par le nom qu’on lui donne dans le pays. Ses fleurs
font d’un blanc d’eau, 6c ont l’odeur du miel. On la
recueille foigneufement, & on en fait une eau diftil-
lée pour les maux des yeux. ( D . J. )
MANIAQUE, f. m. ( Gram. ) qui eft attaqué de
manie. Voye^l'article Manie.
MANIBELOUR , ( Hift. mod. ) c’eft le nom
qu’on donne dans le royaume de Loango en Afrique
au premier miniftre du royaume , qui exerce
un pouvoir abfolu, & que les peuples ont droit
d’élire fans le confentement du roi.
MANICA, ( Géog. ) contrée d’Afrique dans la
Cafrerie. Il y a royaume, riviere, ville & mines de
ce nom. La riviere eft la même que celle de Laurent
Marquez. Elle a fa fource dans les montagnes de Lu-
para, vers les 42. 30 . de longit. 6s par le 2.0. de
lat. méridionale ; elle fe perd dans un petit golfe ,
qui forme l’île d’Inhaqua. Le royaume s’étend à l’orient
6c au nord de cette riviere. Le roi du pays s’appelle
Chicanga. Manica ou Magnica eft fa ville capitale
, & la feule qu’on connoît. Au midi de cette ville
font des mines d’o r , connues fous le nom de mines
de Manica. ( D . J. )
M ANICABO, ( Géog. ) ville des Indes, fur la côte
occidentale de l’île de Sumatra , entre Priaman au
nord, 6c Indrapoura au midi. Il croît aux environs
beaucoup de poivre. Latit. méridion. 2. ( D . J. )
MANICHEISME, f. m. ( Hift. ecclèf. Métaph. )
Le Manichéifme eft une fefte d’nérétiques , fondée
par un certain Manès, perfe de nation , 6c de fort
baffe naiffance. Il puifa la plupart de fes dogmes
dans les livres d’un arabe nommé Scythion. Cette
fefte commença au troifieme fiecle, s’établit enplu-
fteurs provinces, & fubfifta fort long-tems. Sonfoi-
ble ne confiftoit pas tant dans le dogme des deux
principes, l’un bon & l’autre méchant, que dans les
explications particulières qu’elle en donnoit, & dans
les conféquences pratiques qu’elle en tiroit. Vous
pourrez le voir dans Yhftoire eccléfiafiique de M. l’abbé
Fleuri, & dans le dictionnaire de Bayle, l’article
des Manichéens, 6c dans Yhiftoire des variations de M.
de Meaux.
Le dogme des deuxprincipës eft beaucoup plus ancien
que Manès. Les Gnoftiques, les Cerdoniens ,
les Marcionites & plufieurs autres feûaires le firent
entrer dans le Chriftianifme,avant que Manès fît parler
de lui. Ils n’en furent pas même les premiers auteurs
; il faut remonter dans la plus haute antiquité
du paganifme, pour en découvrir l’origine. Si l’on
s’en rapporte à Plutarque, ce dogme étoit très-ancien.
Il fe communiqua bientôt à toutes les nations
du monde , 6c s’imprima dans les coeurs fi profondément
, que rien ne put l’en détacher. Prières , fa-
crifices, cérémonies,détails publics & fecretsde religion,
tout fut marqué à ce coin parmi les barbares
6c les grecs. Il paroît que Plutarque lui donne trop
d’étendue. Il eft bien vrai que les payens ont reconnu
6c honoré des dieux malfaifans , mais ils enfei-
gnoient aufli que le même dieu qui répandoit quelquefois
fes biens fur un peuple, l’affligeoit quelque
tems après, pour fe venger de quelque offenfe. Pour
peu qu’on life les auteurs grecs, on connoît cela ma-
nifeftement. Difons la même chofe de Rome. Lifez
T . L iv e , Cicéron , & les autres écrivains latins,
vous comprendrez clairement que le même Jupiter,
à qui l’on offroit des facrifices pour une viâoire gagnée
j étoit honoré en d’autres rencontres, afin qu’il
ceffât d’affliger le peuple romain. Tous les poètes ne
nous le repréfentent-ils pas armé de la foudre & tonnant
du haut des cieux, pour intimider les foibles
mortels ? Plutarque fe trompe aufli , lorfqu’il veut
que les philofophes & les poètes fe foient accordés
- dans la doflrine des deux principes. Ne fe fouvenoit-
ii pas d’Homere, le prince des poètes, leur modele
& leur fource commune ; d’Homere, dis-je, qui n’a
propofé qu’un dieu avec deux tonneaux du bien & d u
mal ? Ce pere des poètes fuppofe que devant le palais
de Jupiter font deux tonneaux, où ce dieu puife continuellement
6c les biens 6c les maux qu’il verfe fur
le genre humain. Voilà fon principal emploi. Encore
s’il y puifoit également, & qu’il ne fe méprît jamais ,
nous nous plaindrions moins de notre fort.
