Volonté 3es foïrverains fait Sc la religion , & tout
■ ce qui eft jufte ou injufte.
Il étoit refervé -à Samuel Puffendorf de profiter
beureufement des lumières de tous ceux qui l’avoient
précédé, & d’y joindre fes propres découvertes. Il
■ dévéloppediftinôement les maximes fondamentales
=de la Morale, que Grotius n’avoit fait qu’indiquer,
•& il en déduit par des conféquences fui vies, les principaux
devoirs de l’homme & du citoyen en quelque
état qu’il fe trouve. Il n’emprunte guere les penfées
des auteurs, fans les développer, fans les étendre,
& fans en tirer un plus grand parti. Mais c’eft à M.
Barbeyrac que le lefteur doit les principaux avantages
qu’il peut aujourd’hui tirer de la lefture du droit
de la guerre & de la paix , &c du droit de la nature
•& des gens. Il leur faut joindre l’étude de Shafftbu-
ry, de Hutchefon, de Cumberland, de Wolafton,
de la Placette & de l’Efprit des lois , qui relpire la
pure morale de l’homme dans quelque état qu’il fe
trouve.
Il nous manque peut-être un ouvrage philofophi-
que fur la conformité de la morale de l’Evangile avec
les lumières de la droite raifon ; car l’une &: l’autre
marchent d’un pas égal, & ne peuvent être fèparées.
iLa révélation luppofedans les hommesdes connoif-
fances qu’ils ont déjà, ou qu’ils peuvent acquérir en
faifant ufage de leurs lumières naturelles. L’exiftence
d’une divinité infinie en puifl'ance , en fageffe & en
bonté, étant un principe évident par lui-même, les
écrivains facrés ne s’attachent point à l’établir : c’eft
par la même raifon qu’ils n’ont point fait un fyftème
méthodique de la morale, & qu’ils fe font contentés
de préceptes généraux, dont ils nous laifient tirer
les conféquences pour les appliquer à l’état de chacun
, & aux divers cas particuliers.
Enfin ce feroit mal connoître la religion, que de
relever le mérite de la foi aux dépens de la Morale\
car quoique la foi foit néceffaite à tous les Chrétiens
, on peut avancer avec vérité , que la Morale
l’e;mporte fur la foi à divers égards. i°. Parce qu’on
peut être çn état de faire du bien , & de fe rendre
plus utile au monde par la Morale fans la foi, que
par la foi fans la Morale. 20. Parce que la Morale donne
une plus grande perfeôion à la nature humaine ,
en ce qu’elle tranquillife l’efprit, qu’elle calme les
pallions , & qu’elle avance le bonheur de chacun en
particulier. 30. Parce que la réglé pour la Morale eft
encore plus certaine que celle de la foi, puifque les
nations civiliféesdu monde s’accordent fur les points
efléntiels de la Morale , autant qu’elles different fur
ceux de la foi. 40. Parce que l’incrédulité n’eft pas
d’une nature fi maligne que le vice ; ou , pour en-
vifager la même chofe fous une autre vue, parce
qu’on convient en général qu’un incrédule vertueux
peut être fauvé, fur-tout dans le cas d’une ignorance
invincible, & qu’il n’y a point de falot pour un
croyant vicieux. 50. Parce que là foi femble tirer
fa principale, fi ce n’eft pas même toute fa vertu, de
-l’influence qu’elle a fur la morale. ( D . J. )
•MORALISTE, f. m. ( Science des moeurs. ) auteur
Tur la morale, voyeç Morale. Nous n’avons guere
parmi les modernes que Grotius, Puffendorf, Barbeyrac,
Tillolton, Wolafton, Cumberland, Nicole
& laPlacette, qui aient traité cette fcience d’après
des principes lumineux. La plupart des autresmora-
-lifles refl’emblent à un maître d’écriture, qui donne-
roit de beaux modèles, fans enfeigner à tenir & à
conduire la plume pour tracer des lettres. D’autres
moraliftes ont puifé leurs idées de morale , tantôt
dans le délire de l’imagination, tantôt dans des
•maximes contraires à l’état de la nature humaine.
