ment à l’incertitude : c’eft pourquoi l’un de ces deux
mots peut entrer comme l’autre dans une phrafe interrogative
; & nous trouvons effectivement dans
l ’Evangile , Matth. xij. 10 , cette queftion : Si licet
fabbatis curare? (eft-il permis de guérir les jours de
fabbat ) Et encore, Luc xxi). 49. Domine f i percuti-
mus ingladio?( Seigneur, frappons-nous de l’épée ? )
Et dans faint Marc , x. 2. Si licet viro uxorem dimit-
tere ? ( eft-il permis à un homme de renvoyer fon
époufe ? ) Ce que l’auteur de la traduction vulgate
n furement imité d’un tour qui lui ëtoit connu, fans
quoi il auroit employé an , dont il a fait ufage ailleurs.
Ajoutez qu’il n’y a ici que le tour interrogatif
qui puiffe lier cette propofition au refte , puifque
■ nous avons vu que l’explication ordinaire introdui-
foit un véritable galimathias. z°. ( Dicite igitur in
qnem finem ) fuccurritis urbi incenfa ? C ’eft encore
ici le befoin évident de parler raifon , qui oblige à
regarder comme interrogative une phrafe qui ne peut
tenir au refte que par-là ; niais en la fuppofant interrogative
, le fupplément eft donné tel ou à-peu-près
tel que je l’indique ici. 30. (Hoc negotiumunumut,)
moriamur & ( proinde ut ) ruamus in arma media ,
(decet nos) : les 'fubjonCtifs moriamur & ruamus fup-
pofent u t, 8c ut fuppofe un antécédent ( Voyc^ Incidente
& Subjonctif) , lequel ne peut guere
etre que kàc negotium 611 hoc negotium unum ; 8c cela
même combiné avec le fens général de ce qui précédé
, nous conduit au fupplément decet nos.
La fécondé remarque, c’eft qu’il s’enfuit de cette
conftruCtion qu’il eft important de corriger la ponctuation
du texte de Virgile en cette maniéré :
JuventSp fortiffima fruflrà
P ectora }f i vobis, audentem ex tréma, cupido ejl
Certafequi ? Qutz fit ,rébus , fortuna vidais :
Exccffêre omnes adytis arifque relictis
D î quibus imperium hoc fleterat. Succurritis urbi
Incehfce ? Moriamur & in media arma ruamus,
La troifieme remarque eft la conclufion même que
j’ai annoncée en amenant fur la feene ce paffage de
Virgile, c’eft que l’analyfe exaôe eft un moyen infaillible
de faire difparoître toutes les difficultés qui
ne font que grammaticales, pourvu que cette ana-
lyfe porte en effet fur des principes folides & avoués
par la raifon & par l ’ufage connu de la langue latine.
C ’eft donc le moyen le plus fur pour failir exactement
fe fens de l’auteur, non-feulement d’une maniéré
générale 8c vague, mais dans le détail le plus
grand & avec la jufteffe la plus précife.
Le petit échantillon que j’ai donhé pour effai de cette
méthode, doit prévenir apparemment î’obje&ion que
1 on pourroit me faire, que l’examen trop fcrupuleux
de chaque mot , de fa correfpondance, de fa pofition,
peut conduire les jeunes gens à traduire d’une maniéré
contrainte 8c fervile , en un mot, à parler
latin avec des mots françois. C ’eft en effet les dé- j
fauts que l’on remarque d’une maniéré frappante
dans un autèur anonyme qui nous donna-en 1750
( a Paris che£ Mouchet, 2 volumes in- I I ) un Ouvrage
intitule: Recherchesfur la langue latine, principalement
par rapport au verbe, & de la maniéré de le bien traduire.
On y trouve de bonnes obfervatïons fur les verbes
& fur d autres parties d’oraifon ; mais l’auteur, prévenu
qu Horace fans doute s’eft trompé quand il a
dit, art. po'èt. igp, , Necverbum verbo curabis redderc, .
fidus interpres, rend par-tout avec un fcrupule in-
foutenable , la valeur numérique de chaque m ot, 8c
le tour latin le plus éloigné de la phrafe françoife :
ce qui paroît avbir influé fur fa diction , lors même
qu’il énonce fes propres penfées : on y fent le làti-
nifme tout pur ; 8c l’habitude de fabriquer des termes
relatifs à fes vûes pqur la traduction , le jette
fouventdansle barbarifme. Je trouve, par exemple,
41a dermere ligne de la page 780, tome II. on ne Us
txpoft' à tomber en des défiguremens du texte original
ou même en des écarts du vrai fens; 8c vers la fin de
la page fuivante : En effet , après avoir propofépour
exemple dans fon traité des études , & qu’il y a beaucoup
exalté ceue traduction.
