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rient, ou, pour mieux dire, avec la caufe efficiente
*du mariage. 30. Que ceux qui foutiennent que la
tradition mutuelle des corps eft la matière du mariage
, confondent l’effet de ce facrement avec fa
matière. 40. Dire que le facrement de mariage peut
fe faire fans que le prêtre y contribue en rien, c’eft
confondre le contrat civil du mariage avec le mariage
confidéré comme facrement.
Le ièntiment le plusfuivi eft que le facrement de
mariage à pour matière le contrat civil que les deux
parties font enfemble, & pour forme les prières 6c
la bénédiâion facerdotale. La raifon en eft que tous
les miffels , rituels, eucologes , que le P. Martenne
a donnés au public , nous apprennent que les prêtres
ont toujours béni les noces, cette bénédiaion
a toujours été regardée comme le fceau qui confirme
les promeffes refpeékivès des parties. C ’eft ce qui a
fait dire à Tertullien , lïb. II. ad uxor. que les mariages
des fideles font confirmés par l’autorité de l’E-
glife. Saint Ambroife parle dans une de fes lettres de
la bénédiftion nuptiale donnée par le prêtre , 6c de
Pimpofition du voile fur l’époux 6c fur l’époufe ; 6c
le quatrième concile de Carthage veut que les nouveaux
mariés gardent la continence la première nuit
de leurs nôces par refpeft pour la bénédiûion facerdotale.
De-là il s’enfuit que les prêtres font les miniftres
du facrement de mariage , qu’ils n’en font pas Amplement
les témoins néceffaires 6c principaux, &
qu’on ne peut dire avec fondement que les perfon-
nes qui fe marient s’adminiftrent elles-mêmes le facrement
, par le mutuel confentement qu’elles fe
donnent en préfence du curé 6c des témoins. Tertullien
dit que les mariages cachés, c’eft-à-dire, qui
ne font pas faits en prélence de l’Eglife, font foup-
çonnés de fornication 6c de débauche, lib. de pudic.
c. vj. par conféquent, dès les premiers tems de l’E-
glife, il n’y avoit de conjon&ions légitimes d’hommes
& de femmes qu’autant que les miniftres de
l’Eglife les avoient eux-mêmes bénies & confacrées.
Dans tous les autres facremens les miniftres fontdif-
tingués de ceux qui les reçoivent. Sur quel fondement
prétend-on que le mariage feul foit exempt de
cette réglé ? Le concile deTrente a exigé la prélence
du propre curé des parties, 6c l’ordonnance de Blois
a adopté fa difpofition.
La fin du mariage eft la procréation légitime des
enfans qui deviendront membres de l’Eglilè, 6c auxquels
lès peres & meres doivent donner une éducation
chrétienne.
Mariage, f. m.{Droitnaturel. )la première, la
plus fimple de toutes lesft>ciétés, 6c celle qui eft la
pépinière du genre humain. Une femme, des enfans
font autant d’otages qu’un homme donne à la fortune
, autant de nouvelles relations &c de tendres
liens, qui commencent à germer dans fon ame.
Par-tout oit il fe trouve une place où deux perfon- 1
nés peuvent vivre commodément, il fe fait un ma-
riage, dit l’auteur de Yefprit des lois. La nature y
conduit toujours, lorfqu’elle n’eft point arrêtée par
la difficulté de la fubfiftance. Le charme que les
deux fexes infpirent par leur différence, forme leur
union ; & la priere naturelle qu’ils fe font toujours
l ’un à l’autre en confirme les noeuds :
0 Vénus., 0 mtre de Vamour ,
Tout rtconnoit tes lois J . . . .
Les filles que l’on conduit par le mariage à la liberté
, qui ont un efprit qui n’ofe penfer, un coeur
qui n’olè fentir, des yeux qui n’ofent v o ir , des
oreilles qui n’ofent entendre , condamnées fans relâche
à des préceptes & à des bagatelles, fe portent
néceffairement au mariage : l’empire aimable que
donne la. beauté fur tout ce qui refpire, y engage-
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ra bien-tôt les garçons. Telle eft la force de l’infti-
tution de la nature, que le beau fexe fe livre in vin-
, ciblement à faire les fondions dont dépend la propagation
du genre humain, à ne pas fe rebuter
par les incommodités de la grofleffe, par les embarras
de l’éducation de plulieurs enfans, 6c à partager
le bien 6c le mal de la fociété conjugale.