Piufieurs enfin ne fe font attachés qu’à faire des portraits
finement touchés, laiffant à l’écart la méthode :
& les principes qui conftituent la partie capitale de
la mobile. C’eft que les écrivains de ce caraélerd
veulent être gens d’efprit, &c fongent moins à éclai-
•rer qu’à éblouir. Vain amour d’une futile gloire 1
qui fait perdre à un auteur l’unique but qu’il devroit
fe propofer , celui d’être utile. Mais il vaut mieux
bien exercer le métier de manoeuvre , que de mal
I jouer le rôle d’archite&e. (D . J!)
MORALITÉ, f. f. ( Droit naturel. ) on nomme
moralitéy le rapport des avions humaines avec la loi
qui en eft la réglé. En effet, la loi étant la réglé des
actions humaines, fi l’on compare ces aftions avec
la loi , on y remarque ou de la conformité, ou de
l’oppofition ; & cette forte de qualification de nos actions
par rapport à la lo i, s’appelle moralité. Ce terme
vient de celui de moeurs y qui font des adions libres
des hommes fufceptibles de réglé.
On peut confidérer la moralité des aftions fous
deux vues différentes : i°. par rapport à la maniéré
dont la loi en difpofe , & i° . par rapp'ort à la conformité
ou à l’oppofition de ces mêmes aâtions avec
la loi.
Au premier égard, les a&ions humaines font ou
commandées , ou défendues, ou permifes. Les actions
commandées ou défendues, font celles que défend
ou preferit la loi ; les adions permifes font celles
que la loi nous laiffe la liberté de faire.
L’autre maniéré dont on peut envifager la morâ-
/ifé des adions humaines , c ’eft par rapport à leur
conformité ou à leur oppofition avec la loi : à cet
égard , on diftingue les adions en bonnes ou juftes,
mauvaifes ou injtiftes, & en adions indifférentes.
Une adion moralement bonne ou jufte, eft celle
qui eft en elle-même exadement conforme à la dif-
pofition de quelque loi obligatoire, & qui d’ailleurs
eft faite dans les difpofitions , & accompagnée des
circonftances conformes à l’intention du légiflateur.
Les adions mauvaifes ou injuftes font celles qui, ou
par elles-mêmes, ou par les circonftances qui les accompagnent
, font contraires à la difpofition d’une
loi obligatoire , ou à l’intention du légiflateur. Les
adions indifférentes tiennent, pour ainfi dire , le
milieu entre les adions juftes & injuftes ; ce font celles
qui ne font ni ordonnées ni défendues, mais que
la loi nous laiffe en liberté de faire ou de ne pas faire ,
félon qu’on le trouve à propos ; c’eft-à-dire que ces
adions fe rapportent à une loi de fimple permiflion,
& non à une loi obligatoire.
Outre ce qu’on peut nommer la qualité des adions
morales , on y confidere encore une forte de quantité
y qui fait qu’en comparant les bonnes adions en-
tr’elles , & les mauvaifes auffi cntr’elles, on en fait
•une eftimation relative , pour marquer le plus ou le
moins de bien ou de mal qui fe trouve dans chacune ;
car une bonne adion peut être plus ou moins excellente
, & une mauvaife adion plus ou moins condamnable
, félon fon objet ; la qualité & l ’état de
l ’agent ; la nature même de l’adion ; fon effet & fes
fuites ; les circonftances du tems, du lieu, &c. qui
peuvent encore, rendre les bonnes ou les mauvaifes
adions plus louables ou plus blâmables les unes que
les autres.
Remarquons enfin qu’on attribue la moralité aux
perfonnes aufli-bien qu’aux adions ; & comme les
adions font bonnes ou mauvaifes , juftes ou injuftes
, l’on dit auffi des hommes qu’ils font vertueux
ou v icieux, bons ou méchans. Un homme vertueux
eft celui qui a l’habitude d’agir conformément à fes
devoirs. Un homme vicieux eft celui qui a l’habitude
oppofée. Voyt^ V ertu d Vic e. ( D . J. )
Mo ral ité, (Apologue. ) la vérité qui réfulte du
récit allégorique de l’apologue, fe nomme moralité.
