■ or , outre l’avantage qui réfulte pour le commerce
■ général-de ce bas prix , il en réfulte un autre très-
important pour la culture même des terres. ^ Si la
•main-d’oeuvre des manufactures difperfees etoit a un
tel point que l’ouvrier y trouvât une utilité fupérieu-
re à celle de labourer la terre , il abandonnerait bien
vite cette culture. Il eft vrai que par une révolution
nécefl'aire, les denrées fervant à la nourriture
venant à augmenter en proportion de l’augmentation
de la main-d’oeuvre, il feroit bien oblige en-
fuite de reprendre fon premier métier, comme le
plus fur : mais il n’y feroit plus fait, & le goût de
la culture fe feroit perdu. Pour que tout aille bien,
il faut que la culture de la terre foit l’occupation
du plus grand nombre ; & que cependant une grande
partie du moins de ceux qui s’y emploient s’occupent
aufli de quelque métier, & dans le tems fur-
tout oh ils ne peuvent travailler à la campagne. Or
ces tems perdus pour l’agriculture font très-fré-
quens. Il n’y a pas aufli de pays plus ailes que ceux
oh ce goût de travail eft établi ; & il n’eft point
d’obje&ion qui tienne contre l’expérience. C’eft fur
ce principe de l’expérience que font fondées toutes
les réflexions qui compofent cet article. Celui qui
l’a rédigé a vû fous ces yeux les petites fabriques
faire tomber les grandes, fans autre manoeuvre que
celle de vendre à meilleur marché. Il a vû aufli de
grands établiffemens prêts à tomber, par la feule
raifon qu’ils étoient grands. Les débitans les voyant
chargés de marchandifes faites, &C dans la nécef-
fité preffante de vendre pour fubvenir ou à leurs
cngagemens , ou à leur dépenfe courante, fe don-
noient le mot pour ne pas fe preffer d’acheter ; &
«bligeoient l’entrepreneur à rabattre de fon prix ,
& fouvent à perte. Il eft vrai qu’il a vû aufli, &
il doit le dire à l’honneur du miniftere, le gouvernement
venir au fecours de ces manufactures, &les
aider à foutenir leur crédit & leur établiflement.
Onobje&era fans doute à ces réflexions l’exemple
de quelques manufactures réunies , qui non-feulement
le font foutenues, mais ont fait honneur à la
nation chez laquelle elles étoient établies, quoique
leur objet fût de faire des ouvrages qui auroient pû
également être faits en maifon particulière. On citera,
par exemple, la manufacture de draps fins d’Abbeville
; mais cette obje&ion a été prévenue. On
convient que quand il s’agira de faire des draps de
la perfeâion de ceux de Vanrobais, il peut devenir
utile, ou même nécefl'aire, de faire des établiflemens
pareils à celui oh ils fe fabriquent ; mais comme
dans ce cas il n’eft point de fabriquant qui foit affez
riche pour faire un pareil établiflement, il eft né-
ceffaire que le gouvernement y concoure , & par
des avances, & par les faveurs dont il a été parlé
ci-deffus ; mais, dans ce cas-même, il eft nécefl'aire
aufli que les ouvrages qui s’y font foient d’une telle
néceffité, ou d’un débit fi affuré, & que le prix en
foit porté à tel point qu’il puifl'e dédommager l’entrepreneur
de tous les défavantages qui naiffent naturellement
de l’étendue de fon établiflement ; &
que la main-d’oeuvre en foit payée aflez haut par
l’étranger, pour compenfer l’inconvénient de tirer
d’ailleurs les matières premières qui s’y confomment.
Or il n’eft pas fur que dans ce cas-meme les femmes
qui ont été dépenfées à former une pareille fabrique
, fi elles euflfent été répandues dans le peuple
pour en former des petites, n’y euffent pas été aufli
profitables. Si on n’a voit jamais connu les draps de
Vanrobais, on fe feroit accoutumé à en porter de
qualités inférieures, & ces qualités auroient pû être
exécutées dans des fabriques moins difpendieufes &
plus multipliées.
MANUMISSION , f. f. ( Jurifprud.) quafide manu-
miJji-Oy c’eft l’aéte par lequel un maître affranchit fon
efclave ou ferf, 6c le met, pour ainfi dire ] hors
de fa main. Ce terme eft emprunté du droit romain,
oh l’affranchifl'ement eft appellé manumiffio. Pat mi
nous on dit ordinairement affranchifjement.