La fin du mariage eft la naiffance d’une famille
ainfi que le bonheur commun des conjoints, ou même
le dernier féparément, félon Wollafton. Quoi
. qu’il en foit, celui qui joint la raifon à la paffion ,
, qui regarde l’objet de fon amour comme expofé à
; toutes les cala mités humaines , ne cherche qu’à s’accommoder
à fon état 6c aux fituations où il fe trouve.
II devient lepere , l’ami, le tuteur de ceux qui
ne font pas encore au monde. Occupé dans fon cabinet
à débrouiller une affaire épineufe pour le bien
de fa famille , il croit que fon attention redouble
lorfqu’il entend les enfans, pour l’amour defquels
il n’épargne aucun travail, courir , fauter &c fe divertir
dans la chambre voifine. En effet, dans les
pays où les bonnes moeurs ont plus de force que
n ont ailleurs les bonnes: lois , on ne connoît point
, d’état plus heureux que. celui du mariage. « Il a pour
» la pan , dit Montagne » futilité, la juftice , l’hon-
» neur & la conftancè. C ’eft une douce fociété
i » de vie, pleine de fiance & d’un nombre infini de
» bons, de folides offices, & obligations mutuel-
1 » les : à le bien façonner, il n’eft point de plus belle
j » piece dans la fociété. Aucune femme qui en fa-
» voure le goût, ne voudroit tenir lieu de fimple
| ». maîtrelfe â fon mari ». .
‘ Mais les moeurs qui dans un état commencent à
fe corrompre, contribuent principalement à dégoû-
' ter les citoyens du mariage , qui n’a que des peines
. pour ceux qui n’ont plus defens pour les plaifirs de
! l’innocence. Ecoutez ceci, dit Bacon, Quand on
ne connoîtra plus de nations barbares, 6c que la
politeffe & les arts auront énervé l’efpece , on verra
dans les pays de luxe les hommes peu curieux de
fe marier , par la crainte de ne pouvoir pas entretenir
une famille ; tant il en coûtera pour vivre
chez les nations policées 1 voilà ce qui fe voit parmi
nous ; voilà ce que l’on vit à Rome, lors de la
décadence de la république.
On fait quelles furent les lois d’Augufte, pour
porter fes fujets au mariage. Elles trouvèrent mille
obftacles ; & , trente-quatre ans après qu’il les eut
données, les chevaliers romains lui en demandèrent
la révocation. Il fit mettre d’un côté ceux qui étoient
maries, & de 1 autre ceux qui ne l’étoient pas : ces
derniers parurent en plus grand nombre , ce qui
étonna les citoyens &c les confondit. Augufte avec la
gravité des anciens cenféurs, leur tint ce difcours.
« Pendant que les maladies 6c les guerres nous
» enlevent tant de citoyens, que deviendra la ville
» fi on ne contracte plus de mariages ? la cité ne
» confifte point dans les maifons , les portiques ,
» les places publiques : ce font les hommes qui. font
» la cité. Vous ne verrez point comme dans les fa-
» blés fortir des hommes de deflbus la terre pour
» prendre foin de vos affaires. Ce n’eft point pour
» vivre feuls que vous reftez dans le célibat : chacun
» de vous a des compagnes de fa table & de fon lit ,
» & vous ne cherchez que la paix dans vos dérégle-
» mens; Citerez-vous l’exemple des vierges vefta-
» les ? Donc , fi vous ne gardiez pas les lois de la
» pudicité, il faudroit vous punir comme elles.
» Vous êtes également mauvais citoyens, fdit que
» tout le monde imite votre exemple, foit que per-
» fonne ne le fuive. Mon unique objet eft la perpé-
» tuite de la republique. J ai augmenté les peines
» de ceux qui n’ont point obéi ; 6c à l’égard des ré-
» compenses, elles font telles que je ne fâche pas
» que
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» que la vertu en ait encore eu de jiilus grandes :
» il y en a de moindres qui portent mille gens à ex-
» pofer leur v ie ; & celles-ci ne vous^engageroient
» pas à prendre une femme 6c à nourrir de: enfans ».