Elle doit être claire, courte & intéreffante ; i l ny
faut point de métaphyfique , point 4e périodes ,
point 4e vérités trop Triviales, comme feroit celle-
ci , qu’ilfaut ménager fa fanté.
Phèdre & la Fontaine placent indifféremment la
moralité , tantôt avant, tantôt après le récit, félon
que le goût l’exige ou le permet. L’avantage eft à-
peu-pres égal pour l’efprit .du ledeur -, qui n’eft pas
moins exercé, foit cju’on la place auparavant ou
après; Dans le premier cas , on a le plaifir de com-
binerohaquetraitdu récit avec la vérité^; dans le
fécond cas, on a le plaifir.de la fufpenfion : on de->
vine ce qu’on veut nous apprendre, & on a la fatif-
fadion defe rencontrer avec l’auteur, ou le mérite
de lui cecler , fi on n’a point réuffi. .<
M OR A LIT ÉS, ( Théâtre françois. ) e’eft ainfi qu’on
appella d’abord les. premières comédies faintès qui
furent .jouees en France dans le xv. & xvj. ficelés.
Voye%_ C om é d ie s saintes.
Au nom de moralités, fuccéda celui de myfieres de
la PaJJion. Voyei Mystères, de la Passion.
Ces pieufes farces étoient un mélangé monftrueux
d’impiétés & de fimplicités,,“ mais que ni les auteurs,
ni les fpedateurs n’avoient l’efprit d’appercevoir.
La Conception à perj'onnages, ( c’eft le titre d’une des
premières moralités, jouée fur le théâtre françois, &
imprimée in-40. gothique , à Paris chez Alain Lo-
trian, ) fait ainfi parler Jolèph :
Mon fo'ulcy ne Je peut deffaire
De Marie mon époufe faincle
Que f a i ainfi trouvée ençainte ,
NeJçày s’il y a faute ou non.
De moi n’efi la chofe venue ;
Sa promejjé ri!a pas tenue.
Elle a rompu fort mariage ,
. Je fuis bien infcible , incrédule ,
Quand.je regarde bienfon faire ,
De croire qu’il riy ait mtffaire.
Elle efi ençainte y & d’où viendroit
Le fru icl ? I l faut dire par droit,
Qu’i l y. ait vice d’adultere ,
Puifque je rien fuis pas le pere.
E lie a été troys moys entitrs
Hors d’icy , & au bout du tiers
Je Cdy toute große receu 'è :
L ’auroit quelque paillard déceué , ■
Ou de faicl voulu efforçer ?
Ha ! brief yje ne fçay que penfer !
Voilà de vrais blafphêmes en bon françois ! Et Jo-
feph alloit quitter fon époufe , fi ,1’ange Gabriel ne
l ’eût averti de n’en rien faire.
Mais qui croiroit qu’un jéfuiteefpagnol, duxvij.
hec^e > Jean Carthagena, mort à Naples en 1617,
ait débité dans un livre , intitulé Jofephi myfieria ,
que S. Jofeph peut tenir rang parmi les martyrs, à
caufe de la jaloufie qui lui déchiroit le coeur, quand
il s apperçut de jour en jour de la grofleffe de fon
époufe. Quelle porte n’ouvre-t-on'point aux railleries
des profanes , Iorfqu’on ofe faire des martyrs
de cette nature, & qu’on expofe nos myfteres à des
idées d’imagination fi dépravée ! ( D. ƒ..)
MORAT, ( Géogr. ) petite ville de la Suiffe , fur
la route d’Avenche à Berne , capitale du bailliage
du même nom, appartenant aux cantons de Berne &
de Fribourg.
