alors devenus infipides , & ce font pourtant ceux
qui font le plus de nature à remplir le vuide de la
vie. L’ivreffe de quelques momens eût alors em-
poifonné tout le relie du tems par l’ennui. Eût-ce
été par l’augmentation des plaifirs de l’ame qu’on
nous eût confolés de nos douleurs ? ils euffent fait
oublier le foin du corps. Enfin auroit-on redoublé
dans une même proportion tous les plaifirs , ceux
des fens , de f efprit & du coeur ? Mais il eût fallu
auffi ajouter dans la même proportion une nouvelle
vivacité aux fentimens douloureux. Il ne feroit pas
moins pernicieux pour le genre humain, d’accroître
le fentimenr du plaifir fans accroître celui de la douleur
, qu’il le feroit d’affoiblir le fentiment de la
douleur fans affaiblir celui du plaifir. Ces deux différentes
réformes pioduiroient le même effet, en af-
foibliffant le frein qui nous empêche de nous livrer
à de mortels excès.
Les mêmes légiflateurs euffent fans doute caraâé-
rifé par l’agrément tous les biens néceffaires à notre
confervation , mais eulfions-nous pu efpérer d’eux
qu’ils euffent été auffi ingénieux que l ’eft la nature,
à ouvrir en faveur de la vû e , de l’ouïe & de l’efprit,
des fources toujours fécondes de fentimens agréables
dans la variété des objets, dans leur fy mmétrie,
leur proportion & leur reffemblance avec des objets
communs ? Auroient-ils fongé à marquer par
une impreffion de plaifirs ces rapports fecrers qui
font les charmes de la mufique, les grâces du corps
& de l’efprit, le fpeôacle enchanteur de la beauté
dans les plantes , dans les animaux, dans l’homme,
dans les penfées , dans les fentimens ? Ne regrettons
donc point la réforme que M. Bayle auroit voulu
introduire dans les lois du fentiment. Reconnoif-
fons plutôt que la bonté de Dieu eft telle, qu’il fem-
ble avoir prodigué toutes les fortes de plaifirs &
d’agrëmens, qui ont pû être marqués du lceau de fa
fageffe. Concluons donc, que pûifque la diftribution
du plaifir & celle de la douleur entre également
dans la même unité de deffein , elles n’annoncent
point deux intelligences effentiellement ennemies.
Je fens qu’on peut m’obje&er que Dieu auroit pu
nous rendre heureux ; il n’eft donc pas l’Etre infiniment
bon» Cette objeûion fuppofe que le bonheur
des créatures raifonnables eft le but unique de Dieu.
Je conviens que fi Dieu n’avoit regardé que l’homme
dans le choix qu’il a fait d’un des mondes poffi-
bles , il auroit choifi une fuite de pofiibles , d’où
tous ces maux feroient exclus. Mais l’Etre infiniment
fage fe feroit manqué à lui-même , & il n’au-
roit pas fuivi en rigueur le plus grand réfultat de
toutes fes tendances au bien. Le bonheur del’homme
a bien été une de fes vues , mais il n’a pas été l’unique
& le dernier terme de fa fageffe. Le relie de
l’univers a mérité fes regards. Les peines qui arrivent
à l’homme font une fuite de fon affujettiffe-
ment aux lois univerfelles , d’où fort une foule de
biens dont nous n’avons qu’une eonnoiffance imparfaite.
Il eft indubitable que Dieu ne peut faire
fouffrir fa créature pour la faire fouffrir. Cette volonté
impitoyable & barbare ne fauroit être dans
celui qui n’eft pas moins la bonté que la puiffance.
Mais quand le mal de l’humanité eft la dépendance
néceffaire du plus grand bien dans le t o u t i l fkut
que Dieu fe laiffe déterminer pour ce plus grand
bien. Ne détachons point ce qui eft lié par un noeud
jndiffoluble. La puiffance de Dieu eft infinie, auffi-
bien que fa bonté , mais l’une ôc l’autre eft tempérée
par fa fageffe, qui n’eft pas moins infinie, & qui
tend toujours au plus grand bien. S’il y a du mal dans
fon ouyrage , ce n’eft qu’à titre de condition, il n’y
eft même qu’à titre de nécemté qui le lie avec le
plus parfait » il n’y eft qu’en vertu de la limitation
originale de la créature. Un monde on notre bonheur
n’eut jamais été altéré, & où la nature entieré
auroit fervi à nos plaifirs fans mélange de difgraces,
étoit affurément très poffible; mais il anrôit entraîné
mille défordres plus grands que n’eft le mélange
des peines qui troublent nos plaifirs.
