberté , ôi qüi foient capables
de fe marier enfemble.
La fécondé, qu’elles foient par écrit, foit fous
feing. privé ou devant notaitt.V d r i. vij. de Corddft- \
\hance de i G jÿ défend à tous juges, mêitte d’Eglife, ;
'-d’en recevoir la preuve par témoins.
Tome X ,
Là froifiemë, qu’elles foient réciproques & faîtes
doubles entre les parties contrariantes , quand il n’y
en a point de minute. - ' 1
La quatrième, qu’elles foient arrêtées en préfence
de quatre parens de l’une & l’autre des parties, quoiqu’elles
foient de baffe condition ; c’eft la difpofition
de l'art. vij. de L'ordonnance de r&yc) , ce qui ne s’ob-
ferve néanmoins que pouf les mariages de mineurs.
Quand une des parties contrevient aux promeffes
de mariage, l’autre la peut faire appeller devant le
juge d Eglife pour être condamnée à les entretenir.
Le chapitre Litteris veut que l’on puiffe contraint
dre par cenfures eccléfiàftiques d’accomplir les promeffes
de mariage \ c’eft une décifion de rigueur ôc
de féverité, fondée fur le parjure qu’encourent ceux
qui contreviennent à leur foi & à leur ferment ; &
pour obvier à ce parjure, on penfoit autrefois que
c’étoit un moindre mal de contraindre au mariage ;
mais depuis les chofes plus mûrement examinées ,
I on a trouve que ce n’eft point un parjure de réfi-
lier des promeffes de mariage , on préfume qu’il y a
quelque caufe légitime qu’on ne veut pas déclarer,
& quand il n y auroit que le feul changement dé
volonté , il doit êtrefuffifant, puifque la volonté
doit être moins forcée au mariage qu’en aucune autre
aétion ; c’eft pour ce fujet qu’ont été faites les deefé-
iales prtàierèa & requifivit, par lefquelles la liberté
eft laiffée toute entière poür contracter mariage, quelques
promeffes que l’on puiffe alléguer.
Autrefois, dans quelques patlemens ,on cohdam-
iïqit celui qui avoit ravi une perfonne mineure â
l’époufer * finon à être pendu ; mais cette jurifprü-
detice dont on a reconnu les inconvéniens, eft pré-
fentement changée, on ne condamne plus à épôuferi
Il eft vrai qu’en condamnant une partie en des
dommages & intérêts pour l’inexécution des promeffes
de mariage > on met quelquefois cette alternative^
mieux n aime Cépoufer, mais Cette alternative
laiffe là liberté toute entière de faire ou ne paS
faire le mariage.
Les peines appofées dans les promeffes de mariagb
font nulles , parce qu’elles ôtent la liberté qüi doit
toujours accompagner les Mariages , on accordé
néanmoins quelquefois des dommages & intérêts
félon les circonftances ; mais fi l’on àvoit ftipulé
une femme trop forte, elle feroit redüôible, parce
que ce feroit un moyen pour obliger d’aCcômpIir le
mariage , foit par l’impoffibillté de payer le dédit
foit par là crainte d’être ruiné en le payant.
Les fiançailles font les prômeffes d'uh mariage futur
qui fe font en face d’Eglife ; elles font de bien-
féance & d’u fage, mais non pas de néceffité ; elléS
peuvent fe co n fra te par toutes fortes'de perfon-
nes, âgées du moins de fept ans, du contentement dé
ceux qui les ont en leur puiffàncé. Voy. Fi anÇMlles .
Le contrat civil du mariage eft la matière, Ia‘ bafe,
le fondement & la caufe du facrement de mariage ,
C’éft pourquoi il doit êtrè parfait ért fol poür être
élevé à la dignité de façremertt ; car Dreu n’a pai
voulu fart&'ifiet toute c'ôfijoïSâïo'n , mais feulement
celles qui te font fuiVanf IèS lois reçUeS darts là fô*•
ciété civîfe, de fnàdi'eré que quand le Contrat civil
eft nul par le défaut cfe confertfement légitime , lé
facrement n’y peut être attaché.
Le contrat ne produit jàrttais d’effets civils lorf-
qu’il n’y a point de facrement : if arrivé même quelquefois
qüe fe contrat ne produit point d’effets ci-
vifs , quoique le fâcremetit fôû parfait '; favoîr ,
lôrfqué lé contrat n’eft pas nul; pat lé défaut dè
cOnfémément légitime,’mais par le défaut dequef-
que formalité requife par les lois civiles, qui n’eft
pas dei’éffence du mariage, fui Vaut les lorsde l’Eglife.
Toute perfonne qui à atteint Page de puberté ,
peut fe marier;
O ÿ