Il y avoit chez les Romains trois formes différentes
de manumijjîon. »
La première, qui étoit la plus folemnelle , étoit
celle que l’on appelloit per vindiclam , d’oh l’on di-
foit aufli vindicare in Libertatem. Les uns font venir
ce mot vindicta de Vindicius, qui, ayant découvert
la confpiration que les fils de Brutus formoient pour
le rétabliffement des Tarquins , fut affranchi pour
fa récompenfe. D’autres loutiennent que vindïcare
venoit de vindicta, qui étoit une baguette dont le
préteur frappoit l’efclave que fon maître vouloit
mettre en liberté. Le maître en préfentant fon efclave
au magiftrat le tenoit par la main, enfuite il
le laiffoit aller, 6c lui donnoit en même tems un
petit fouflet fur la joue, ce qui étoit le fignal de la
liberté ; enfuite le conful, ou le préteur frappoit
doucement l’efclave de fa baguette , en lui dilant ;
aio te effe liberum more quiritum. Cela fait, l’efclave
étoit inferit fur le rôle des affranchis , puis il fe fai-
foit rafer, & fe couvroit la tête d’un bonnet appelle
pileus, qui étoit le *fymbole de la liberté : il alloit
prendre ce bonnet dans le temple de Féronie, déeffe
des affranchis.
Sous les empereurs chrétiens cette première forme
de manumijjîon fouffrit quelques changemens ;
elle ne fe fit plus dans les temples des faux Dieux ,
ni avec les mêmes cérémonies ; le maître condui-
foit feulement l’efclavedans une églife chrétienne,
là on lifoit l’a&e d’affranchiffement ; un eccléfiafti-
que fignoit cet aéte, 6c l’efclave étoit libre : celà
s’appelloit manumiffio in facro -fanclis ecclefiis , ce
qui devint d’un grand ufage.
La fécondé forme de manumiffion étoit per epiflo-
lam & inter amicos ; le maître inyitoit fes amis à un
repas, & y faifoit affeoir l’efclave en fa prcfence ,
au moyen de quoi il étoit réputé libre. Juftinien ordonna
qu’il y auroit du-moins cinq amis témoins de
cette manumijjîon.
La troifieme fe faifoit per tejîamentum, comme
quand le teftateur ordonnoit a fes héritiers d’affranchir
un tel efclave qu’il leur défignoit en ces termes
, N . . , fervus meus liber ejlo : ces fortes d’affranchis
étoient appellés orcini, ou charonitoe, parc©
qu’ils ne jouiffoient de la liberté que quand leurs patrons
avoient paffé la barque à Caron , 6c étoient
dans l’autre monde, in orco. Si le teftateur prioit
Amplement fon héritier d’affranchir l’efclave , l’héritier
confervoit fur lui le droit de patronage ; 6c
quand le teftateur ordonnoit que dans un certain
tems l’héritier affranchiroit un efclave, celui-ci étoit
nommé Jiatu liber ; il n’étoit pourtant libre que quand
le tems étoit venu ; l’héritier pouvoit même le vendre
en attendant ; & dans ce cas , l’efclave, pour
avoir fa liberté, étoit obligé de rendre à l’acquéreur
ce qu’il avoit payé à l’héritier.
Les affranchis étoient d’abord appellés liberti, 6c
leurs enfans libertini ; néanmoins dans la fuite on fe
fervit de ces deux termes indifféremment pour de-
figner les affranchis.
Quand l’affranchiffement étoit fait en fraude des
créanciers, ils le faifoient déclarer nul, afin de pou-*
voir faifir les efclaves.
Il en étoit de même quand l’affranchi, n’ayant
point d’enfans, donnoit la liberté à fes efclaves ; le
patron faifoit déclarer le tout nul.
Ceux qui étoient encore fous la puiffance paternelle
, ne pouvoient pas non plus affranchir leurs efclaves.
