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fait attention, t°. qu’ils font tous néceffaires à la
vie ; 2°. que la circulation influe fur les aâions de
tous les autres vifceres, 8c qu’elle eft réciproquement
entretenue & différemment modifiée par leur
concours mutuel; 30. que le moindre dérangement
dans l’aâion d’un vifcere fait fur les organes de la
circulation une impreflion feniible que le médecin
éclairé peut appercevoir dans le pouls : ainli la circulation
peut être & eft effectivement quelquefois
troublée, diminuée, 8c totalement anéantie par
un vice conlidérable dans un autre organe. On
trouve ordinairement dans ceux qui font morts de
maladies chroniques beaucoup de defordres dans le
bas-ventre, le foie, la ratte engorgés, abfcédés,
corrompus, les glandes du méfentere durcies, le
pancréas skirrheux, &c. les poumons font fouvent
remplis de tubercules, le coeur renferme des polypes
, Oc.
Avant de terminer ce qui regarde les caufes de
la mort, je ne puis m’empêcher de faire obferver
qu’on accufe très - fouvent les Médecins d’en augmenter
le nombre. Cette accufation eft pour l’ordinaire
diâée par la haine, le caprice, le chagrin, la
mauvaife humeur, prefque toujours portée fans
connoiffance de caufe ; cependant, helas ! elle n’eft
que trop fouvent jufte; quoique paflionnément attaché
à une profeflion que j’ai pris par goût & fuivi
avec plaiflr , quoique rempli d’eftime& de vénération
pour les Médecins, la force de la vérité ne me
permet pas de diflimuler ce qu’une obfervation confiante
m’a appris pendant plufieurs années, c ’eft que
dans les maladies aiguës il arrive rarement que la
guérifon foit l'ouvrage du médecin, & au contraire,,
la mort doit fouvent être imputée à là quantité & à
l’inopportunité des remedes qu’il a ordonnés. 11
n’en eft pas de même dans les chroniques, ces maladies
au-deffus des forces de la nature, exigent les
fecours du médecin ; les remedes font quelquefois
curatifs, & la mort y eft ordinairement l’effet de la
maladie, abandonnée à elle même fans remedes actifs
; en général on peut affurer que dans les maladies
aiguës on médicamente trop & à contre-tems ,
& que dans les chroniques on laiffe mourir le malade
faute de remedes qui agiffent efficacement, il ne
roanqueroit pas d’obfervations pour conftater 8c
confirmer ce que nous avons avancé. Un médecin
voit un malade attaqué d’une fluxion de poitrine,
c’eft-à-dire d’une fievre putride inflammatoire ;
perluadé que la faignée eft le fecours le plus approprié
pour réfoudre l’inflammation, il fait faire dans
trois ou quatre jours douze ou quinze faignées, la
fievre diminue, le pouls s’affaiffe, les forces s’épui-
fent ; dans cet état de foibleffe, ni la coâion ni la
crife ne peuvent avoir lieu, & le malade meurt. Un
autre croit que l’inflammation eft foutenue par un
mauvais levain dans les premières voies ; partant
de cette idée, il purge au-moins de deux jours l’un ;
heureufement les purgatifs peu efficaces qu’il emploie
ne font que lâcher le ventre, chaffer le peu
d’excrémens qui fe trouvent dans les inteftins ; les
efforts de la nature dans le tems d’irritation n’en
font que foiblement dérangés ; la coâion fe fait
allez paffablement, l’évacuation critique fe prépare
par les crachats ; on continue les purgatifs parce
que la langue eft toujours chargée 8c qu’il n’y a
point d’appétit ; mais à-préfent ils ceffent d’êtré indifférent
, ils deviennent mauvais, ils empêchent l’évacuation
critique ; la matière des crachatsrefte dans
les poumons, s’y accumule, y croupit ; le fang ne
fe dépure point, la fievre continue devient heâi-
que, les forces manquent totalement, & la mort fur-