Alors cet empereur publia les lois nommées
Pappia-Poppoea , du nom des deux confuls de cette
année. La grandeur du mal paroiffoit dans leur
eleélion même : Dion nous dit qu’ils n’étoient point
mariés 6c qu’ils n’avoient point d’enfans. Conftan-
tin 6c Juftinien abrogèrent les lois pappiennes , en
donnant la prééminence au célibat; 6c la raifon
de fpiritualité qu’ils en apportèrent impofa bien-tôt
la néceffité du célibat même. Mais, fans parler ici du
célibat adopté par la religion catholique, il eft du-
moins permis de fe récrier avec M. de Montefquieu
contre le célibat qu’a formé le libertinage : « Ce cé-
» libat où les deux fexes fe corrompant par les fen-
» timens naturels même, fuient une union qui doit
» les rendre meilleurs pour vivre dans celle qui rend
» toûjôurs pire. C ’eft une réglé tirée de la nature ,
» que plus on diminue le nombre des mariages qui
» pourroient fe faire, plus on corrompt ceux qni
» font faits ; moins il y a de.gens mariés, moins il y
» a de fidélité dans les mariages , comme lorfqu’il y
>> a plus de voleurs , il y a plus de vols ».
Il réfulte de cette réflexion, qu’il faut rappeller
à l’état du mariage les hommes qui font fourds à la
voix de la nature ; mais cet état peut-il être permis
fans le confentement des peres 6c meres ? Ce confentement
eft fondé fur leur puiffance, fur leur
amour, fur leur raifon, fur leur prudence, 6c les
inftitutions ordinaires les autorifent feuls à marier
leurs enfans. Cependant, félon les lois naturelles ,
tout homme eft maître de difpofer de fon bien & de
fa perfonne. Il n’eft point de cas où l’on puiffe être
moins gêné que dans le choix de la perfonne à laquelle
on veut s’unir ; car qui eft-ce qui peut aimer
par le coeur d’autrui, comme le dit Quintilien ? J’avoue
qu’il y a des pays Où la facilité de des fortes de
mariages fera plus ou moins nuifible ; je fai qu’en
Angleterre même les enfans ont fouvent abufé de la 1
loi pour fe marier à leur fantaifie, & que cet abus a
fait naître l’a â e du parlement de 1753. Cet a&e a
cru devoir joindre des formes, des termes 6c des
gênes à la grande facilité des mariages ; mais il fe
peut que des contraintes pareilles nuiront à la population.
Toute formalité'reftriftive ou gênante eft
deftru&ive de l’objet auquel elle eft impofée : quels
inconvéniens fi fâcheux a donc produit dans la
Grande-Bretagne, jufqu’à préfent, cette liberté des
mariages, qu’on ne puiffe fupporter ? des difpropor-
rions de naiffance 6c de fortunes dans l ’union des
perfonnes ? Mais qu’importent les méfalliances dans
une nation où l’égalité eft en recommandation , où
la nobleffe n’eft pas l’ancienneté de la naiffance, où
les grands honneurs ne font pas dûs privativement
à cette naiffance, mais où la conftitution veut qu’on
donne la nobleffe à ceux qui ont mérité les grands
honneurs^ ; l’affemblage des fortunes les plus difprô-
portionnées n’eft-il pas de la politique la meilleure
6c la plus avantageufe à l’état ? C ’eft cependant ce
vil intérêt peut-être, qui, plus que l’honnêteté publique
, plus que les droits des peres fur leurs enfans
, a fi fort infifté pour anéantir cette liberté des
mariages : ce font les riches plutôt que les nobles qui
ont fait entendre leurs imputations : enfin, fi l’on
compte quelques mariages que l’avis des parens eût
mieux afiôrtis que l’inclination des enfans ( ce qui
eft prefque toûjours indifférent à l’état ) , ne fera-ce
pas un grand poids dans l’autre côté de la balance ,
que le nombre des mariages, que le luxe des parens,
le defir de jouir, le chagrin de la privation,peutfup-
primer ou retarder, en faifant perdre à l’état les années
ptécieufes & trop bornéesde la fécondité des femmes?