La loi fûfîa caninia avoit réglé le nombre des efclaves
qu’il étoit permis d’affranchir ; favoir, que
celui qui n’en avoit que deux pouvoit les affranchir
tous deux ; celui qui en avoit trois , deux feulement
; depuis trois jufqu’à dix , la moitié ; depuis
dix jufqu’à trente, le tiers ; de trente à cent, le
quart ; de cent à cinq cens , la 5e partie ; 6c elle
défendoit d’en affranchir au-delà en quelque nombre
qu’ils fuffent ; mais cette loi fut abolie par Juftinien,
comme contraire à la liberté qui eft favorable.
En France, dans.le commencement de la monarchie
, prefque tout le peuple étoit ferf. On commença
fous Louis le Gros, 6c enfuite fous Louis VII.
à affranchir des villes 6c des communautés entières
d’habitans, en leur faifant remife du droit de taille à
volonté, & du droit de mortable, au moyen de quoi
les enfans fuccédoient à leurs peres. On leur remit
aufli le droit de fuite , ce qui leur laiffa la liberté de
choifir ailleurs leur domicile. S. Louis acheva d’abolir
prefque entièrement les fervitudes perfonnelles.
Il fe faifoit aufli quelques manumijjions particulières
dont on trouve des formules dans Marçulphe.
Il refte pourtant encore quelques veftiges de fer-
vitude dans certaines provinces, dans lelquelles il
y a des ferfs ou gens de main-morte, comme en Bourgogne
, Nivernois , Bourbonnois. Dans ces provinces
l’affranchiffement fe fait par convention ou par
defaveu. Il fe fait aufli par le moyen des lettres de
nobleffe , ou d’une charge qui donne la nobleffe,
à la charge feulement d’indemnifer le feigneur.
Dans les colonies françoifes, où il y a des negres
qui font efclaves , ils peuvent être affranchis , fui-
vant les réglés preferites par l’édit du mois de Mars
1685 , appellé communément le code noir.
Les maîtres âgés de vingt ans peuvent, fans ayis
de parens , affranchir leurs efclaves par tous aéles
entre-vifs , ou à caufe de mort, fans être tenus d’en
rendre aucune raifon.
Les efclaves qui font nommés légataires univer-
fels par leurs maîtres, ou nommés exécuteurs de
leurs teftamens, ou tuteurs de leurs enfans, font tenus
pour affranchis.
Les affranchiffemens ainfi faits dans les îles , y
opèrent l’effet de lettres de naturalité, & dans tout
le royaume.
Il eft enjoint aux affranchis de porter un refpeô
fingulier à leurs anciens maîtres, à leurs veuves 6c
à leurs enfans, enforte que l’injure qu’ils leur auroient
faite feroit punie plus grièvement que fi elle
étoit faite à toute autre perfonne. Les anciens maîtres
n’ont cependant aucun droit, en qualité de patrons
, fur la perfonne des affranchis, ni fur leurs
biens 6c fucceflions.
Les affranchis jouiffent, fuivant ces Ioix, des mêmes
droits que ceux qui font nés libres.
C’eft une ancienne maxime de droit,que le ventre
affranchit, c’eft-à-dire , que les enfans fuivent la
condition de la mere par rapport à la liberté : les
.enfans d’une femme efclave font efclaves.
En France toutes perfonnes font libres ; 6c fitôt
qu’un efclave y arrive, il devient libre en fe faifant
baptifer.
Il eft néanmoins permis à ceux qui amènent des
efclaves en France, lorfque leur intention eft de retourner
aux îles, d’en faire leur déclaration à l’amirauté
, au moyen de quoi ils confervent leurs efclaves.
Voye{ ledit de 1716.
Sur les manumijjions 6c affranchiffemens. Voyelle
liv. X X X X . du digeft , 6c au code le liv. VII. depuis
le tit. 1 jufquau tit. xS ; le Glojfe de Ducange,
au mot manumiffio ; le Dict. de Brillon, au mot affranchi,
6c le tit. de la Jurifp. rom. de M.Terraffon. (A')
MANUSCRIPT, f. m. ( Litt. ) ouvrage écrit à la
main. C ’eft la confultation des m. f. qui donne à
une édition fon exaâitude. C’eft le nombre des anciens
m. f. qui fait la riçheffç d’une bibliothèque.
V o y e i ces articles Bibliothèque, Littérature
, Livre.
