Quoùefcumque ( combien de fois ) eft un adverbe
con jon ftif ; comme adverbe , c’eft le complément
circonftanciel de tems du verbe faciès ; comme con-
jo n & if , il fert à joindre à l’antécédenttoties la propofition
incidente déterminative gradum faciès.
Gradum ( un pas ) eft à Taccufatif fingulier de gra-
■ dus,us, npm. mafculin de la quatrième déclinaifon ;
gradum eft à Taccufatif, parce qu’il eft le complément
obje£tifdu verbe jfacie*; & par conféquent il doit être
a p r è s d a n s la conftruûion analytique.
Faciès ( tu feras ) eft à la fécondé perfonne du fingulier
du préfent poftérieur, voyt{ Pr é s e n t , de l’ind
ica tif a£tif du verbe facere ( faire ) cio," cis , fic^
faU um , verbe re la t if, aétif & irrégulier, d e là troi^
fieme conjugaifon : faciès èft à la fécondé perfonne
du fingulier , pour s’accorder en perfonne 6c en
nombre av e c fon in jet naturel mi Spuri. 4 ■
Quoùefcumque fades gradum ( combien de fois tu
feras un pas ) eft la totalité de la propofition incidente
déterminative de l ’antécédent toties ; & par
conféquent l’ordre analytique lui afligne fa place
après toties. t
Toties ( autant de fo is ) eft un ad v erb e , complément
circonftanciel de tems du verbe veniat.
Toties quoùefcumque fades gradum ( autant de fois
combien de fois tu feras un pas ) eft la totalité du
complément circonftanciel de tems du verbe veniat ;
& doit par conféquent venir après veniat dans la
conftru&ion analytique.
Tibi ( à t o i ) eft au datif fmgulier m afculinde tu,
pronom de la fécondé perfonne : tibi eft au datif,
parce qu’il eft le complément relatif du verbe veniat-,
après lequel il doit donc être placé dans la conftruc-
tion analytique : tibi eft au fmgulier mafculin pour
s’accorder en nombre 6c en genre a v e c fon co-relatif
Spurius. Voyeq_ PRONOM.
Tuarum ( tiennes ) eft au g én itif pluriel féminin de
tuus, a, um, adj. de la première déclinaifon , pour
s’accorder en g en re , en nombre & en cas avec le
nom virtutum, auquel il a un rapport d’identité, &C
qu’il doit fuivre dans la conftruéHon analytique.
Virtutum ( des vaillances ) eft au génitif pluriel de
virtus , tutis, nom féminin de la troifieme déclinaifon
, employé ic i par une métonymie de la caufe
pour l’e ffe t, de même que le mot françois vaillance
pour action vaillante : virtutum eft au g én itif, parce
qu ’il eft le complément déterminatifgrammaticaldu
nom appellatif fous-entendu recordatio. V?yeç G én
it if .
Virtutum tuarum ( des vaillances tiennes ) eft le
complément déterminatif logique du nom appellat
i f fous-entendu recordatio , 6c doit par conféquent
fuivre recordatio dans l’ordre analytique.
Il y a donc de fous-entendu recordatio ( le fouve-
nir ) , qui eft le nominatif fmgulier de recordatio ,
onis, nom féminin de la troifieme déclinaifon : re-
cordatio eft au nominatif , parce qu’il eft le fujet
grammatical du v erbe veniat.
Recordatio virtutum tuarum ( le fouvenir des v a illances
tiennes ) eft le fujet logique du verbe veniat,
& doit conféquemment précéder ce verbe dans la
conftruâion analytique.
Veniat ( vienne ) eft à la troifieme perfonne du
fingulier du préfent indéfini du fubjonétif du verbe
ventre ( venir ) io , i s , i , tum , verbe ab fo lu , a d i f ,
de la quatrième conjugaifon : veniat eft à la troifieme
perfonne du fingulier -, pour s’accorder en nombre
6c en perfonne a v e c fon fujet grammatical fous-entendu
recordatio : veniat eft au fubjon&if, à caufe de
la conjondion «rqui doit être fuivie du fubjondif
quand elle lie une propofition qui énonce une fin à
laquelle on tend.