Zoroaftre, que les Perfes & les Chaldéens recon-
noiffent pour leur inftituteur, n’avoit pas manqué de
leur enfeigner cette dottrine. Le principe bienfaifant,
il le nommoit Oromafe, 6c le malfaifant, Jrimanius.
Selon lui, le premier reffembloit à la lumière, 6c le
fécond aux ténèbres.
Tous les partifans du fyftème des deux principes ,
les croyoient incréés , contemporains , indépen-
dans l’un de l’autre , avec une égale force & une
égale puiffance. Cependant quelques perfes, au rapport
de M. Hyde, qui l’a pris dans Plutarque , fou-
tenoient que le mauvais principe avoit été produit
parle bon, puifqu’un jour il de voit être anéanti. Les
premiers ennemis du Chriftianifme , comme Ce lfe,
Crefconius, Porphire , fe vantoient d’avoir découvert
quelques traces de ce fyftème dans l’Ecriture-
fainte , laquelle parle du démon 6c des embûches
qu’il dreffa au Fils de Dieu , 6c du foin qu’il prend
de troubler fon empire. Mais on répondit aifément
à de tels reproches. On fit taire des hommes vains,
qui pour décréditer ce qu’ils n’entendirent jamais ,
prenoient au pié de la lettre beaucoup de chofes allégoriques.
Quelque terrein qu’ait occupé ce fyftème des deux
principes , il ne paroît pas, comme je l’ai obfervé,
que les Grecs & les Romains fe le foient approprié.
Leur Pluton ne peut être regardé comme le mauvais
principe. Il n’avoit point dans leur théologie d’autre
emploi,que celui de préfider à l’affemblée des morts ,
fans autorité fur ceux qui vivent. Les autres divinités
infernales , malfaifantes, triftes , jaloufes de
notre repos , n’avoient rien aufli de commun avec
le mauvais principe , puifque toutes ces divinités
fubordonnées à Jupiter, ne pouvoient faire de mal
aux hommes, que celui qu’il leur permettoit de faire.
Elles étoient dans le paganifme ce que font nos démons
dans le Chriftianifme.
Ce qui a donné naiffance au dogme des deux principes
, c’eft la difficulté d’expliquer l’origine du mal
moral 6c du mal phyfique. Il faut l’avouer, de toutes
les queftions qui fe préfentent à l’efprit, c’eft la
plus dure 6c la plus épineufe. On n’en fauroit trouver
le dénoument que dans la foi qui nous apprend la
chute volontaire du premier homme , d’où s’enfuivi-
rent 6c fa perte, 6c celle de toute fa poftérité. Mais
les payens manquoient de fecours furnaturel ; ils fe
trouvoientpar conféquent dans un paffage très-étroit
& très-gênant. Il falloit accorder la bonté 6c la fain-
teté de Dieu avec le péché 6c les différentes mife-
res de l’homme, il falloit juftifier celui qui peut tout,
de ce que pouvant empêcher le mal, il l’a préféré
au bien même, 6c de ce qu’étant infiniment équitable
, il punit des créatures qui femblent ne l’avoir
point mérité , 6c qui voyent le jour plufieurs fiecles
après que leur condamnation a été prononcée. Pour
fortir de ce labyrinthe, où leur railon ne faifoit que
s’égarer, les philofophes grecs eurent recours à des
hypothèfes particulières. Les uns fuppoferent la
préexiftence des âmes, 6c foutinrent qu’elles ne ve-
noient animer les corps que pour expier des fautes
commifes pendant le cours d’une autre vie. Platon attribue
l’origine de cette hypothèfe à Orphée, qui l’a-
voit lui-même puifée chez les Egyptiens. Les autres
raviffoient à Dieu toute connoiffance des affaires fub-
lunaires , perfuadés qu’elles font trop mal afforties
pour avoir été réglées par une main bienfaifante.