On pourroit penfer que ceci feroit échappé à l’auteur
par inadvertence; mais y il a peu de pages, dans
plus de mille qui forment les deux volumes, où l’on
ne puiffe trouver plufieurs exemples de pareils
écarts , 8c c’eft par fyftème qu’il défigure notre langue
: il en fait une profeflion expreffe dès la page
7 de fon épitre quifert de préface , dans une note très-
longue , qu’il augmente encore dans fon errata,page
8J9 , de ce mot de Furetiere : Les délicats improuvent
plufieurs mots par caprice , qui font bien françois & né~
ceffaires dans la langue, au mot improuver; & i{ a pour
ce fyftème, fur-tout dans fes traductions, la fidélité la
plus religieufe: c’eft qu’il eft fi attaché au fens le plus
littéral, qu’il n’y a point de facrifices qu’il ne fafl'e
& qu’il ne foit prêt de faire pour en conferver toute
l ’intégrité.
Il me femble au contraire que je n’ai montré la
traduction littérale qui réfulte de l’analyfe de la
phrafe, que comme un moyen de parvenir & à l’intelligence
du fens, 8t à la connoiffance du génie
propre du latin : car loin de regarder cette interprétation
littérale comme le dernier terme où aboutit
ta methofe analytique, je ramene enfuite le tout au
génie de notre langue, par le fecours des obferva-
tions qui conviennent à notre idiome.
On peut m’objeCter encore ta longueur de mes
procédés : ils exigent qu’on repaffe vingt fois fur les
memes mots , afin de n’omettre aucun-des afpccls
fous lefquels on peut les envifager : de forte que
pendant que j’explique une page à mes éleves,un
autre en expliqueroit au-moins une douzaine à ceux
qu’il conduit avec moins d’appareil. Je conviens volontiers
de cette différence, pourvu que l ’on me permette
d’en ajouter quelques autres.
i°- Quand les éleves de la méthode analytique ont
vu douze pages de latin, ils les fa vent bien & très-
bien , fuppofe qu’ils y aient donné l’attention convenable
; au lieu que les éleves de ta méthode ordinaire
, après avoir expliqué douze pages, n’en fa-
vent pas profondément ta valeur d’une feule, par la
raifon fimple qu’ils n’ont rien approfondi, même
avec les plus grands efforts de l’attention dont ils
font capables.
2?. Les premiers voyant fans ceffe ta raifon de
tous les procédés des deux tangues , ta méthode analytique
eft pour eux une logique utile qui les accoutume
à voir jufte , à voir profondément, à ne rien
lâiffer au hafard. Ceux au contraire qui font conduits
par ta méthode ordinaire , font dans une voie téné-
breufe, où ils n’ont pour guide que des éclairs pafla-
gers , que des lueurs oblcu^s ou illufoires , où ils
marchent perpétuellement à tâtons , & où , pour
tout dire, leur intelligence s’abâtardit au lieu de fe
perfectionner, parce qu’on les accoutume à ne pas
Voir ou à voir mal & fuperficiellement.
3°..C ’eft pour ceux-c&une allure uniforme & toujours
1a même ; & par conféquent c’eft dans tous
lès tems la même mefure de progrès , aux différences
près qui peuvent naître , ou des développemens
naturels 8c fponranés de l’efprit ou de l’habitude
d’aller. Mais il n’en eftpas'ainfi de 1a méthode analytique
: outre qu’elle doit aider & accélérer les déve-
loppemèns de l ’intelligence, & qu’une habitude contrariée
à la lumière eft bien plnsfûre 8c plus forte
que celle qui naît dans les ténèbres , elle difpofe les
jeunes gens par degrés à voir tout d’un coup l ’ordre
analytique, fans entrer perpétuellement dans le détail
de l’analyfe de chaque mot ; 8c enfin à fe contenter
ter de l’appercevoir mentalement, fans déranger
l’ordre ufuel de 1a phrafe latine pour en connoitre
le fens. Ceci demande fur l’ulage de cette méthode
quelques obfervations qui en feront connoître la pratique
d’une maniéré plus nette 8c plus explicite, &
qui répandront plus de lumière fur ce qui vient d’e-
tre dit à l’avantage de 1a méthode même.