In ( dans ) eft une prépofition dont le complément
doit être à T a c cu fa tif, quand elle exprime
un rapport de tendance vers un terme > foit phyfi-
que , foit moral ; au lieu que le complément doit
être à l’ablatif, quand cette prépofition exprime un
rapport d’adhéfion à ce terme pnyfique ou moral.
Mentem ( l’efprit ) eft à l’accufatif fingulier de
mens, tis, nom féminin de la troifieme déclinaifon :
mentem eft à l’accufatif, parce qu’il eft le complément
de la prépofition in.
In mentem ( dans l ’efprit ) eft la totalité du complément
circonftanciel de terme du verbe veniat,
qui doit par conféquent précéder in mentem dans
l’ordre analytique.
Voilà donc trois complémens du verbe veniat : le
complément circonftanciel de tqms , toties quotief-
cumque fades gradum ; le complément relatif tibi, 6c
le complément circonftanciel de terme , in mentem :
tous trois doivent être après veniat dans la conftruC-
tion analytique ; mais dans quel ordre ? Le complément
relatif tibi doit être le premier, parce qu’il eft:
le plus court ; le complément circonftanciel de terme
in mentem doit être le fécond, parce qu’il eft encore
plus court que le complément circonftanciel de tems
toties quoùefcumque faciès gradum ; celui-ci doit être
le dernier, comme le plus long. La raifon de cet arrangement
eft que tout complément, dans l’ordre
analytique, doit être le plus près qu’il eft poflible du
mot qu’il complette : mais quand un même mot a
plufieurs complémens, vu qu’alors ils ne peuvent
pas tous êtreimmédiatement après le mot completté ;
on place les plus courts les premiers , afin que le
dernier en foit le moins éloigné qu’il eft poflible.
Ainfi, ut recordatio virtutum tuarum veniat tibi in
mentem toties quoùefcumque fades gradum ( que le fouvenir
des vaillances tiennes vienne à toi dans l’efprit
autant de fois combien de fois tu feras un p a s ) ,
c’eft la totalité de la prépofition incidente déterminative
de l’antécédent fous-entendu hune finem : elle
doit donc , dans l’ordre analytique , être à la fuite
de l’antécédent .hune finem.
Il y a donc de fous-entendu hune finem. Hunc(cç\xP)
eft à Taccufatiffingulier mafculin de hic, hoec , hoc ,
adje&if de la fécondé efpece de la troifieme déclinaifon.
Voyc^ Paradigme. Hune eft à l’accufatif
fingulier mafculin pour s’accorder en cas, en nombre
6c en genre avec le nom finem , auquel il a un
rapport d’identité. Finem (fin ) eft à l’accufatif fingulier
mafculin de finis., is , nom douteux de la troifieme
déclinaifon. V >yeç Genre , n. IV. Finem eft à
l’accufatif, parce qu’il eft le complément grammatical
de la prépofition fous-entenduem : finem eft aufli
l’antécédent grammatical de la propofition incidente
déterminative , ut recordatio tuarum virtutum veniat
tibi in mentem toties quoùefcumque fades gradum ; &
hune finem ( cette fin) en eft l’antécédent logique.
Hune finem ut recordatio virtutum tuarum veniat
tibi in mentem toties quoùefcumque fades gradum ( cette
fin que le fouvenir des vaillances tiennes vienne à toi
dans l ’efprit autant de fois combien de fois tu feras
un pas) ; c’eft le complément logique de la' prépofition
fous-entendue in, qui doit être après in par cette
raifon.
Il y a donc de fous-entendu in ( à ou pour ) , qui
eft une prépofition dont le complément eft ici à l’ac-
eufatif, parce qu’elle exprime un rapport de tendance
vers un terme moral.
In hune finem ut recordatio virtutum tuarumveniat
tibi in mentem toties quoùefcumque fades gradum ( à
cette fin qu e le fouvenir des vaillances tiennes vienne
à toi dans l’efprit autant de fois combien de fois tu
feras un pas ) ; c’eft la totalité du complément circonftanciel
de fin du verbe prodis ; donc l’ordre analytique
défit mettre ce complément après prodis.