Tome JC,
M A R 105
Comme un des grands objets du mariage eft d’ôter
toutes les incertitudes des unions illégitimes, la religion
y imprime fon car-aélere, 6c les lois civiles y
joignent le leur, afin qu’il ait l’authentieité requife
de légitimation ou de réprobation. Mais pour ce qui
regarde la defenfe de prohibition de mariage entre parens,
c’eft yne chofe très-délicate d’en fixer le point
par les lois delà nature.
II n’eft pas douteux que les mariages entre les af-
cendans 6c les defcendans en ligne direûe, nefoient
contraires aux lois naturelles comme aux civiles *
6c l’on donne de très-fortes raifons pour le prouver.*
D abord le mariage etànt établi pour la multiplication
du genre humain, il eft contraire à la nature
que I on le marie avec une perfonne à qui l’on a
donné la naiffance, ou médiatement ou immédiatement
, 6c que le fang rentre pour ainfi dire dans
la fource dont il vient. De plus, il feroit dangereux
qu un pere ou une mere , ayant conçu de l’ampur
pour une fille ou un fils, n’abufaffent de leur autorité
pour fatisfaire une paffion criminelle , du v ivant
même de la femme ou du mari à qui l’enfânt
doit en partie la naiffance. Le mariage du fils avec la
mere confond l’état des chofes : le fils doit un très-
grand refpeû à fa mere ; la femme doit auffi du ref-
peél à Ion mari ; le mariage d’une mere avec fon fils
renverferoit dans l’un 6c dans l’autre leur état naturel.
Il y a plus : la nature a avancé dans les femmes
le tems où elles peuvent avoir des enfans, elle la
reculé dans les hommes; 6c , par la même raifon, la
femme ceffe plutôt d’avoir cette faculté , 6c l’homme
plus tard. Si le mariage entre la mere & le fils
étoit permis ,_ il airiveroit prefque toûjours que
lorfque le mari feroit capable d’entrer dans les vues
la nature, la t'emmu enauroit pâlie le ternie. Le
mariage^ entré le pere & k jû le répugne 4 la nature
comme le précèdent; mais il y répugne moûts parce
qu’il n’a point cés deux obftaclès.Auffi lesTartares
qui peuvent éponfer-îeurS filles, n’épûufent-ils ia-
mais leurs meres.
II a toûjours été naturel aux peres de veiller fur
la pudeur de leurs enfans. Chargés du foin de les
établir, ils ont dû leur Conferver & lé corps le
plus parfait, 6c 1 ame la moins corrompue, tout ce
qui peut mieux infpirer des defirs, & tout ce qui
eft le plus propre à donner de la tendreffe. Des peres
toûjours occupés à conferver les moeurs de leurs
enfans, ont dû avoir un éloignement naturel pour
tout ce quipourroit les corrompre. Le mariage n’eft
point unfe corruption , dira-t-on ; mais, avant le mariage,
il faut parler; il faut fe faire aimer, il faut
féduire ; c’eft cette féduôion qui a dû faire horreur.
Il a donc fallu une barrière infurmontable entre ceux
qui dévoient donner l’éducation & ceux qui dévoient
Arec®v ^ r > & éviter toute forte de corruption,
même pour caufe légitime.
L’horreur pour l’incefte du frere avec la foeur a dû
partir de la même fource. Il fuffit que les peres &
meres aient voulu conferver ies moeurs de leurs enfans
& leur maifon pure, pour avoir infpiré à leurs
enfans de l’horreur pour tout ce qui pouvoit les porter
à l ’union des deux fexes.
La prohibition du mariage entre coufins-germains
a la même origine. Dans les premiers tems, c’eft-à-
dire, dans les âges où le luxe n’étoit point connu ,
tous les enfans reftoient dans la maifon & s’y établif-
foient : c’eft qu’il ne falloit qu’une maifon très-petite
pour une grande famille, comme on le vit chez les
premiers Romains. Les enfans des deux freres, ou
lés coufins-germains, étoient regardés 6c fe regar-
doient entr’eux comme freres. L’éloignement qui
étoit entre les freres & foeurs pour le mariage , étoit
donc auffi entre les coufins-germains.
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