De-tà ils tiroient cette cônclufion , qu’il faut renoncer
à l’idée d’un être jufte, pur, faint, ou convenir
qu’il ne prend aucune part à tout ce qui fe paffe dans
le monde; Les autres établiffoient une l’ucceflîon
d’événemens , une chaîne de biens 6c de maux que
rien ne peut altérer ni rompre. Que fert de fe plaindre
, difoient-ils, que fert de murmurer } le dcftin
entraîne tout, le deftin manie tout en aveugle 6c fans
retour. Le mal moral n’eft pas moins indifpenfable
que le phyfique ; totïs deux entrent de droit dans le
plan de la nature; D ’autres enfin ne goûtant point
toutes ces diverfes explications de l’origine du mal
moral & du mal phyfique, en cherchèrent le dénou-
ment dans le fyftème des deux principes. Quand il
eft queftion d’expliquer les divers phénomènes de la
nature corrompue j il a d’abord quelque chofe de
plaufibîe ; mais fi on le confitlere en lui même, rien
n’eft plus monftrueux. En effet , il porte fur une fup-
pofition qui répugne à nos idées les plus claires, au
lieu que le fyftème des Chrétiens eft appuyé fur ces
notions-là. Par cette feule remarque la fupériorité
des Chrétiens fur les Manichéens eft décidée ; car
ious ceux qui fe connoiffent en raifonnemens, demeurent
d’accord qu’un fyftème eft beaucoup plus
imparfait, lorfqu’il manque de conformité avec les
premiers- principes , que lorfqu’il ne fauroit rendre
raifon des phénomènes de la nature. Sil’on bâtitfur
une fuppofition abfurde, embarraffée, peu vraif-
femblabîe, cela ne fe répare point par l’explication
heureufe des phénomènes ; mais s’il ne les explique
pas tous heureufement, cela eft compenfé par la
netteté , par la vraiffemblance 6c par la conformité
qu’on lui trouve aux lois& aux idées de l’ordre ; 6c
ceux qui l’ont embraffé, à caufe de cette perfeâion,
51’ont pas coutume de fe rebuter, fousprétextequ’ils
31e peuvent rendre raifon de toutes les expériences.
Ils imputent ce défaut aux bornes de leur efprit. On
©bje&oit à Copernic, quand il propofa fon fyftème,
que Mars 6c Vénus devroient en un tems paroître
beaucoup plus grands parce qu’ils s’approchoient de
la terre de plufieurs diamètres. La conféquence étoit
siéceffaire, & cependant on ne voyoit rien de cela.
Quoiqu’il ne fût que répondre , il ne crut pas pour
cela devoir l’abandonner. Il dil'oit feulement que le
tems le feroit connoître. L’on prenoit cette raifon
pour une défaite ; & l’on avoit, ce femble, raifon :
mais les lunettes ayant été trouvées depuis, on a vu
que cela même qu’on lui oppofoit,comme une grande
©bjeûion , étoit la confirmation de fon fyftème , 6c
le renverfement de celui de Ptolomée.
Voici quelques-unes des raifons qu’on peut pro-
pofer contre le Manichéijme. Je les tirerai de M.
Bayle lui-même, qu’on fait avoir employé toute la
force de fon efprit pour donner à cette malheureufe
bypothèfe une couleur de vraiffemblance.
i° . Cette opinion eft tout-à-fait injurieufe au dieu
qu’ils appellent bon ; elle lui ôte pour le moins la
moitié de fa puiffance , 6c elle le fait timide, injuf-
te , imprudent & ignorant. La crainte qu’il eut d’une
irruption de fon ennemi, difoient-ils , l’obligea à lui
abandonner une partie des âmes , afin de fauver le
refte. Les âmes étoient des portions 6c des membres
de fa fubftance, 6c n’avoient commis aucun péché.
Il y eut donc de fa part de l’injuftice à les traiter de
la forte , vu principalement qu’elles dévoient être
tourmentées, & qu’en cas qu’elles contraftaffent
quelques fouillures , elles dévoient demeurer éternellement
au pouvoir du mal. Ainfi le bon principe
n’avoit fu ménager fes intérêts, il s’étoit expofé à
une éternelle & irréparable mutilation. Joint à cela
que fa crainte avoit été mal fondée ; car, puifque de
toute éternité , les états du mal étoient féparés des
états du bien, il n’y avoit nul fujet de craindre que
le mal fit une irruption fur les terres de fon ennemi.