vient. Une jeune dame de confidération e f t attaquée
d’une fievre putride qui porte légèrement à la gorg
e ; le pouls e f t dans les commencejnens petit, enfoncé,
ne pouvant fe développer ; comme la malade
à de quoi payer, on appelle en confultation
plufieurs médecins qui regardant la maladie comme
un mai de gorge gangréneux; croyant même
déjà voir la gangrené décidée à la gorge, ils pro-
gnoftiquent une mort prochaine, & ordonnent dans
la vue de la prévenir , des potions camphrées, 8c
font couvrir la malade de véficatoires : cependant
on donne l’émétique, 8c on fait même faigner, par
l’avis d’un autre médecin appelle ; il y a un peu de
mieux, la gorge eft entièrement dégagée ; on fe réduit
à dire, vaguement & fans preuves, que le fang
eft gangrené ; on continue les véficatoires, les urines
deviennent rougeâtres, fanglantes, leur excrétion
fe fait avec peine & beaucoup d’ardeur ; la
malade fent une chaleur vive à l’hypogaftre ; les
délires & convuifions furviennent ; on voit paroî-
tre en même tems d’autres fymptômes vaporeux ;
le pouls refte petit, ferré, muet, convulfir; la maladie
fe termine par la mon\ on ouvre le cadavre,
on s’attend de trouver dépôt dans le cerveau, gangrené
à la gorge, toutes ces parties font très-faines;
mais les voies urinaires, & fur - tout la veffie &
la matrice paroiffent phlogofées & gangrénées. 11
n’eft perfonne qui ne voye que ces defordres font
l'effet de l’aâion fpécifique des mouches cantharides.
Dans les maladies chroniques la nature ne fai-
fant prefque aucun effort falutaire, il eft rare qu’on
la dérange ; mais comme elle eft affaiffée, engourdie
, elle auroit befoin d’être excitée, ranimée : on
l’affadit encore par des laitages & d’autres remedes
aufli indifférens qui, loin de fuivre cette indication,
ne touchent point à la caufe du mal, 8c qui laiffent
la maladie tendre à la d.eftruâion de la machine. .
Un homme a depuis long-tems le bas-ventre rempli
d’obftruâion , il eft cachectique, une fievre lente
commence à fe déclarer , les jambes font ædémareu-
fes,on lui donne des apozemes adouciffaps,des bouillons
de grenouille, on hafardequelques légères décoctions
de plantes apéritives ; la maladie ne laiffe pas
d’empirer, 8c le malade meurt enfin hydropique ;
on néglige les remedes héroïques, les fondansfavon-
neux , martiaux , Oc. Un autre eft attaqué d'une
phthifie tuberculeufe, il commence à cracher du
pus ; le médecin ne fait attention qu’à l’état de fup-
puration oit il croit voir le poumon, il penfe que les
humeurs font acres, qu’il ne faut que combattre ces
acretés , invifquer par un doux mucilage, 8c engai-
ner, pour ainli dire, les petites pointes des humeurs,
il donne en conféquence du lait ; s’il entrevoit un
peu d’épaifliffement joint à l’acreté,il donne le petit-
lait ou le lait d’aneffe ; enfin, il en combine les différentes
efpeces, met fon malade à la diete laâée ;
mais ces fecours inefficace^ n’arrêtent point les progrès
ni la funefte terminaifon de la maladie ; au
moins on ne peut pas dire que le médecin dans les
chroniques tue fes malades ; tout au plus pourroit-
on avancer qu’il les laiffe quelquefois mourir. Il fe-
roit bien à fouhaiter qu’on fût réduit à un pareil
aveu dans les maladies aiguës.
Quelle que foit la caufe de la mort, fon effet principal
immédiat eft l’arrêt de la circulation, la fuf-
penfion des mouvemens vitaux : dès que cette fonc?
tion eft interrompue , toutes les autres ceffent à
l’inftant ; l’aâion réciproque des folides entr’eux 8c
fur les humeurs eft détruite , le fang refte immobile,
les vaiffeaux dans l’inaâion; tous les mouvemens.