MANUS D E J emplâtre. (P h arm. Mat. med, ex te t.J
En voici la compofition d’après la pharmacopée de
Paris. Prenez d’huile d’olive deux livres , de lithar-
ge d’or préparée dix-fept onces , de cire jaune vingt
onces, de verd-de-gris une once, de gomme ammoniac
trois onces & trois dragmes, de galbanum une
once & deux dragmes, d’opopanax une once, de
fagapenum deux onces, de maftic une on ce , de-
myrrhe une once & deux dragmes, d’oliban 6c bdèl-
lium de chacun deux onces , d’ariftoloche ronde un©
once , de pierre calaminaire deux onces. Premièrement
cuifez la litharge avec l’huile dans une bafline
de cuivre, avec fuflilante quantité d’eau, jufqu’à
confiftence d’emplâtre, félon Part ; jettez enfuite la
cire dans la bafline , & faites-la fondre avec ; cela
étant fa it , retirez la bafline du feü , 6c ajoutez le-
galbanum, la gomme ammoniac, l’opopanax & le
fagapenum fondus enfemble , paffés à-travers un.
linge 6c convenablement épaifliS; enfin ajoutez 1©
maftic, la myrrhe, l’oliban , le bdelhum , la pierre
calaminaire , le verd-de-gris 6c l’ariftoloche réduits
en poudre ; braffez vigoureufement pour mêler toutes
ces chofes, 6c votre emplâtre fera fait.
.Cet emplâtre eft du genre des agglutinatifs otv
emplaftiques proprement dits. Il paffe aufli à raifon
des gommes refines qu’il contient, pour puiffant ré-
folutif ; 6c à caufe du verd-de-gris, de l’ariftoloche,
& de la pierre calaminaire , pour deflicatif & mon-
dificatif. --(A)
MANUTENTION, f. îfGram.') foin qu’on prend
pour qu’une chofe ou refte comme elle eft, ou f®
rafle.. Les fouverains, les magiftrats doivent veiller
à la manutention des loix.
MAN Y , f. m. ( compofition. ) efpece de maftic d©
couleur brune, aflez fec , dont les Caraïbes , ainfi
que les Sauvages des environs de l’Orinoco, font
ufage pour cirer le fil de coton, & les petites cordelettes
de pitte, qu’ils emploient dans leurs différens
ouvrages : ils s’en fervent aufli somme d’un enduit en
le faifant chauffer, afin de le rendre liquide. C ’eft
un fecret parmi ces fauvages ; cependant, au moyen,
de quelques expériences que j’ai faites , le many ne
ne me paroît autre chofe qu’un compofé de parties
à-peu-près égales de la refîne de l’arbre appellé gommier
, & d’une cire naturellement noire , provenant
du travail de certaines mouches vagabondes, dont
les effains fe logent dans des creux d’arbres. Voyeç
Mouches a miel de l'Amérique. M. le R om a in .
MANYL-RARA, ( Botan, exot. ) grand arbre des
Indes orientales, portant un fruit affez femblable à
l ’o live, 6c qu’on mange. Voyeç-en la repréfentation.
dans l'Hortus de Malabar. (JD. / .)
MAO , MAN ou MEIN, f. f. ( Com.f poids en
ufage dans quelques lieux des Indes , qui n’a fans
doute ces trois noms qu’à caufe de la diverfe prononciation
ou des Orientaux, ou des marchands d©
l’Europe que le commerce attire en Orient.
Le mao pefe dix caris ; mais en des endroits comme
à Java, & dans les îles voifines, le cari n’eft que
de vingt raëls ; & en d’autres, comme à Cambaye,
il vaut vingt-fept raëls , le raël pris fur le pié d’une
once & demie poids de Hollande. On fe fert du
mao pour pefer toutes les denrées qui fervent à la vie.
Le mao d’Akgbar, ville du mogol,pefe cinquante
livres de Paris ; celui de Ziamger , autre ville des
états de ce prince, en pefe foixante. Dict. de comm.
MAON, (Géogr.facrée.') ville delà Paleftine dans
la tribu de Juda, & qui donne fon nom au defert de
Maon, où David demeura long-tems durant la per-
fécution que Saül lui fit. Cette ville de Maon eft apparemment
la même que Moenois , Moeonis, Me-
neum, qu’Eufebe met au voifinage de Gaze,