Quin prodis , in hune finem ut recordatio virtutum
tuarum veniat tibi in mentem toties quoùefcumque
faciès gradum ( pourquoi tu ne vas pas publiquement,
à cette fin que lefouvenir des vaillances tiennes vienne
à toi dans l’efprit autant de fois combien de fois
tu feras un pas') ; c’eft la totalité de la propofition
incidente déterminative de l’antécédent fous-entendu
caufam , 6c doit conféquemment fuivre l’antécédent
caufam dans l’ordre analytique.
Il y a donc de fous-entendu caufam ( la caufe ) ,
qui eft à l’accufatif fingulier de caufa, ce , nom féminin
de la première déclinaifon ; caufam eft à l’accufatif,
parce qu’il eft le complément objeétif grammatical
du verbe interrogatif fous-entendu die.
Caufam quin prodis, in hune finem ut recordatio
virtutum tuarum veniat tibi in mentem toties quoùefcumque
fades gradum ( la caufe pourquoi tu ne vas pas
publiquement, à cette fin que le fouvenir des vaillances
tiennes vienne à toi dans l’efprit autant de fois
combien de-fois tu fieras un pas);e’eft le complément
obje&if logique du verbe interrogatif fous-entendu
die ; & doit par conféquent être après ce verbe
dans la conftru&ion analytique.
Il y a donc de fous-entendu die ( d is) qui çft à la
fécondé perfonne du fingulier du préfent poftérieur
de l’impératif aétif du verbe dicere (dire)cori cis, x i,
clum, verbe relatif, a6tif, de la troifieme conjugaifon;
die eft à la fécondé perfonne du fingulier
pour s’accorder en perfonne 6c en nombre aveefon
liijer grammatical Spuri : die eft à l’impératif, parce
que la mere de Spurius lui demande de dire la caufe
pourqifoi.il ne va pas en public, qu’elle l’interroge ;
& die eft le feul mot qui puiffe ici marquer l’interrogation
défignée par le point interrogatif, 6c par la
pofition de quin adverbe conjonâif à la tête de la
propofition écrite. Die, au lieu de dice, par une apocope
qui a tellement prévalu dans le latin, que dice
n’y eft plus ufité, ni dans le verbe fimple, ni dans
fes compofés.
Spuri, que l’on a déjà dit le fujet grammatical de la
fécondé perfonne, eft donc le fujet grammatical du
verbe fous-entendu die ; & par conféquent mi Spuri
( monSpurius ) en eft le fujet logique : donc miSpuri
doit précéder dedans Tordre analytique.
Voici donc enfin la conftruâion analytique &
pleine de toute la propofition : mi Spuri , die cau-
fam quin prodis , in hune finem ut recordatio virtutum
tuarum veniat tibi in mentem toties quoùefcumque
fades gradum.
En voici la tradu&ion littérale qu’il faut faire faire
à fon éleve mot-à-mot, en cette maniéré : mi Spuri
( mon Spurius ) , die ( dis ) caufam ( la caufe) quin
prodis { pourquôi tu ne vas pas publiquement ) , in
hune finem (à cette fin )ut( que ) recordatio, ( lefouve-
nir ) virtutum tuarum ( des vaillances tiennes ) veniat
( vienne )ùbi>( à toi) in.mentem ( dans l’efprit ) toties
( autant de fois )■ quoùefcumque ( combien de fois)
fades ( tu- feras ) gradum' ( un pas ) ?
En reprenant tout do fuite cette traduélion- littérale
, l’éleve dira : mon Spurius, dis la caufe pourquoi
tu ne vas pas■ publiquement, à cette fin que le
fouvenir des vaillances tiennes vienne à toi dans Vef-
prit autant de fois combien de fois tu feras un pas }
Pour faire pafl’er enfuite le commençant, de cette
traduction littérale à une tradu&ion raifonnable &
conforme au génie de notre langue , il faut l’y ^préparer
par quelques remarques. Par exemple , i° .