animaux font fufpendus. La chaleur & la foupleffe
des membres qui en font une fuite fe perdent, 8c s
par la même raifon , l’exercice des fens eft aboli, il
ne refte plus aucun veftige de fentiment ; mais la
fenfibilité ou irritabilité, principe du fentiment &
du mouvement, fubfiftent pendant quelque tems ;
les parties mufculeufes piquées, agacées en donnent
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des marques inconteftables ; le coeur lui-même après
qu’il a ceffé de fe mouvoir peut , étant irrité , recommencer
fes battemens. C ’eft dans la continuation
de cette propriété que je fais confifter la mort
imparfaite ; tant qu’elle eft préfente,la vie peut revenir
, fi quelque caufe confiante peut la remettre
en jeu ; il faut pour cela que tous les organes foient
dans leur entier, que le mouvement du fang renou-
vellé ne trouve plus d’obftacles qui l’arrêtent 8c le
fufpendent de rechef ; que l’aâion des caufes qui
ont excité la mort ceffe ; c’eft ce qui arrive dans tous
les cas où elle doit être attribuée au fpafme du coeur,
dès que la mort a fufpendu les mouvemens , un relâchement
confidérable fuccede à cet état de conf-
triâion , la moindre caufe peut alors rendre la vie
& la fanté ; le fang lui-même ; altéré par le développement
du mouvement inteftin, peut fervir d’aiguillon
pour réfufciter les contractions du coeur.
Lorlque le fang arrêté quelque-tems, laiffé à lui-
même, fans mouvement progreflif, fans fécrétion,
fans être renouvellé par l’abord du chyle ; fon mouvement
inteftin fe développe, devient plus a â if ,
8c tend enfin-à une putréfaction totale, qui détruit
letiffu de tous les vifceres, rompt l’union, la cohé-
fion des fibres, bannit toute irritabilité , 8c met le
corps dans l’état apparent de mort abfolue: il eft bien
des cas où même avant que la putréfaâion fe foit ma-
nifeftée, les organes ont entièrement perdu leur fenfibilité
, ils ne peuvent recommencer leurs mouvemens
quelque fecours qu’on emploie. On peut obferver
cela furtout après les maladies aiguës, Où le
fang altéré eft dans un commencement de putréfaâion
, où quelques vifceres font gangrenés ; 8c il
eft à-propos de remarquer que dans ces circonftan-
ces, la mort abfolue fuit de près la mort imparfaite,
& que l’on apperçoit bientôt des ûgnes de pourriture.
Il en eft de même lorfqu’une bleffure a emporté
, coupé, déchiré les inftrumens principaux de la
vie ; ou enfin lorfqu’on a fait difliper toutes les humeurs
, qu’on a dcfféché ou embaumé le corps.
Diagnofiic. Il n’eft pas pollible de fe méprendre
aux lignes qui caraâérifent la mort; les changemens
qui différentient l’homme vivant d’avec le cadavre
font très-frappans 8c très-fenfibles ; on peut affurer
la mort, dès qu’on n’apperçoit plus aucune marque
de v ie , que la chaleur eft éteinte, les membres rondes
, inflexibles, que le pouls manque abfolument,
8c que la refpiration eft tout-à-fait fufpendue : pour
être plus certain de la ceffation de la circulation ,
il faut porter fuccellivement la main au poignet, au
pli du coude, au co l, aux tempes, à l’aine 8c au
coeur, 8c plonger les doigts profondément pour bien
faifir les arteres qui font dans ces différentes parties
; 8c pour trouver plus facilement les battemens
du coeur s’ils perfiftoient encore, il faut faire pan-
cher le corps fur un des côtés ; on doit prendre garde
, pendant ces tentatives, de ne pas prendre le
battement des arteres qu’on a au bout de fes propres
doigts , 8c qui devient feniible par la preflion,
pour le pouls du corps qu’on examine, & de ne pas
juger vivant celui qui eft réellement mort ; on conf-
tate l’immobilité du thorax , & lé défaut de refpiration
en préfentant à la bouche un fil de coton fort
délié, ou la flàfhme d’une bougie , ou la glace d’un
miroir bien polie ; il eft certain que la moindre expiration
feroit vaciller le fil & la flamme de la bougie
& terniroit la glace ; on a aufli coutume de mettre
fur le creux de l’eftomac un verre plein d’eau ,
qui ne pourroit manquer de verfer s’il reftoit encore
quelque veftige de mouvement ; ces épreuves fuffi-
fent pour décider la mort imparfaite ; la mort abfolue
fe manifefte par l’infenfibilité confiante à toutes
les incifions, à l’application du feu ou des ventoufes,
des véficatoires, par le peu de fuccès qu’on retire
de l’adminiftration des fecours appropriés. On doit
cependant être très-circonfpeâ à décider la mort abfolue
, parce que un peu plus de confiance peut-être
vaincroit les obftacles. Nous avons vu que dans
pareil ca s, vingt-cinq ventoufes ayant été appliquées
inutilement, la vingt-fixieme rappel la la’ v ie,
& dans ces circonftances il n’y a aucune comparai-
fon entre le fuccès 8c l’erreur ; la mort abfolue n’eft
plus douteufe quand la putréfaction commence à fe
manifefter.