D ’ailleurs ils donnent moins de prévoyance & moins
de puiffance au bon principe qu’au mauvais. Le bon
principe^n’a voit point prév u l’infortune des détache-
mens qu’il expoloit auxaffauts de l’ennemi, mais le
mauvais principe avoit fort bien fu quels feroiem les
détachemens que l’on enverroit contre lui, & ila vo it
préparé les machines néceffairés pour les enlever.
Le bon principe fut affez firnple pour aimer mieux fe
mutiler,^quede recevoir fur fes terres les détachemens
ae l’ennemi, qui par ce moyen eut perdu une
partie de fes membres. Le mauvais principe avoit
toujours été fupérieur, il n’avoit rien perdu , & il
avoit fait des conquêtes qu’il avoit gardées ; mais le
bon principe avoit cédé volontairement beaucoup
de chofes par timidité , par injuftice & par imprudence.
Ainfi , en îefufant de connoître que Dieu
foit l’auteur du mal, on te fait mauvais en toutes
manières.
20. Le dogme des Manichéens eft l’éponge de toutes
les religions, puifqu’en raifonnant conféquem-
ment, ils ne peuvent rien attendre de leurs prreres
ni rien craindre de leur impiété. Ils doivent être perfuadés
que quoi qu’ils faffent, le dieu bon leur fera
toujours propice, 6c que le dieu mauvais leur fera
toujours contraire. Ce font deux dieux, dont l’un ne
peut faire que du bien, & l’autre ne peut faire que
du mal ; ils iont déterminés à cela par leur naturel
6c ils fuivent, félon toute l’étendue de leurs forces!
cette détermination.
30. Si nous confultons les idées de l’ordre , nous
verrons fort clairement que l’unité, le pouvoir infini
6c le bonheur appartiennent à l’auteur du monde.
La néceflité de la nature a porté qu’il y eût des
caufes de tous les effets. Il a donc fallu neeeffaire-
ment qu’il exiftât une force fuffifame à la production
du monde. Or , il eft bien plus félon l’ordre, que
cette puiffance foit réunie dans un feul fujet, que fi
elle étoit partagée à deux ou trois , ou à cent mille.
Concluons donc qu elle n a pas été partagée , 6c
qu’elle réfide toute entière dans une feule nature
& qu’ainfi il n’y a pas deux premiers principes, mais
un feul. Il y auroit autant de raifon d’en admettre
une infinité , comme ont fait quelques - uns, que
de n’en admettre que deux. S’il eft contre l’ordre que
la puiffance de la nature foit partagée à deux fujets,
combien feroit-il plus étrange que ces deux fujets
fuffent ennemis. Il ne pourroit naître de-là que toute
forte de confufion. Ce que l’un voudrait faire
l’autre voudroit le défaire, 6c ainfi rien ne fe feroit •
ou s’il fe faifoit quelque chofe , ce feroit un ouvragé
de bifarrerie, & bien éloigné de la jufteffe de cet
univers. Si le Manichiiftmt. eut admis deux principes
qui agiffent de concert, il eût été expofé à de moindres
inconvéniens ; il auroit néanmoins choqué l’idée
de l’ordre par rapport à la maxime, qu’il ne faut point
multiplier les êtres fans néceflité : car , s’il y a deux
premiers principes, ils ont chacun toute la force né-
ceffaire pour la produâion de l’univers , ou ils ne
l’ont pas ; s’ils l’ont , l’un d’eux eft fuperflu ; s’ils ne
l’ont pas, cette force a été partagée inutilement, &
il eût bien mieux valu la réunir en uafeul fujet,elle
eût été plus aûivç. Outre qu’il n’eft pas aifé de comprendre
qu’une caufe qui exifte par elle-même, n’ait
qu’une portion de force. Qu’eft-ce qui l’auroit bornée
à tant ou à tant de degrés ? Elle ne dépend de
rien, elle tire tout de fon fond. Maisfans trop infifi
ter fur cette raifon, qui paffe pour folide dans les
écoles , je demande u le pouvoir de faire tout ce
que l’on veut, n’eft pas effentiellement renfermé dans
l’idée de Dieu ? La raifon m’apprend que l’idée de
Dieu ne renferme aucun attribut aven plus de netteté
& d’évidence , que le pouvoir de faire ce que
l’on veut. C ’eft en quoi confifte la béatitude. Or,
dans l’opinion des Manichéens, Dieu n’auroitpas là