Mais Dieu nepouvoit-il pasfe difpCnfer de nous
affujettir à des corps, & nous fotiftràire par-là aux
douleurs qui fuivent cette union ? Il rie le de voit pas,
parce que des créatures faites comme nous, entroient
néceffairerrtent dans le plan du meilleur monde. Il
eft vrai qu’un monde où il n’y auroit eu que des intelligences
, étoit poffible , de même qu’un monde
où il n’y auroit eu que des êtres corporels. Un troi-
fieme monde, où les corps exiftantavec les efprits,
ces fubftances diverfes auroierit été fans rapport
entre elles, etoit egalement poffible. Mais fous ces
mondes font moins parfaits que le nôtre, qui, outre
les purs efprits du premier , les êtres corporels du fécond
, les efprits &c les corps du troifieme, contient
une liaifon , un concert entre les deux efpeces de
fubftances créables. Un monde où il n’y auroit eu
que des efprits , aufoit été trop fimple,trop uniforme.
La fageffe doit varier davantage fes ouvrages:
multiplier uniquement la même chofe, quelque
noble qu’elle puiffe être , ce feroit une fuperfluité.
Avoir mille Virgiles bien reliés dans fa bibliothèque,
chanter toujours les mêmes airs d’un opéra,
n’avoir que des boutons dediamans , ne manger que
des faifans , ne boire que du vin de Champagne ,
appelleroit-on cela raifon ? Le fécond monde, je
yeux dire celui qui auroit été purement matériel ,
étant de fa nature infenfible & inanimé, ne fo feroit
pas cormu & auroit été incapable de rendre à Dieu
les a étions de grâces qui lui font dûes. Le troifieme
monde auroit ete comme un édifice imparfait, ou
comme un palais ou auroit régné la folitude, comme
un état fans chef, fans roi, ou comme un temple fans
facrificateur. Mais, dansun monde oùTefprit eft uni
à la matière , l’homme devient le centre de tout, il
fait remonter jufqu’à Dieu tous les êtres corporels*
dont il eft le lien néceffaire. Il eft l’ame de tout ce
qui eft inanimé, l’intelligence de tout ce qui en eft
privé, l’interprete de tout ce qui n’a pas reçu la parole
, le prêtre & le pontife de toute la nature. Qui
ne voit qu’un-tel monde, eft beaucoup plus parfait
que les autres ?
Mais- revenons au fyftème des deux principes*
M. Bayle ’convient lui-même que lès idées les plus
fûres & les plus claires de l’ordre nous apprennent
qtt’un être qui exifte par lui-même , qui eft néceffaire
, qui eft eternel, doit être unique , infini, tout-
puiffant, & doué de toutes fortes de perfections ; qu’à
confulter ces idées, on ne trouve rien de plüs abfurde
qHe l’hypothefe de deux principes éternels & indé-
pendans l’un de l’antre. Cet aveu de M. Baylè me
fnffit, & je n’ai pas befoin de le fnivre dans tous fes
raifonnemens. Mais un fyftème, pour être bon , dit-»
i l , a befoin de ces deux chofes; l’une, que les idées
en foient diftinétes ; l’autre , qu’il puiffe rendre raifon
des phénomènes. T en conviens : mais fi les idées
vous manquent pour expliquer les phénomènes, qui
vous oblige de faire un fyftème, qui explique toutes
les contradictions que vous vous imaginez voir
dans l’univers. Pour exécuter un fi noble deffein, il
vous manque des idées intermédiaires que Dieu n’a
pas jugé à propos de vous donner : aum-bien quelle
néceflité pour la vérité du fyftème que Dieu s’eft
preferit, que vous le puiffiez comprendre? Concluons
qu’en fuppofant que le fyftème de l’imité de
principe ne fuffit pas pour l’explication des phénomènes
r vous n’êtés- pas en droit d’àdmettre comme
vrai celuldes Manichéens. Il lui manque une condition
éffentielle , c’eft de n’être pas fon décomme
’vous en convenez, fur des idées claires & fûreS,
n).ai,s plutôt fur des. idées abfurdes. Si donc il rend
raifon des phénomènes ,; il ne faut pas lui en tenir
compte ; il ne peut devoir cet avantage qu’à ce qu’il
a de défectueux dans fes principes. Vous ne frappez
donc pas au but, en.é.talant ici tous, vps raifonnemens
en faveur du Manichéifme. Sachez qu’une:fupppfition
n’eft mauvaife quand elle ne peut rendre raifon des
phénomènes, que lorfq.ue cette incapacité vient du
fond de la fuppofition même, mais fi,fon incapacité
vient des,bornes.de1 notre efprit, ÔC.de ce que nous
n,avons pas encore affez acquis de çonnoiftances
pour la faire fervir, il eft faux qu’elle, foit mauvaife.