Morat eft illuftré par trois fieges mémorables, qu’il
a foutenus glorieufement ; le premier en 1032, con-
trel empereur Conrard le Salique;le fécond en 1202,
contre l’empereur Rodolphe de Habsbourg y & le
tromeme en 1476, contre Charles le Hardi , dernier
duc de Bourgogne. Ce dernier fiege fut fuivi de
cette fameufe bataille, foies Suiffes triomphèrent,
& mirent l’armée du duc dans la déroute la plus
compietre. Les hab'itans de Morut célèbrent encore
de tems à autre ce grand événement par des fêtes &
des rëjotiiffances publiques. Ce fut-là l’aurore de leur
liberté, que M. de Voltaire a peinte d’un fi beau
coloris dans les vers fuivans :
Je vois la liberté répandant tous les biens ,
Defcendre de Morat en habit de guerrier e
Les mains teintes du fang des fiers Autrichiens ,
Et de Charles le téméraire.
Devant elle onportoit ces piques & ces dards ,
11 On traînoit ces .cririons , ces échelles, fatales,
Qu elle-meme brifa , quand fes mains triomphales
-DéMorat en danger , défendoit les remparts ;
Tout un peuple la fuit y fa naïvi altegreffe
Fit à tout l ’Appennin répéier fes, clameurs ;
Leurs fronts font couronnés de ces fleurs que.laGrtct
Aux champs de Marathon , prodigùoit aux vainqueurs.
A un quart de lieue de Moratp on voit fur le grand
chemin d’Avencë j une chapelle autrefois remplie
d’offemens des bourgignons qui périrent au fiege &
à-la-bataille de 1476; Au-defTous de la porte de la
chapelle dont je parle , on lit cette infeription fin-
guliere , que les Suiffes y ont fait graver : Deo. Opt.
Max. Caroli inclyti , & fortiflîmi Burgundioe ducis,
exércitus Muratum obfidens , ab Helvetiis coefus , hoc
fui monümentum reliquit, anno 14.J&.. '■ . .
Le territoire de Morat eft un pays de vignes , de
champs, de prés, de bois & de marais. Son lac joint
à un canal qui fe rend au lac d’YVerdun & de Neuchâtel,
y répand du commerce. Le lac de Morat
petit avoir 25 braffes de profondeur, & nourrit du
poiflon délicat.
Le bailliage de Morat appartient en commun aux
cantons de Berne & de Fribourg, & l’on y parle,
comme dans la ville , les deux langues , l’allemand
& le françois, ou romand ; mais tout le bailliage eft
de là religion proteftante. Elle fut établie dans Morat
en 1530, à la pluralité des voix-, en préfence
des députés de Berne & de Fribourg. Le refte du bailliage
imita bientôt l ’exemple des habitans de la
ville.
Elle eft en partie fituée fur une hauteur qui a une
belle efplanade , en partie au bord du lac de fori
nom , à 4 lieues O. de Berne , & pareille diftance
N. E. de Fribourg. Long. 0.4. SC. lût. 4 7 . ( D.J . )
MORANKGAST , ( JJfl> nat. Botan. ) grand arbre
des Indes orientales. Ses feuilles font petites &
rondes ; fes rameaux ont beaucoup d’étendue : il
produit des filiqües remplies d’une efpece de feves
que les habitans des Maldives mangent très-communément.
MORATOIRES LETTRES , littera moratoria.
( Jurifp. ) C ’eft ainfi qu’on nomme en Allemagne ,
des lettres que l ’on obtient de l’empereur & des
états de l’Empire, en vertu defquelies les créanciers
doivent accorder à leurs débiteurs un certain
tems marqué par ces lettres , pendant lequel ils ne
peuvent point les inquiéter. Suivant les lois de
l ’Empire, les lettres moratoires ne doivent s’accorder
que fur des raifons légitimes & valables; & celui
qui les obtient, doit donner caution qu’il payera
ce qu’il doit, lorfque le délai qu’il a demandé fera
expiré. Les lettres moratoires font la même chofe que
ce qu’on appelle lettres d!état en France. (—)
MORAVA la , ( Géog. ) riviere de Moravie,de
Hongrie & d’Autriche ; elle a fa fource aux confins
de la Bohème, & court entre l’Autriche & la Hongrie,
jufqu’au Danube.
Morava la , ( Géog.') le Margus des Latins ; }es
Allemands l’appellent derMaher ^ & les Bohémiens,