Prognofiic. L’idée de prognoftic emportant né-
ceffairement avec foi l’attente d’un événement futur
pourra paroître,Iorfque la mort eft arrivée, finguliere
8c même ridicule à ceux qui penfent que la mort détruit
entièrement toute efperance ; confirme les dangers,
& réalife les craintes; mais qu’on faffe attention
qu’il eft un premier degré de mort , pendant lequel
les réfurreâions font démontrées poflïbles, &
par un raifonnement fort fimple, 8c par des observations
bien conftatées. Il s’agit de déterminer les
cas où l ’on peut, avec quelque fondement, efperer
que la mort imparfaite pourra fe difliper , 8c ceux
au contraire où la mort abfolue paroît inévitable.
Je dis p lus, il eft des circonftances où Ton peut affurer
que la mort eft avantageufe , qu’elle produit
un bien réel dans la machine, pourvu qu’on puifle
après cela la difliper; & pour ôter à cette affertion
tout air de paradoxe,il me fuffira de faire obferver que
fouvent les maladies dépendent d’un état habituel
de fpafme dans quelque partie , qu’un engorgement
inflammatoire eft âffez ordinairement entretenu 8c
augmenté par la conftriâion & le refferrement des
vaiffeaux ; la mort détruifant efficacement tout fpafme
, lui faifaùt fuccéder le relâchement le plus complet
, doit être cenfée avantageufe dans tous les cas
d’affeâion fpafmodique ; d’ailleurs la révolution
finguliere, le changement prodigieux qui fe fait
alors dans la machine peut être utilélà quelques per-
fonnes habituellement malades ; cé que1 j’avance
eft confirmé par plufieurs obfervations,qui prouvent
que des perfonnes attaquées de maladies très-ferieu-
lès dès qu’elles ont eu refté quelque-tems mortes,
ont été bientôt refhifes après leur réfurreâion, 8c
ont joui pendant plufieurs années d’une lànté florif-
fante. Voye{ le traité de C incertitude des Jignes de la
mort, §. 4. Si & G. On a vu aufli quelquefois,
dans des hémorrhagies confidérables la ceffation de
tout mouvement devenir falutaire. Les jugemens
qu’on eft obligé de porter fur les fuites d’une mort
imparfaite font toujours très-fâcheux & extrêmement
équivoques ; on ne peut donner que des
efpérances fort légères, qu’on voit même rarement
fe vérifier. Les morts où ces efpérances font les
mieux fondées, font celles qui arrivent fans léfion,
fans deftruâion d’aucun vifcere, qui dépendent de
quelqu’affeâion nerveufe, fpafmodique, qui font
excitées par des pallions d’ame , par la vapeur des
mines, du charbon, du vin fermentant, des mouf-
fetes, par l’immerfion dans l ’eau ; loïfqu’il n’y a
dans les pendus que la refpirationd’interceptée,ou
même une accumulation de fang dans le cerveau
fans luxation des vertebres , on peut fe flatter de
les rappeller à la v ie ; il en eft de même de la mort
qui vient dans le cours d’une maladie fans avoir été
prévenue & annoncée par les lignes mortels ; les
morts volontaires ou extatiques n’ont, pour l ’ordinaire
, aucune fuite facheufe ; elles fe diflipent
d’elles-mêmes. S’il en faut croire les hiftoriens , il y
a des perfonnes qui en font métier, fans en éprouver
aucun inconvénient ; il eft cependant à craindre
que le mouvement du fang, fouvent fufpendu,
ne donne naiffance à des concrétions polypeufes
dans le coeur 8c le gros vaiffeau. La mort naturelle
qui termine les vieUleffes décrépites ne peut pas fc