Bayle a bâti fon fyftème touchant l’origine. d.u mal,
fur les principes de, la bonté , de la fa.intet-é & de la
toute,-puiffance de Dieu. Mallebranche préféré ceux
dp l’ordr.e , de la fageffe,. Leibnitz croit qu’il ne faut
que fa raifon fuffiiànte pour expliquer tout. Les
Théologiens emploient les,principes, de la liberté,
de la providence générale &$de la chiite. d’Adam.
Le^ Sociniens nient la prefcience divine ; les. Origé-
niftes, l’éternité des peines.; Spinofa n’admet qu’une
aveugle & fatale néceffité ; les Philofo,phes payens
ont en recours, à la métempfycofe. Les. principes,
d,o.nt.Bayle,, Mallebranche, Leibnitz, & les Théologiens
fe fervent , font autant de. vérités. C ’eft
l’avantage qu’ils, ont fur ceux des Sociniens., des Ori-
géniftes j des Spinofiftes & des. Philpfophes payens.
Mais, aucune de ces vérités n’eft affez féconde pour
nous, donner la raifon de tout. Bayle ne fe trompe
point, lorfqu’il dit que Dieu.eft faint, bon, tout-
puiffant : il fe trompe fur ce qu’en croyant ces don-,
72fifis là fuffifantes, il veut faire un fyftème. J’en dis,
autant des autres. . Le petit nombre, de vérités que
notre raifon peut découvrir ,. & celles, qui nous.font
révélées font partie d’un fyftème propre à refondre
tous les problèmes po.ffibies , mais elles, ne font
pas, deftinées à nous le, faire connoître. Dieu n’a
tiré qu’un pan du Voile , qui nous cache ce grand
myftere de l’origine du mal. On peut juger par-là.
file s objections de Bayle , quelle que foit la force
H i’adreffe avec laquelle, il les a maniées , &c avec
quelque air de triomphe que ces gens les faffent valoir
, étoient dignes, de toute la terreur qu’elles ont
répandue dans les efprits.
• MANICHOIRE, f. m. ( Cordonnerie. ) eft un morceau
de buis plat & mince, en rondache par les. deux
bouts, un bout plus large que l’autre ; il fert à ranger
Ie.$ points, de derrière les fouliers, Foye{ nos,
Plancltes du Cordonnier-Bottier.
MANICORDE ou CLARICORDE , f. m. (Za-
«Aew.)inftrument de mufique en forme depinette.
Foye{ Ép in e t t e .
Il y a 49 ou 50 touches ou marches, & 70 cordes
qui portent fur 5 chevalets , dont le premier eft le
plus haut ; les autres vont en diminuant. Il a quelques
rangs de cordes à l’uniffon, parce qu’il y en a
plus que de touches..
On y pratique plufieurs petites mortaifes, pour
faire paffer les fauteraux armés, de petits crampons
d’airain qui touchent & hauffent les cordes , au lieu
de la plume de corbeau qu’ont ceux des claveffins
& des epinettes. Mais ce qui le diftingue encore
plus, c’eft que fes cordes font couvertes depuis le
clavier jufqu’aux mortaifes, de morceaux de drap
qui rendent le fon plus doux, & l’étouffent tellement
qu’on ne le peut entendre de loin.
Quelques perfonnes l’appellent par cette raifon,
épinette fonrde ; ôc c’eft ce qui fait qu’il eft particulièrement
en ufage dans, les couvens religieufes .où
pn s’en fert par préférence pour apprendre à jouer
du claveffin dans la crainte de troubler le filçnce
du dortoir.