C ’eft le maître qui dans les commencemens fait
aux éleves l’analyfe de 1a phrafe de ta maniéré dont
j’ai préfenté ci-devant un modèle fur un petit paffage
de Cicéron: il ta fait répéter enfuite à fes auditeurs,
dont il doit relever les fautes, en leur en expliquant
bien clairement l’inconvénient 8c 1a nécefiité de la
réglé qui doit les redreffer. Cette première befogne
v a lentement les premiers jours , 8c 1a chofe n’eft
pas furprenante ; mais 1a patience du maître n’eft pas
expofée à une longue épreuve : il verra bientôt croître
1a facilité à retenir & à repéter avec intelligence :
il fentira enfuite qu’il peut augme nter un peu ta tâche
; mais il le fera avec diferétion, pour ne pas rebuter
fes difciples : il fe contentera de peu tant qu’il
fera néceffaire, fe fouvenant toujours que ce peu eft
beaucoup, puifqu’il eft folide & qu’il peut devenir
fécond ; & il ne renoncera à parler le premier qu’ au
bout de plufieurs femaines, quand il verra que les
répétitions d’après lui ne coûtent plus rien ou pref-
que rien, ou quand il retrouvera quelques phrafes
de 1a fimplicite des premières par où il aura débuté,
& fur lefquelles il pourra effayer les éleves en leur
en faifant faire l’analyfe les premiers, après leur en
avoir préparé les moyens par ta conftruétion.
C ’ell ici comme le fécond degré par où il doit les
conduire quand ils ont acquis une certaine force. Il
doit leur faire ta conftruétion analytique, l’explication
litérale , & ta verfion exa&e du texte ; puis
quand ils ont répété le tout , exiger qu’ils rendent
d’eux-mêmes les raifons analytiques de chaque
mot : ils héfiteront quelquefois, mais bientôt ils trouveront
peu de difficulté, à-moins qu’ils ne rencontrent
quelques cas extraordinaires ; & je réponds
hardiment que le nombre de ceux que l’analyfe ne
peut expliquer eft très-petit.
Les éleves fortifiés par ce fécond degré, pourront
paffer au troifieme , qui confifte à préparer eux-mêmes
le tout, pour faire feuls ce que le maître faifoit
au commencement, l’analyfe, laconftruétion, l’explication
littérale, & ta verfion exaûe. Mais ic i, ils
auroient befoin , pour marcher plus furement, d’un
dictionnaire latin-françois qui leur préfentât uniquement
le fens propre de chaque mot, ou qui ne leur
aflignât aucun fens figuré fans en avertir & fans en
expliquer l’origine & le fondement. Cet ouvrage
n’exifte pas , & il feroit néceffaire à l’exécution entière
des vues que l’on propofe ici ; & l’entreprile
en eft d’autant plus digne de l’attention des bons citoyens
, qu’il ne peut qu’être très-utile à toutes les
méthodes ; il feroit bon qu’on y aflignât les radicaux
latins des dérivés & des compofés, le fens propre en
eft plus fenfible.
Exercés quelque tems de cette maniéré, les jeunes
gens arriveront au point de ne plus faire que 1a conf-
truftion pour expliquer littéralement & traduire en-
fuite avec correCtion , fans analyfer préalablement
les phrafes. Alors ils feront au niveau de 1a marche
ordinaire ; mais quelle différence entr’eux & les en-
fans qui fuivent la méthode vulgaire ! Sans entrer dans
aucun détail analytique, ils verront pourtant ta raifon
de tout par l’habitude qu’ils auront contractée de
ne rien entendre que par raifon : certains tours, qui
font effentiellement pour les autres des difficultés
très-grandes & quelquefois infolubles, ou ne les
arrêtent point du tout, ou ne les arrêtent que l’inf-
tant qu’il leur faudra pour les analyfer : tout ce qu’ils
expliqueront, ils le fauront bien, & c’eft ici le grand
Tomé X ,
avantage qu’ils auront fur les autres, pour qui il refte
toujours mille obfcurités dans les textes qu’ils ont expliqués
le plus foigneufement, & des obfcurités
d’autant plus invincibles & plus nuifibles, qu’on n’en
a pas même le foupçon : ajoutez-y que déformais ils
iront plus vîte que l’on ne peut aller par ta route ordinaire
, &c que par conféquent ils regagneront en
célérité ce qu’ils paroiffent perdre dans les commencemens
; ce qui affure à 1a méthode analytique ta fu-
périorité ta plus décidée, puifqu’elle donne aux progrès
des éleves une folidité qui ne peut fe trouver
dans 1a méthode vulgaire , fans rien perdre en effet
des avantages que l’on peut fuppofer à celle-ci.