que nous imitons les Latins dans nos tours interrogatifs,
enfupprimant, comme eux , le verbe inter-,
rogatif 6c l’antécédent du mot conjonétif par lequel
nous débutons, voyeç Interrogatif ; qu’ici par
conféquent nous pouvons remplacer leur quin par
que rte, & qUe nous [e devons, tant pour liiivre le
genie de notre langue, que pour nous rapprocher
davantage de l’original, dont notre verfion doit être
une copie-fidelle : i ° , qu'aller publiquement nu te diç
point en françois , mais que nous devons dire pa-
roître , f e montrer en public : 30. que comme il feroit
indécent d’appeller nos enfans mon Jacques, mon
Pierre , mon Jofeph , il feroit indécent de traduire
mon Spurius ; que nous devons dire comme nous
dirions à nos enfans, mon fils, mon enfant, moucher
fils , mon cher enfant, ou du moins mon cher Spurius:
4°. qu’au lieu de à cette fin que , nous difions autrefois
à icelle fin que, à celle fin que ; mais qu’aujour-
d’hui nous difons afin que ; 50. que nous ne fomme9
plus dans l’ufage d’employer les adjeûifs mien, tien ,
(ien avec le nom auquel ils ont rapport, comme nous
faiûons autrefois, & comme font encore aujourd’hui
les Italiens, qui difent il mio libro, la mip cafa ( le
mien livre, la mienne maifon ) ; mais que nous employons
fans article les adje&ifs poffeflifs prépofitifs \
mon, ton, fo n , notre, votre , leur ; qu’ainfi au lieu
de dire , des vaillances tiennes, nous devons dire de
tes vaillances : 6°. que la métonymie de vaillances
pour actions courageufes, n’eft d’ufage que. dans le
langage populaire, & que fi nous voulons conferver
la métonymie de l’original, nous devons mettre le
mot au fingulier, 6c dire de ta vaillance, de ton courage
, de ta bravoure , comme a fait M. l’abbé d’Oli-
v e t , Penf. de Cic. chap. xij. pag.jSc) .j°..que quand
le fouvenir de quelque chofe nous vient dans l’efprit
par une caufe qui précédé notre attention , & qui
eft indépendante de notre choix, il nous en fouvient;
& que c’eft précifément le tour que nous devons
préférer comme plus court, & par-là plus énergique
; ce qui remplacera la valeur 6c la brièveté de
l’ellipfe latine.
De pareilles réflexions amèneront l’enfant à dire
comme de lui-même : que ne parois-tu, mon cher enfant
, afin qu'à chaque pas que tu feras, il te fouvienne
de ta 'bravoure ?
Cette méthode d’explication fuppofe, comme on
vo it, que le jeune éleve a déjà les notions dont on y
fait ufage ; qu’il connoît les différentes parties de
l ’oraifon , & celles de la propofition ; qu’il a des
principes fur les métaplafmes, fur les tropes, furies
figures de conftruftion, & à plus forte raifon fur les
réglés générales & communes de la fyntaxe. Cette
? provifion va paroître immenfe à ceux qui font pai-
fiblement accoutumés à voir les enfans faire du latin
fans l’avoir appris ; à ceux qui voulant recueillir
fans avoir femé , n’approuvent que les procédés
qui -ont des apparences éclatantes , même aux dépens
de la folidité des progrès. ; & à ceux enfin qui
avec les intentions les plus droites &c les talens les
plus décidés, font encore arrêtés par un préjugé qui
n’eft que trop répandu, favoir que les enfans ne font
point en état de raifonner, qu’ils n’dnt que de lamé-
moire , 6c qu’on ne doit faire fonds que fur cette faculté
à leur égard.
Je réponds aux premiers^-1®. que la multitude
prodigieufe des réglés & d’exceptions de toute efpece
qu’il faut mettre dans la tête de ceux que l’on
introduit au latin par la compofition dés thèmes,
furpaffe de beaucoup la provifion de principes rai-
fonnables qu’exige la méekode analytique. i° . Que
leurs rudimens font beaucoup plus difficiles à apprendre
6c à retenir, que lesJivres élémentaires né--
ceffaires à çette méthode parce: qu’il n’y a d’une
; part que défordre , que fauffeté , qu’inconféquen-
ce , que prolixité ; & que de Tautrë tout eft en ordre,
tout e.ft vrai , tout èft fié, tout eft néceffaire
; & précis. 30. Que l’application desireglés quelconques
, bonnes ou m au v à ife sà la compofitipn des
! thèmes, eftépineufe, fatigante, captieufe, démentie
par mille & mille exceptions , 6c deshonoréernon-
feulement par les plaintes des favana les plus, refpec-
tables & des maîtres les plus habiles , mais même
par fes propres fuccès r qui n’aboutiffent enfin qu’à
L 11 ij