Le claricorde eft plus ancien que le claveffin &
l’épinette, comme le témoigne Scaliger, qu’il ne
lui donne au refte que 35 cordes. Foyer C la-
1 VESSIN.
MANICORDION , f. m. terne de Luth. c'eO. une
forte de fil de fer ou de léton très-fin & très-délié
I dont on fait les cordes des manicordions , epinettes,
j claveffins , pfalterions & autres inftrumens de mu-
j fique femblables.
I MAN1C 0 U , f. m. ( Hiß. neu. ) quadrupède gros
J àrpeu-pres comme un lievre; il eft couvert d’un
| poil affez rude, de couleur grife tirant fur le rouffâ-
tre fa tête approche de celle du renard, mais plus
allongée, ayant le mufeau pointu, les oreilles droites.
,1,es yeux ronds paroifta,nt fortir de la tête , la.
gueule très-fendue öl garnie de dents fort aiguës ;
lès pattes font armées d’onglçs affez forts ; fa queue
elt extrêmement longue , for-tfouple, &l pelée comme
celle d’un rat; ce n’eft- pas la partie la moins
utile à 1 animal ; il s en fort non-feulement pour s’accrocher
aux branches dçs arbres, mais encore pour
épouvanter & faifir les, volailles dont il eft extrêmement
avide. Il a fous le ventre entre les cfou:x
çuiffes unç efpece de poche ouverte en longueur
çomme le jabot d’une çhemifo, dans laquelle la femelle
retire fos petits, foit pour les ajaiter ou les
t-ranfporter plus commodément d’un li.eu, en un autre
, & par ce moyen les fouftraire à la pourfuite des
chiens & des çhaffeurs. Cet animal eft fi ftupide,
qu’étant furpris. fl n’ofo s’enfuir fe foiffo tuer à
çoups de bâton ; fa chair peut s’accommoder à difi
foi entes fauçes, mais il faut a voir faim pour en man?
ger ; car elle exhale une odeur qui répugne ; lçs feul$
negres en font ufa-gê. Le manicqu le trouve très-eom7
munémept dans, les îles de la Grenade, des Grena?
dins , de Tobago , & autres fies, qui avoifinent le
continent de l’Amérique. On le nomme quelquefois
opojfiim, coriguayra, maritacaca, Ôcfilander, félon les
différens pays où il fe rencontre. M. l e R om a in .
MANIE, f. f. Ç tyedficine, ') /amih , vient du mpt
grec /xcLivopai, qui lignifie je fuis en fureur. On appelle
de ce nom un délire univerfel fansfievre, dq
moins effentielle : affez fouyent ce délire eft furieux
avec audace, colere, ôç alors il mérite plus rigou-
reufement le nom de m.ani# ; s’il eft doux tranquille
, Amplement ridicule, on doit plutôt l’appel-
ler folie, imbécillité. Voyez ces niops. Comme ces
différens états, ne font que desi degrés, des efpeces
de manie, tous, dépendans de la même çaufe, nous
comprendrons en général dans cet article toutes ces
maladies longues dans lefquelles les malades non-
feulement déraifonnent, mais n’apperçoivent pas
comme il faut, 8f font des avions qui font ou pa-
roiffent être fans motifs extraordinaires ridicules.
Si les malades n’avoient qu’un ou deux objets déterminés
de délire, & que dans les autres fujets ils
fe comporta ffent en perfonnes fenfées, ç’eft-à-dire
comme la plûpart des hommes , ils feroient cenfés
mélancoliques Sc non pas maniaques, & c . f^oye^
l'article Melancholie.
La manie eft ordinairement annoncée par quelques
lignes qui en font les avant-coureurs ; tels font
la mélancholie, des douleurs violentes dans la tête,
des veilles opiniâtres, des fommeils leger s , inquiets,
troublés par des fonges effrayans, des foycis, des
trifteffes qu’on ne fauroit diffiper, des terreurs , des
coleres excitées par les caufos les plus legeres. Lorf-
.que la manie eft fur le point de fo décider, les yeux
font frappés, éblouis de tems en tems par des traits
de lumières, des efpeces d’éclairs ; les oreilles font
fatiguées par des bruits, des bourdqnnemens pref-
que continuels ; l’appétit vénérien devient immodéré
, les pollutions nofturnes plus fréquentes ; fos
malades fondent en pleurs, pu rient demefurément
contre leur coutume ôc fans rajfon apparente ; ils
parlent beaucoup à»tort & à-travers, .ou. gardent