Je ne voudrois pourtant pas que, pour le prétendu
avantage de faire voir bien des chofes aux jeunes
gens , on abandonnât tout-à-coup l’analyfe pour ne
plus y revenir : il convient, je crois , de les y exercer
encore pendant quelque tems de fois à autre, en
réduifant, par exemple, cet exercice à une fois par
femaine dans les commencemens, puis infenfible-
ment à une feule fois par quinzaine , par mois, &c.
jufqu’à ce que l’on fente que l’on peut effayer de
faire traduire correâement du premier coup fur la
fimple letture du texte : c’eft le dernier point où l’on
amènera fes difciples , & où il ne s’agira plus que de
les arrêter un peu pour leur procurer ta facilité re-
quife, & les difpofer à faifir enfuite les obfervations
qui peuvent être d’un autre reffof t que de celui de la
Grammaire , & dont je dois par cette raifon m’abfte-
nir de parler ici.
Je ne dois pas davantage examiner quels font les
auteurs que l’on doit lire par préférence , ni dans
quel ordre il convient de les voir f c’eft un point
déjà examiné & décidé par plufieui^ bons littérateurs
, après lefquels mou avis feroit fuperflu ; 8c
d’ailleurs ceci n’appartient pas à la méthode média-
nique d’étudier ou d’enfeigner les tangues, qui eft le
feul objet de cet article. Il n’en eft pas de même des
vûes propofées par M. du Marfais & par M. Pluche,
lefquelles ont dire&ement trait à ce méchanifme.
La méthode de M. du Marfais a deux parties, qu’il
appelle la routine & 1a raifon. Par 1a routine il apprend
à fon difciple 1a lignification des mots tout
Amplement ; il leur met fous les yeux 1a conftruc-
tion analytique toute faite avec les fupplémens des
ellipfes ; il met au - deffous la traduétion littérale de
chaque mot, qu’il appelle traduction interlinéaire t
tout cela eft fur la page à droite ; & fur celle qui eft
à gauche, on. voit en haut le texte tel qu’il eft forti
.des mains de l’auteur, & au deffous 1a traduétion
exaûe de ce texte. Il ne rend dans tout ceci aucune
raifon grammaticale à fon difciple, il ne l’a pas
même préparé à s’en douter ; s’il rencontre confilio >
il apprend qu’il lignifie confeil, mais il ne s’attend
ni ne peut s’attendre qu?il trouvera quelque jour
la même idée rendue par confilium, confilii9 confilia9
confiliorum, confiliis'. c’eft la même chofe à l’égard
des autres mots déclinables ; l’auteur veut que l’on
mene ainfi fon éleve , jufqu’à ce que frappé lui-
même de 1a diverfité des terminaifons des mêmes
mots qu’il aura rencontrés , & des diverfes fignifica-
j tions qui en auront été les fuites, il force le maître
par fes queftions à lui révéler le myftere des dé-
clinaifons, des conjugaifons, de ta fyntaxe, qu’il
ne lui a encore fait connoître que par inftinéh C ’eft
alors qu’a lieu 1a fécondé partie de la méthode qu’il
nomme 1a raifon, 8c qui rentre à-peu-près dans
l’efprit de celle que j’ai expofée : ainfi nous ne différons
M. du Marfais & moi, que par ta routine,
dont il regarde l’exercice comme indifpenfablement
préliminaire aux procédés raifonnes par lefquels
je débute.
Cette différence vient premièrement de ce que
M. du Marfais penfe que dans les enfans, l’organe,
M m m